La Chronique Matières Premières Agricoles au 2 avril 2020

 La Chronique Matières Premières Agricoles au 2 avril 2020
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L’envolée des cours du pétrole hier suite au tweet du président Donald Trump qui entrevoit la fin de la guerre des prix du brut entre l’Arabie saoudite et la Russie, a donné du cœur aux marchés malgré les chiffres catastrophiques de l’emploi aux Etats-Unis et une situation sanitaire mondiale qui se dégrade. Les marchés financiers européens et américains ont terminé en hausse. Le baril de Brent a gagné 20% sur la seule séance d’hier mais demeure excessivement bas, à $ 29,68 ; il était tombé à $ 21,65 en cours de séance, son plus faible prix depuis ….2002. Quant au brut léger américain, le WTI, il a rebondi de 23% à $ 25 ; en début de semaine, il était tombé à $ 19,25. Hier, et pour la deuxième journée consécutive, le dollar a progressé face à un panier de devises, jouant sa carte de valeur refuge. L’euro a perdu 1% face au billet vert et cotait $ 1,0858 hier soir à la clôture, son plus bas depuis le 25 mars.

CACAO CAFÉCAOUTCHOUC COTON HUILE PALMERIZSUCRE 

CACAO

Le cacao a baissé sur le marché à terme à Londres mais a grimpé sur celui de New York durant la période sous revue. Partie de £ 1 785 la tonne vendredi dernier sur le premier, les fèves ont terminé hier soir à £ 1 768 tandis qu’outre-Atlantique, elles passaient de $ 2 257 en fin de semaine dernière à $ 2 285. Un marché du cacao qui se heurte frontalement à deux facteurs, tous deux pesants : la perspective d’une baisse de consommation de biens de luxe dont le chocolat tandis qu’en Côte d’Ivoire, n°1 mondial de la fève, la météo est bonne !

Cette semaine, la Côte d’Ivoire a suspendu les achats de fèves de cacao par Cargill et Barry Callebaut car les deux multinationales ont déjà épuisé leurs quotas de plus de 10% (lire nos informations). D’autre part, la campagne intermédiaire 2019/20 qui s’achèvera fin septembre, a démarré le 1er avril ; le prix minimum garanti au planteur est maintenu à FCFA 825 (€ 1,25) le kilo. Troisième nouvelle, selon les estimations des exportateurs, les arrivages aux ports d’Abidjan et de San Pedro ont totalisé 1,645 Mt entre le 1er octobre et le 29 mars, en baisse de 1,7% par rapport à la même période la campagne dernière. Quant aux volumes exportés par ces deux ports entre les mois d’octobre et de février, les chiffres provisoires portuaires publiés cette semaine font état de 914 680 tonnes (t), soit 3,5% de moins que sur la même période la campagne dernière. Quant aux exportations de produits semi-finis du cacao, elles auraient chuté de 22%, à 147 431 t.

En Indonésie, en mars, comme les mois précédents, aucune fève de cacao n’a été exportée de la province de Lampung à Sumatra. Les dernières ventes à l’international remontent à décembre dernier avec 813 t. En mars 2019, les volumes exportés étaient de 44,7 t.

Nestlé a annoncé la semaine dernière avoir considérablement progressé dans son approvisionnement durable en fèves. En utilisant des coordonnées GPS, le géant suisse a cartographié 75% de ses 120 000 fermes cacaoyères auprès desquels il s’approvisionne en Afrique de l’Ouest. Il a pu déjà trouver que 3 700 fermes se situaient dans des forêts protégées et a cessé de se procurer du cacao auprès d’elles. Le groupe entend terminer sa cartographié d’ici le mois d’octobre, voulant atteindre son objectif d’un approvisionnement durable de la totalité de son cacao d’ici 2025. Notons que la Côte d’Ivoire et le Ghana fournissent 80% de l’approvisionnement de Nestlé en cacao (lire nos informations).

CAFÉ

L’Arabica à New York est passé de $ 1,1585 la livre (lb) en fin de semaine dernière à $ 1,1935 hier soir. Cette variété de café a gagné près de 10% en valeur au mois de mars, une des rares matières premières a avoir enregistré une hausse dans ce monde où la consommation s’écroule. En revanche, le Robusta a affiché un électrocardiogramme plat à $ 1 209.

