Cheikh Travaly : «Quand on parle d’agriculture c’est principalement le coton pour Ecobank Burkina Faso».

 Cheikh Travaly : «Quand on parle d’agriculture c’est principalement le coton pour Ecobank Burkina Faso».
Partager vers

Cheikh Travaly  est directeur général d’Ecobank-Burkina Faso. Cette dernière est l’une des quatre premières banques du pays qui représentent ensemble environ 75% du marché. La banque est très présente dans l’agriculture en finançant le coton, première ressource agricole du Burkina. D’autres filières sont approchées, en particulier la noix de cajou ou le secteur de la mécanisation, mais une banque commerciale n’est pas très outillée pour répondre aux besoins des agriculteurs déclare Cheikh Travaly à CommodAfrica.

Quelle est la place du monde rural dans votre banque ?

C’est une place assez importante dans la mesure où le secteur coton fait vivre environ 4 millions de personnes et emploie directement plus de 300 000 personnes. Quand on parle d’agriculture c’est principalement le coton pour Ecobank Burkina Faso. Depuis plusieurs années, nous sommes chef de fil du pool national de financement de la Sofitex  et nous finançons également les Groupements de producteurs de coton (GPC). On finance donc les deux côtés, la Sofitex pour l’achat, l’égrenage  et le transport du coton et les GPC pour les intrants, semences et frais de récoltes. Nos interventions dans le secteur coton sont facilitées  car c’est une filière intégrée et bien organisée surtout au niveau des paysans avec les groupements et la faîtière l’union nationale des producteurs de coton (UNPCB).

Financez-vous aussi la mécanisation qui semble se développer ?

Nous sommes principalement sur le volet production/exploitation mais de manière sélective nous finançons aussi l’équipement. Avec l’aide de l’UNPCB, nous avons commencé à financer l’acquisition de tracteurs au niveau des groupements avec  un remboursement étalé sur trois ans. Pour 2015, cela représente  FCFA 1,5 milliard. L’UNPCB distribue les tracteurs à des GPC qui gèrent de manière collective l’utilisation des tracteurs dans les champs. Le GPC est solidairement responsable du financement et du remboursement. Mais la encore, nous  travaillons en tandem avec l’UNPCB, qui nous aide à faire les prélèvements au niveau des groupements.

Et sur les autres filières ou produits ?

Sur les autres filières,  c’est plus compliqué. Il existe des filières assez prometteuses au Burkina Faso  comme le sésame, le karité ou la noix de cajou mais elles sont loin d’être organisées. Or ce manque d’organisation limite les possibilités de financements. Résultat ce sont les préfinancements octroyés par les acheteurs qui viennent acheter bord champs qui priment. Cela n’est pas forcement une bonne chose car cela ne permet pas de générer de la valeur ajoutée localement. Et parfois  même cela induit une perturbation sur les prix. Les producteurs vendent au plus offrant et des transformateurs locaux n’ont pas toujours accès à la matière première.  

Maintenant, nous menons d’autres expériences sur des petites spéculations comme le riz, l’oignon et la pomme de terre.   Par exemple pour le riz de la vallée du Sourou, Ecobank a conclu un  partenariat avec  des institutions de microfinance et entreposeurs (warrantage) et va  financer FCFA 600 millions pour permettre aux agriculteurs de planter du riz, de le récolter et de le stocker dans des entrepôts propres et sécurisés puis de le vendre. On vient de démarrer cette expérience et si c’est concluant on va essayer de faire des montants plus importants et sur d’autres cultures.

Le secteur agricole est-il plus risqué et/ou moins rentable  que d’autres ?

C’est un secteur rentable, mais il est risqué. Déjà il est sujet aux aléas climatiques – l’assurance climatique est encore peu présente- après il faut sécuriser le marché avoir un débouché. Dans le cas du coton on connaît le marché et  toute la production est vendue, mais pour les autres spéculations cela peut être aléatoire. Ensuite, nous avons à  faire à des petits producteurs, petites exploitations.  C’est très fragmenté.  A la limite je dirais qu’il faut faire de la microfinance plutôt que la banque. Nous ne sommes pas outillés pour s’occuper de centaine ou de milliers petits exploitants. En outre, s’ils ne sont pas regroupés, ils ne disposent pas de garantie.  

Treize banques sont présentes au Burkina et aucune spécifiquement sur l’agriculture ? Faut-il créer à nouveau une  banque agricole ?

On parle d’une banque agricole, elle figure dans le programme du nouveau gouvernement. Nous-mêmes,  en 2009 nous avons racheté la Banque  agricole et commerciale du Burkina (BACB). Et nous avons depuis fortement développé ses activités, ce qui était une condition du rachat, les autorités étant très soucieuses du financement agricole. Nous l’avons développé en devenant chef de file du financement de la Sofitex et nous avons ajouté le volet financement des groupements. Les montants sont importants, de l’ordre de FCFA 35 milliards en 2015.

Et dans la transformation, l’agro-industrie ?

Nous finançons   de plus en plus des entrepreneurs locaux qui font de la petite transformation. Surtout pour la noix de cajou. Nous le faisons via le système de tiers détenteur sur le stock, une fois que le stock est transformé, nous le gardons en tierce détention. Toutefois, ce ne sont pas de gros montants, de l’ordre de FCFA 2 à 3 milliards.

Quelle est la part de l’agriculture/agro-industrie pour Ecobank Burkina ?

En 2015,  ce sont environ FCFA 80 milliards pour un  total crédit de FCFA 400 milliards.

Comment s’est découlée l’année de transition ?

2015 a été une année difficile. Le fait d’être sur plusieurs marchés, nous a permis de diversifier le risque. Avec un ralentissement du taux de croissance, proche de 4% alors que nous étions plutôt sur 6-7%, l’impact a été fort et nous l’avons ressenti sur nos résultats, nos progressions. Le risque politique a eu un impact direct sur les investissements du pays. Des attaques ciblées se sont déroulées  sur le secteur minier à une période où des investissements étaient engagés. Ils ont été gelés et il y a eu en plus la baisse des cours. Dans beaucoup de mines, il y a eu du  chômage technique quand cela n’a pas été des licenciements secs. Par ricochet, les banques ont été affectées via les employés des mines et la chaîne de valeur. Les investissements miniers vont repartir. On va repartir vite.

Autres Articles

Leave a Reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *