« En 60 ans, il n’y a pas un secteur de l’agriculture et de l’élevage qui, à un moment ou un autre, n’ait pas été touché par les interventions de l’Union européenne », Jobst von Kirchmann

 « En 60 ans, il n’y a pas un secteur de l’agriculture et de l’élevage qui, à un moment ou un autre, n’ait pas été touché par les interventions de l’Union européenne », Jobst von Kirchmann
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Depuis 60 ans, l’Union européenne, premier partenaire commercial et premier investisseur privé de  la Côte d’Ivoire, est fortement engagé dans le pays. L’agriculture ivorienne est un secteur clé de concentration auquel est consacré ce dossier : 60 ans de coopération agricole entre l’Union européenne et la Côte d’Ivoire.

L’Ambassadeur de la délégation de l’Union européenne en Côte d’ivoire, Jobst von Kirchmann, revient sur les grandes évolutions et faits marquants de ces 60 ans de coopération dans l’agriculture et sur les enjeux d’aujourd’hui et de demain.

 

Le conflit Russie-Ukraine a replacé la souveraineté alimentaire et la sécurité alimentaire au centre des préoccupations mondiales. Comment voyez-vous l’articulation des relations agricoles et alimentaires à venir notamment entre l’Union européenne et la Côte d’Ivoire ?

 

Laissez-moi d’abord clarifier qu’il n’y a pas la moindre sanction européenne ni du G7 contre les grains ou les engrais russes. Si nous avons aujourd’hui un problème de sécurité alimentaire, c’est parce que la Russie a choisi d’arrêter les exportations de grains et d’empêcher l’Ukraine d’en faire. La première urgence est donc de faire de sorte que l’Ukraine puisse exporter les grains bloqués. C’est stupéfiant de voir des millions des tonnes de céréales dans les bateaux à Odessa qui ne peuvent quitter l’Ukraine car ils sont empêchés par la Russie.

 

Pour l’Union européenne, la souveraineté alimentaire réside non pas dans la capacité à être autosuffisant, ce qui, sur une large palette de produits consommés, est irréaliste soit économiquement soit environnementalement, mais plutôt dans la capacité à transformer son système alimentaire pour que ce qui est produit localement, ce qui importé et ce qui est exporté soit envisagé avec une approche globale de sécurité alimentaire pour sa population. Mais il faut aussi faire attention aux impacts des politiques nationales sur les autres partenaires extérieurs. C’est aussi ce que nous enseigne cette crise lorsque l’on voit la tentation de nombreux pays de restreindre les exportations, de contraindre les échanges entre nations. C’est, selon nous, faire courir des risques encore plus grands consécutifs à la raréfaction de certains produits et à l’augmentation de leurs prix.

 

Plutôt que de chercher à s’en sortir seul dans son coin, l’Union européenne plaide pour une approche concertée de la question alimentaire et de la construction de chaînes de valeurs résilientes – c’est-à-dire qui soient plus agiles pour résister à des crises tant politiques que climatiques par exemple – en associant une plus grande variété de produits dans les régimes alimentaires et de partenaires dans les approvisionnements.

 

Dans le moyen à long-terme, nous devons faciliter les capacités de production en Afrique qui est notre partenaire naturel. L’initiative « Global Gateway »[1] nous aidera pour créer les infrastructures et la connectivité nécessaires.

 

Plus spécifiquement, dans de nombreux pays d’Afrique, il est possible d’augmenter substantiellement la production agricole. Les conditions le permettent et l’Union européenne souhaite pouvoir accompagner cela. La Côte d’Ivoire, tout particulièrement, est un de ces pays qui dispose à la fois d’un contexte favorable pour le faire mais aussi d’une culture agricole certaine.

 

Pour la Côte d’Ivoire, les évolutions importantes vont être celles liées au mouvement crée par la croissance économique et démographique des grandes villes notamment, et que vont accentuer la crise alimentaire mondiale consécutive à l’agression Russe sur l’Ukraine. Ainsi, nous voyons les besoins de produits agricoles et alimentaires ivoiriens se transformer avec la part désormais majoritaire de population urbaine dans le pays. Tout ceci tire à la fois la demande de produits agricoles, de leurs stockages et de leurs conservations mais aussi de leur commerce dans de bonnes conditions. Dans le même temps, la part de produits transformés augmente.

