La Chronique Matières du Jeudi
La tonne de cacao £ 600 plus chère du fait de la Côte d’Ivoire
(03/02/2011)
Les prix alimentaires mondiaux ont atteint un nouveau pic historique en janvier pour le septième mois consécutif, selon l’index des prix de la FAO publié aujourd’hui. Mi-2008, les cours des denrées alimentaires sur les marchés internationaux avaient atteint leur plus haut niveau depuis près de 30 ans. En décembre 2010, l’Indice FAO des prix des produits alimentaires a surpassé ce sommet atteint en 2008, et en janvier 2011, l’Indice a encore augmenté de 3,4%.
Blé. Le blé est à la baise sur le marché à terme de Chicago réagissant à des prises de bénéfices, un dollar qui s’est raffermi et l’inquiétude des opérateurs quant à la situation chez le premier importateur mondial de blé, l’Egypte. De source officielle égyptienne, lundi dernier, on se voulait bien entendu rassurant : la General Authority for Supply Commodities (GASC) a précisé à Reuters que le pays disposait des réserves permettant de faire face à 10 mois de consommation.
Ailleurs en Afrique, notons que le Maroc a annoncé aujourd’hui que sa récolte de blé devrait baisser cette année de 6,2%, à 7 millions de tonnes (Mt), ce qui impliquerait des importations plus importantes. La Haute commission de la planification contredit en cela le rapport de la Banque centrale du mois dernier qui faisait état, à la mi-décembre, de superficies emblavées en hausse de 61% par rapport à la campagne précédente et un niveau pluviométrique supérieur de 57%. A noter que le dixième importateur mondial de blé a enregistré une baisse de 27% de sa récolte céréalière l’année dernière, à 7,46 Mt, dont 3,2 Mt de blé tendre (4,3 Mt la campagne précédente), 1,6 de blé dur (2 Mt) et 2,6 Mt d’orge (3,8 Mt).
Le gouvernement, qui subventionne les prix d’un certain nombre de produits alimentaires de base comme l’huile, le sucre, le gaz, etc., s’est engagé à maintenir les prix des céréales à des niveaux abordables en 2011. Ainsi, l’Office des céréales a introduit le mois dernier un mécanisme de compensation à l’importation jusqu’à la mi-avril, permettant de maintenir le niveau des imports malgré la hausse des cours mondiaux. Sur les 7 mois au 31 décembre dernier, les importations de blé tendre ont fait un bond de 334%, à 1,25 Mt. De janvier à décembre, le Maroc a importé 3,1 Mt de blé de types divers contre 2,4 Mt en 2009, selon l’Office des changes.
Pour sa part, l’Arabie saoudite a annoncé importer 2 Mt de blé en 2011, soit un volume similaire à 2010, mais devrait porter ses achats à 3 Mt après 2016 lorsqu’il cessera de produire localement. Le pays a récolté 1,2 Mt de blé en 2010 et en a importé 1,98 Mt.
Cacao. Plus de 90% des exportations de cacao de Côte d’Ivoire étant le fait d’entreprises américaines et européennes, on s’achemine vers l’arrêt quasi-total des exportations de cacao de Côte d’Ivoire. D’ailleurs, de façon officielle, les exportateurs européens annonceront prochainement suspendre leurs activités dans ce pays, étant donné que l’interdiction leur est faite de charger des navires et de travailler avec le comité de gestion de la filière en Côte d’Ivoire. Des exportateurs qui auraient trouvé un consensus entre eux pour déclarer comprendre la mesure d’embargo émise à l’égard de la Côte d’Ivoire mais s’inquiéter du « danger que cela faisait courir au planteur ivoirien », souligne-t-on de bonne source.
En filigrane se pose la question de la compensation : qui dédommagera les entreprises, à savoir notamment ADM, Cargill, Barry Callebaut, Cemoi, Touton, Olam ou encore Noble parmi les plus grandes, qui ne peuvent ainsi plus travailler ou travailler autrement et de façon plus coûteuse ?
Sur le marché, on s’achemine vers la seule commercialisation en Côte d’Ivoire de l’ancienne récolte en entrepôt qui ne tombe pas sous le coup de la mesure d’interdiction d’exporter par Guillaume Sorro. Le cacao se traite actuellement à £ 2 200 la tonne sur le marché de Londres. «S ‘il n’y avait pas la crise en côte d’Ivoire, le cacao serait sans doute à £ 1600 la tonne », souligne un trader.
Café. Alors qu’on s’attendait à une baisse du marché de l’Arabica à New York suite aux désengagements de certains fonds, c’est en réalité le contraire qui se produit : le marché s’est installé au dessus de 250 cts la livre, au plus haut en 13 ans et demi. Le Robusta, soutenu par la fête du Nouvel an chinois, a quant à lui passé allégrement le niveau des $ 2200, un niveau qu’il n’avait plus enregistré depuis plusieurs années. Le marché manque de grains de qualité et il est poussé à la hausse par l’ensemble des marchés des matières premières qui voient leurs prix augmenter.