Les statistiques sont un des facteurs explicatifs de cette tendance. Les exportations brésiliennes du café ont baissé en mars, à 3,04 millions de sacs de 60 kg (Ms) contre 3,2 Ms en mars 2019, mais en hausse par rapport aux 2,8 Ms en février 2020, selon les données gouvernementales.

Le Honduras, producteur d’Arabica, a enregistré une chute de 7,1% de ses exportations en mars par rapport à mars 2019, à 749 916 sacs, l’institut national Ihcafe expliquant ceci par la baisse de la production face à des cours mondiaux si peu incitatifs et par la sécheresse qui a sévi cette campagne. D’octobre à mars, les exportations ont totalisé 2,78 Ms, soit un pourcent de mois que sur la même période la campagne dernière. Ceci dit, elles estiment que les exportations devraient baisser de 4,3% sur l’ensemble de la campagne 2019/20.

Notons que le Honduras est une des origines principales des stocks certifiés du marché à terme ICE qui ont chuté à 1,95 Ms, leur plus faible niveau en deux ans car tout le monde se rue pour stocker du café par crainte de voir les filières d’approvisionnement se… gripper (lire notre information : Coronavirus ou non, on n’arrête pas le marché du café !).

D’ailleurs, le Vietnam a instauré le 1er avril un confinement national de 15 jour, gelant les transactions caféières. En Indonésie, l’activité se poursuit. Cette semaine, le Robusta de Sumatra a été offert avec une prime de $ 200 à $ 250 par rapport à l’échéance juillet à Londres, soit en baisse par rapport à la prime de $ 300 la semaine dernière sur l’échéance mai. “Il est difficile de calculer la prime cette semaine car le dollar continue de se renforcer face à la roupie et alors qu’aucun nouveau stock n’arrive”, explique un trader sur place ; le café de la nouvelle récolte devrait arriver en mai. La roupie indonésienne est tombée cette semaine à sa plus faible valeur face au dollar depuis la crise financière asiatique de 1998.

Côté statistiques, les exportations de café du Vietnam au premier trimestre ont baissé de 3,9% par rapport à début 2019, à 794 000 t, selon les statistiques gouvernementales. En Indonésie, la province de Lampung a Sumatra a exporté, quant à elle, 9 409 t de café en mars soit 43% de plus qu’en mars 2019, mais en nette baisse par rapport aux 12 149 t exportées en février 2020 (+51% sur février 2019).

Côté Robusta, souligne l’analyste des marchés de produits agricoles Judy Ganes souligne une hausse de la consommation mondiale de café soluble, ce qui soutient les cours du Robusta qui est la variété de café largement utilisée pour la fabrication du café instantané.

Notons que les exportations de café (du Robusta) en Côte d’Ivoire ont chuté de 35% en janvier et février par rapport à il y a un an, tombant à 4 628 t, selon les données provisoires portuaires.

CAOUTCHOUC

Plongeon sur le marché du caoutchouc où les cours ont chuté à un plus bas de 11 ans hier sur le Tokyo Commodity Exchange (Tocom) à 140,6 yens ($1,3) le kilo contre 150,4 yens vendredi dernier. Sur le marché de Shanghai, la chute est moins prononcée, les cours passant de 9 920 yuans vendredi dernier à 9 745 yuans ($9 745) hier. La propagation rapide du coronavirus provoque une forte diminution de l’activité industrielle dans une grande partie du monde et heurte la demande de caoutchouc.

Les cours du caoutchouc ont baissé de 16% en mars et accusé une perte de 27% sur le 1er trimestre (janvier-mars), la plus forte baisse depuis le quatrième trimestre (octobre-décembre) 2008. “Sans aucun signe de fin de pandémie, le Tocom pourrait plonger en dessous des niveaux de 140 yens” prédit Toshitaka Tazawa, analyste chez Fujitomi Co.

En Chine, plusieurs déclarations pourraient permettre de stimuler la demande. Le vice-ministre de l’Industrie et des technologies de l’information, Xin Guobin, a déclaré lundi que Pékin pourrait adopter de nouvelles politiques pour stimuler la demande d’automobiles, l’industrie automobile du pays étant toujours confrontée à des difficultés. De son côté, le ministère chinois du Commerce assouplira ou supprimera les restrictions sur les achats de voitures dans certaines régions pour faciliter les ventes de véhicules neufs, tout en accélérant les plans pour mettre au rebut les anciens véhicules.