 

La priorité du Gouvernement qui est mise sur la transformation des produits agricoles locaux correspond bien aux réalités des évolutions de la société ivoirienne. Et tout ceci laisse apparaitre de très grands besoins d’investissement et de modernisation des secteurs, tant de la production que de la transformation. L’Union européenne et ses États membres disposent d’expériences et de savoir-faire dont nous souhaitons pouvoir accompagner la mise à disposition en Côte d’Ivoire, à travers les investissements directs européens mais surtout à travers la mise en place de partenariats solides entre opérateurs de l’Union européenne et de la Côte d’Ivoire.

En conclusion, je dirais que ce qui marquera les évolutions de notre relation sur les questions agricoles et alimentaires c’est la durabilité comme tendance de fond et la transformation locale et la création d’un secteur industriel de l’agroalimentaire en Côte d’Ivoire. Ces deux tendances ne sont pas antinomiques et nous sommes persuadés que de nombreuses relations gagnant-gagnant peuvent être créées sur ces deux sujets.

 

De même, lors du sixième sommet Union européenne – Union africaine en février dernier, ont été actés un partenariat renouvelé et 150 milliards d’euros d’investissement. Quel impact sur la politique de l’UE en Côte d’Ivoire et sur l’agriculture ?

 

Effectivement, le dernier sommet a rappelé l’importance du partenariat stratégique entre l’Union européenne et l’Union africaine. Nos deux continents sont liés par la géographie, l’histoire, les cultures qui se sont largement influencées et nos économies. La relation est multidimensionnelle et elle doit être gérée ainsi. Entre l’Europe et l’Afrique, ce sont des histoires humaines autant que d’entreprises.

 

S’agissant du plan Global Gateway de 150 milliards d’euros, il ambitionne de financer la connectivité – dans toutes ses dimensions – entre l’Afrique et l’Europe. Qu’elle soit physique à travers les réseaux d’infrastructures comme les ports, routes, etc. ; qu’elle soit numérique à travers le soutien au développement de l’économie numérique ou qu’elle soit intellectuelle à travers le soutien à la circulation des idées à travers les échanges et la mobilité des chercheurs et des étudiants.

 

L’Union européenne promeut un monde ouvert où les échanges sont le terreau le plus fertile pour construire des partenariats et faire émerger des solutions adaptées aux réalités de la croissance africaine. Dans le cadre de ce plan, l’Union européenne cherche à mobiliser les financements des secteurs privés mais aussi des institutions financières autour de ces grandes thématiques.
Et son impact sur l’agriculture sera – nous l’espérons – très fort. Car en effet, les infrastructures de transport sont essentielles dans les chaines de valeurs de produits agricoles. Les pertes post-récoltes dues aux mauvaises conditions de stockage et de transport représentent encore 40 % des productions en moyenne. Avoir un impact sur cela est au bénéfice de tous, du producteur au consommateur. De même à travers le soutien au développement de l’économique numérique, nous envisageons de pouvoir accompagner le développement de solutions d’agricultures intelligentes adaptées au contexte ivoirien qui permettent à la fois une meilleure connaissance de la météo par exemple, des dosages d’intrants à utiliser mais aussi des cours et des marchés pour mieux préparer la commercialisation des produits.

 

Enfin, sur la distribution, nous voyons bien l’explosion très rapide des services de livraisons et de logistiques, appuyés sur des solutions numériques, qui peuvent permettre de rapprocher les consommateurs et les producteurs. Ainsi, vous le voyez, cette approche par la connectivité des hommes, des marchés et des idées aura, nous l’espérons, un impact fort et positif sur l’agriculture en Côte d’Ivoire.

 

L’UE est présente depuis 60 ans en Côte d’Ivoire et l’agriculture est un secteur de concentration de la coopération. Quel regard portez-vous sur ces 60 ans de coopération agricole ? Quels sont à votre avis les grandes évolutions et faits marquants de cette coopération ?

 

Effectivement, depuis 60 ans l’Union européenne accompagne le développement de la Côte d’Ivoire. Et la Côte d’Ivoire est une puissance agricole africaine et même mondiale. Nous connaissons tous sa place de numéro 1 dans la production de cacao, dans l’exportation d’anacarde et son rôle de leader africain sur la production de mangues ou encore sur l’exportation de thon. Tout ceci nous sommes heureux et fiers d’avoir pu y contribuer tant à travers les appuis techniques que nous avons pu fournir qu’à travers la mise en place d’un marché unique et cohérent qui a facilité les échanges commerciaux fructueux pour la Côte d’Ivoire.