Ainsi, l’écart entre Arabica et Robusta ne se réduit pas comme prévu mais augmente. En effet, on s’attendait à de sérieux problèmes au niveau de la production d’Arabica lavé. En réalité, la demande a considérablement baissé. Ainsi, les différentiels sont plutôt à la baisse surtout sur le rapproché, vraisemblablement en raison des cours élevés et à la pression des récoltes, qui s’accumulent dans les ports.
Au Brésil, la récolte record laissait penser qu’il n’y aurait pas de problème d’approvisionnement, Mais il n’en est rien ! Après que les “Fine Cup” aient bien augmenté en différentiel, c’est au tour des “Good cup” et du café de crible 17/18 d’accuser une hausse soudaine de près de 10 cts en différentiel. Les prix sur le marché interne étant plus élevés que sur le marché international, la situation se complique sur ces cafés. Après avoir chargé 3 millions de sacs par mois, en janvier seulement 2 millions ont été exportés. La soudure avec la nouvelle récolte, prévue en baisse, risque d’être sportive, souligne un trader.
A noter cette semaine une bonne activité physique en général, avec de plus en plus d’intérêt sur les qualités les plus basses, car moins chères. Le prix de la tasse de café risque d’en pâtir dans les mois à venir !
Caoutchouc. Un baril de pétrole qui repasse au dessus des $ 100, une étroitesse de l’offre et une pause dans la hausse du yen sont les trois facteurs majeurs qui ont fait à nouveau grimper le prix du caoutchouc naturel à des niveaux record. Un prix qui devrait encore monter lorsque les opérateurs chinois reviendront sur le marché après avoir fêté le Nouvel an. La Chine est le premier consommateur mondial de caoutchouc naturel
Huile de palme. Sur le marché à terme de Malaisie (actuellement fermé pour fêter le Nouvel an), l’huile de palme a atteint son plus haut en trois ans, depuis le 10 mars 2008, sur fond d’inondations dans des régions majeures de production de Johor et de Sabah et alors que les autres huiles alimentaires s’inscrivent également à la hausse. Rappelons que la Malaisie est le deuxième producteur mondial derrière l’Indonésie.
Riz. En janvier, les cours mondiaux ont connu une baisse sur tous les marchés d’exportation sauf au Pakistan où les disponibilités se font plus rares en raison d’une chute de la production en 2010, souligne Patricio Mendez del Villar dans sa note de conjoncture Osiriz. Globalement, les principaux exportateurs disposent d’une offre abondante, tandis que la demande mondiale devrait rester stable une fois encore en 2011, notamment en Asie où les besoins resteraient quasiment inchangés. Aussi, les cours mondiaux ne devraient guère subir des pressions à la hausse, au moins durant le premier semestre de l’année. Par ailleurs, il faudra aussi compter sur des nouveaux exportateurs, à commercer par le Cambodge qui cherche d’ores et déjà des débouchés sur le marché européen.
En janvier, l’indice OSIRIZ/InfoArroz a reculé de 6 points à 237,0 points (base 100=janvier 2000) contre 243,0 points en décembre. Début février, l’indice IPO se maintenait à 238 points.
En Afrique, la production pourrait progresser de 3% environ en 2011 grâce à une extension des surfaces et à des meilleurs rendements. Toutefois, ces gains seront insuffisants pour faire face à une consommation croissante, de l’ordre de 5% en 2011. On s’attend ainsi à un regain des importations qui pourraient augmenter de 4% par rapport à 2010.
Sucre. Toujours plus haut ! Le sucre roux est encore à des niveaux de prix qu’il n’avait plus enregistré depuis 30 ans, à 36,08 cents la livre. Mais le marché est manifestement suracheté, et on doit s’attendre à une légère correction à la baisse, a estimé l’économiste en chef de l’Organisation internationale du sucre, Sergey Gudoshnikov. Il estime que l’impact du cyclone en Australie a été surfait et que, globalement, l’offre de sucre devrait croitre en 2011/12 car les planteurs, attirés par les prix très incitatifs, vont accroître leurs superficies. Quant à l’Inde dont on attend une décision d’ouvrir de façon illimitée ses exportations, l’économiste recommande d’attendre de voir comment se profilera la récolte. Parallèlement, si la Russie décide de réduire ses tarifs à l’importation dès le mois de mars sans attendre mai, il n’est pas dit pour autant qu’il achètera plus de sucre. Enfin, les cultures en Europe n’auraient pas trop souffert des rigueurs du froid en décembre.
Thé. L’absence d’acheteurs égyptiens aux ventes aux enchères de thé de Mombassa a provoqué une baisse de la demande et donc des prix cette semaine, qui sont passés en moyenne à $3,68 le kilo contre $ 3,88 la semaine précédente. Selon l’Africa Tea Brokers (ATB), 43% du thé mis en vente n’a pas trouvé preneur. En 2010, 21% du thé kényan (ce qui comprend du thé des pays producteurs voisins mais qui est vendu aux enchères de Mombasa) a été acheté par l’Egypte.