 

Mais au-delà de ça, l’Union européenne a eu des impacts décisifs sur de nombreuses filières. Je pense par exemple à la filière Coton qui a été sauvée lors de la crise sociopolitique ivoirienne par les interventions de l’Union européenne. Aujourd’hui c’est une filière qui recommence à croître et à se développer et nous sommes heureux d’avoir pu y contribuer. Il en est de même pour la production de bananes qui s’est vue soutenue sur le long terme par l’Union européenne et qui a permis, année après année, de solidifier la place de premier exportateur africain de bananes.

 

Mais au-delà des cultures d’exportation, l’Union européenne soutient aussi, depuis 60 ans, les évolutions du monde paysan ivoirien pour s’adapter aux réalités de la Côte d’Ivoire qui se transforme et des marchés de la sous-région. Nous avons donc soutenu les mouvements coopératifs lorsqu’ils ont émergé, le développement des périmètres maraichers pour répondre aux besoins croissants de villes, les projets de développement local de préservation des terroirs et de l’environnement dans les zones périphériques des Parcs Nationaux, ou encore la production de sucre.

 

En 60 ans, il n’y a pas un secteur de l’agriculture et de l’élevage qui, à un moment ou un autre, n’ait pas été touché par les interventions de l’Union européenne. C’est la force d’une présence dans le long terme et d’une présence sur laquelle le partenaire ivoirien peut compter. Je rappelle toujours que durant la crise, une grande partie de l’économie agricole a survécu grâce aux interventions de l’Union européenne. Je mentionnais le coton tout à l’heure mais cela a été vrai globalement pour bon nombre de filière à travers des investissements dans les infrastructures et les services publics pour soutenir et relancer l’activité au terme des années de crise.

 

Et donc, si nous devions noter un fait marquant dans l’agriculture en Côte d’Ivoire, qui reste un secteur fort de l’économie, c’est justement qu’en 60 ans, l’Union européenne n’aura délaissé aucune partie. Que ce soit en terme de géographie ou en terme de secteur, tout ce qui a trait à l’agriculture, la sylviculture, l’élevage, la pêche mais aussi depuis quelques années maintenant à la transformation locale, aura été impacté par le partenariat solide entre l’Union européenne et la Côte d’Ivoire.

 

Comment la coopération agricole a-t-elle été influencée et impactée par l’évolution des relations entre l’Europe et l’Afrique (Des conventions de Lomé à Cotonou, des APE[2], disparition du FED, instruments financiers, etc.) ?

 

La coopération agricole est toujours, dans les pays africains, le secteur de coopération le plus ancien et pour cause, historiquement, c’est celui qui occupe le plus grand nombre de personnes et qui a longtemps été – et est encore – la base de l’économie d’un grand nombre de pays. La coopération dans ce secteur étant ancienne, elle a vu passer un grand nombre de type d’interventions. Aux années d’une forte présence de l’État et d’investissements massifs à travers des sociétés d’État et une planification très lourde ont succédé des méthodes mettant plus au centre le paysan lui-même en tant qu’acteur économique, doué de raison et de discernement pour opérer les choix. L’Union européenne a accompagné les évolutions des secteurs agricoles en tentant toujours de mettre en avant les producteurs et a travaillé à leur renforcement de capacité. Citons, par exemple, notre implication sur la mise en place de mouvements coopératifs.

 

Les différentes Conventions et autres accords qui ont régi la coopération agricole ont toujours apporté une attention particulière à ce secteur et soutenu son développement. Mais avec le temps, la perspective de la production agricole a évolué. Un paysan n’est pas qu’un producteur de produits agricoles, c’est aussi un citoyen qui a des besoins économiques et sociaux tout comme des droits civiques. C’est pourquoi les programmes de développement agricole ont évolué vers le développement rural, qui embrasse plus largement la condition des citoyens vivant en zone rurale, dans toutes leurs composantes. Cette autre manière de regarder ces questions a permis aussi de mieux appréhender la place des femmes et des jeunes dans ces économiques rurales et donc dans les programmes que nous avons soutenus.

 

Par ailleurs, l’Union européenne a toujours beaucoup soutenu les débouchés des produits agricoles africains en Europe, à travers différents partenariats, dans les périodes qui ont précédé et accompagné la construction du marché commun puis du marché unique. Aujourd’hui les instruments de politiques se sont adaptés pour tenir compte des évolutions de l’environnement mondial et des engagements pris tant par l’Union européenne que par les pays africains dans le cadre de l’OMC.

 

Mais l’Union européenne a tenu à répondre à ces contraintes par la mise en place d’un partenariat économique solide, lisible et transparent et favorable au développement des économies africaines. C’est ainsi qu’ont été mis en place les Accords de Partenariat Économique (APE) qui sont une manière de continuer à soutenir les agricultures africaines en leur permettant un accès libre de droits de taxes et de douanes au marché de l’Union européenne. Dans le même temps, les APE disposent de toutes les possibilités règlementaires pour protéger des secteurs – agricoles ou autres – que des pays partenaires trouveraient particulièrement stratégiques pour eux et donc à soutenir prioritairement.

 

On le voit bien, l’Union européenne a cherché à mettre en place un outil bénéfique tant au développement des activités dans le commerce international que pour la production nationale. C’est, il me semble, la marque de la coopération de l’Union européenne sur les questions agricoles. Nous avons une conscience précise de l’importance du milieu rural et de la production agricole dans la résilience des sociétés de nos partenaires africains et nous essayons d’adapter nos dispositifs de coopération aux contraintes des époques et des évolutions des normes internationales pour parvenir à tisser des partenariats gagnant-gagnant. Aujourd’hui si la Côte d’Ivoire peut continuer à être le plus gros exportateur de thon en Afrique, le premier exportateur de bananes ou encore de cacao, c’est aussi – à côté du travail des paysans africains et des investissements de leurs Gouvernements – grâce à la mise à disposition d’un marché ouvert, prévisible et lisible et donnant de la sécurité juridique dans les transactions commerciales. C’est bien celui de l’Union européenne qui peut assurer cela et cela participe de notre stratégie de coopération.

 

Et demain ? Quels seront les axes forts du partenariat UE-Côte d’Ivoire dans le domaine agricole ?

 

Pour ce qui est de l’avenir des relations agricoles et alimentaires entre l’Union européenne et la Côte d’Ivoire, je dirais qu’elles seront marquées essentiellement par deux éléments, l’un qui a trait à des évolutions au sein de l’Union européenne, sur ses marchés et de la part de ses consommateurs, et l’autre par les évolutions des besoins et de la demande de produits alimentaires et agroalimentaires en Côte d’Ivoire.

 

Et donc, pour l’Union européenne, ce sont toutes les transformations des sociétés européennes et de leur marché qui demandent plus de durabilité – dans toutes ses dimensions : économique, sociale et environnementale – qui vont être les tendances lourdes. L’Union européenne est en train d’accompagner cette demande politique et sociale autour de la durabilité en travaillant sur plusieurs textes de lois (Règlementations et Directives en droit européen) qui vont contraindre le commerce des produits agricoles sous cet angle. Avec la Règlementation pour lutter contre la déforestation, l’Union européenne veut s’assurer qu’elle ne contribue pas – indirectement – à travers sa consommation, à la déforestation à l’autre bout du monde. Pour cela, il faut des systèmes de traçabilité robuste et exhaustif et nous travaillons avec notre partenaire en Côte d’Ivoire à le mettre en place sur la filière cacao. Et il est très important d’insister sur le fait que, pour l’Union européenne, la durabilité ce n’est pas seulement l’environnement ; c’est aussi, et avec la même importance, les questions sociales et les questions environnementales.

 

Pour les années à venir, l’Union européenne souhaite donc accompagner la Côte d’Ivoire dans la transformation de son modèle agricole pour qu’il aille vers plus de durabilité. Cette durabilité totale, économique – celle qui donne un revenu décent aux planteurs ; sociale – celle qui donne un emploi décent aux travailleurs ; et environnemental – celle qui ne compromet pas l’avenir des écosystèmes et donc de l’humanité.

Cette transformation du modèle sera stratégique pour la Côte d’Ivoire et nous voulons qu’elle puisse saisir les opportunités qui vont être créées par l’Union européenne dans le secteur de la durabilité. Le Green Deal lancé dans l’Union européenne va amener à terme à la création du plus grand marché au monde s’agissant de produits durables. Pour l’alimenter, l’Union européenne aura besoin de partenaires comme la Côte d’Ivoire qui a toute sa place si elle parvient à assurer cette transition de son agriculture vers plus de durabilité.

 

Mais au-delà des cultures d’exportation, nous voulons aussi que le mouvement créé puisse servir en Côte d’Ivoire, les citoyens de ce pays. C’est la raison pour laquelle nous voulons continuer à travailler avec le secteur privé en Côte d’Ivoire, sur les questions de Responsabilité sociétale des entreprises (RSE), afin que la Côte d’Ivoire puisse attirer plus facilement des investissements – notamment dans le secteur agricole – en disposant d’entreprises qui sont déjà outillées sur ces questions de RSE et de durabilité dans les chaînes de valeurs. Ces sujets sont à nos yeux ce qui va tirer fortement tous les secteurs économiques dans les années à venir et nous pensons que la Côte d’Ivoire est bien placée pour pouvoir tirer son épingle du jeu.

 

 

La question foncière en Côte d’Ivoire

 

Les questions foncières ne peuvent être dissociées des problématiques agricoles en Côte d’Ivoire. L’UE a été très présente sur ce sujet mais il demeure encore d’actualité. Quelles réflexions sont en cours sur ce sujet ?

 

Ambassadeur Jobst von Kirchmann : Effectivement, il est important de toujours avoir en tête la question foncière quand on s’intéresse au développement rural. C’est en effet un élément structurant pour l’organisation et le développement des secteurs. L’insécurité foncière bloque les investissements en milieu rural. Et je ne parle pas uniquement des grands projets d’investissements. Cette question a un impact aussi sur les petits planteurs qui n’ont que quelques hectares. Comment se lancer dans la modernisation de son exploitation si on n’a pas l’assurance de pouvoir la faire prospérer sur le long terme. Comment convaincre un organisme de crédit à vous accompagner si vous n’êtes pas en mesure de démontrer que vous maitrisez la question foncière dans votre projet ? Ces sujets sont sur la table en Côte d’Ivoire depuis de nombreuses années notamment parce qu’ils touchent aussi à la cohésion sociale dans les villages. La terre est gérée avec des processus traditionnels bien établis, mais qui diffèrent souvent d’une zone à une autre ; créant des incompréhensions, des quiproquos et des tensions.

 

L’Union européenne s’est fortement investie depuis plus de 15 ans sur la sécurisation foncière rurale. Nous avons accompagné patiemment le Gouvernement pour soutenir les évolutions de la loi foncière dans un sens de simplification des procédures. Puis, dans ce mouvement de réflexion, la Côte d’Ivoire a décidé de créer une agence dédiée à la gestion du foncier rural (AFOR) et c’est une initiative que là encore nous avons soutenu. Entre 2015 et 2022, l’Union européenne a investi 41 millions d’euros sur ce sujet pour aider à la mise en place de l’agence et au lancement de programmes à grande échelle de sécurisation foncière. Tout ceci a été très long à faire démarrer mais aujourd’hui nous commençons à voir les fruits de ce travail.

Pourtant, il reste un chantier énorme. La plus grande partie du territoire rural de Côte d’Ivoire reste à cadastrer et il s’agira d’un chantier pour encore de très longues années. Mais il est essentiel et l’Union européenne voudrait pouvoir continuer à accompagner ce processus. Car en effet, la sécurisation foncière va avoir une très grande importance dans la mise en œuvre des réglementations européennes de lutte contre la déforestation et de prise en compte des droits humains dans les chaînes de valeurs. Ces règlementations vont insister sur la légalité des productions agricoles qui entreront sur le marché unique de l’Union européenne. Ce que nous appelons le critère de légalité. Et pour établir ce critère de légalité, la sécurité foncière du producteur sera essentielle. Pour faire simple, pour pouvoir vendre du cacao à l’Union européenne, il faudra – dès que la Règlementation sera en vigueur – pouvoir démontrer (1) que son cacao n’est pas issu d’une zone récemment déforestée et (2) démontrer que sa production, à cet endroit-là, est légale. Et cela passe, bien évidemment, en grande partie par la maitrise de la question foncière sur laquelle est installée votre plantation.

 

Pour toutes ces raisons, l’Union européenne considère qu’il est déterminant de poursuivre les efforts dans la sécurisation foncière rurale et nous appelons les autorités ivoiriennes à maintenir un rythme soutenu de réformes pour que les processus soient mieux maitrisés par les petits planteurs, qu’ils soient moins onéreux et prennent beaucoup moins de temps. Pour ce faire, l’AFOR doit pouvoir disposer des moyens nécessaires à la mission qui lui a été assignée.

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