Côté entreprise, les ventes du plus grand constructeur automobile indien Maruti Suzuki India ont chuté de 16% au cours du dernier exercice. Les ventes mondiales du coréen Hyundai Motor ont, quant à elles, dégringolé de 21% en mars pour atteindre un creux de 11 ans pour le mois. Le français Renault indique que toutes les usines du groupe sont désormais arrêtées, à l’exception de celles de Chine et de Corée du Sud tandis que Toyota Motor a prolongé la suspension de toutes ses usines en Europe à l’exception de la Russie jusqu’à nouvel ordre. Enfin, General Motors a aussi prolongé la fermeture de ses usines nord-américaines au-delà du 30 mars.

COTON

Le marché du coton a été volatile cette semaine rebondissant jeudi après un plus bas de 11 ans la veille avec des prix du pétrole plus fermes et une légère hausse des ventes américaines à l’exportation. Sur la semaine les cours  se sont toutefois abaissés, passant de 51,33 cents la livre à 49,99 cents hier à la clôture. La tendance est résolument baissière et le sera durablement avec une très forte accumulation  prévisible des stocks. “Les perspectives pour le coton sont sombres en raison des perturbations de la chaîne d’approvisionnement et de la destruction de la demande, sans savoir quand cela pourrait se terminer … Ce sera un long chemin vers la reprise” affirme Peter Egli de Plexus Cotton.

Par exemple, au Bangladesh, quatrième consommateur mondial de coton, les acheteurs étrangers auraient déjà annulé jusqu’au 30 mars pour $2,87 milliards de commandes auprès de l’industrie du vêtement, selon les dernières estimations de L’Association des fabricants et exportateurs de vêtements du Bangladesh (BGMEA) indique le journal bengali Ittefaq. Et aucune nouvelle commande n’est bien sur émise.

Aux Etats-Unis, l’USDA a publié le mardi les estimations de plantation de coton aux Etats-Unis à 13,7 millions en baisse de moins de 1% par rapport à 2019 et ce en dépit de la chute des cours du coton à un niveau ne couvrant pas les coûts de production.

La Côte d’Ivoire a exporté 36 684 tonnes de coton au cours des deux premiers mois de 2020, en baisse de 33,2% par rapport à l’année précédente, ont montré mardi les données provisoires du port.

HUILE DE PALME

Au fur et à mesure que la pandémie se diffuse à grande échelle avec les principaux acheteurs – comme l’Inde et l’Europe – confinés, les inquiétudes sur l’impact du coronavirus sur la demande d’huile de palme ont pris le dessus sur les craintes que la pandémie ne perturbe les approvisionnements mondiaux en huile végétale. De 2 376 ringgits la tonne vendredi dernier, les cours ont clôturé hier à 2 309 ringgits ($531,05).

Sur l’ensemble du mois de mars, les cours se sont appréciés de 3,6% en partie en raison de problèmes d’approvisionnement, la Malaisie ayant ordonné la fermeture de certaines plantations dans son plus grand État producteur de palmiers, Sabah, jusqu’à la mi-avril (Lire : Le plus important producteur d’huile de palme de Malaisie, l’Etat de Sabah ferme certains domaines). “Nous estimons que l’impact potentiel sur la production d’huile de palme brute pour les deux semaines de fermeture à Sabah est d’environ 132 000 tonnes ou 9% de la production mensuelle de la Malaisie“, a déclaré Ivy Ng, chef régional de la recherche sur les plantations à la CIMB Investment Bank, dans une note de recherche.

Du côté des exportations, elles ont augmenté de 6,1% à 6,9% par rapport au mois précédent, ont déclaré mardi les inspecteurs. Une amélioration consécutive à un nombre de jours ouvrés supérieurs en mars par rapport à février et à une brève reprise de la demande dans la perspective du Ramada avant que les mesures de confinement soient imposées dans une grande partie du monde.

En Indonésie, dans les plantations d’huile de palme est imposé des protocoles pour empêcher la propagation du coronavirus parmi les travailleurs mais il n’est pas prévu de de réduire les heures de travail ou autres activités, a déclaré le directeur exécutif de l’Indonésie Palm Oil Association (Gapki), Mukti Sardjono. Le président Joko Widodo a déclaré cette semaine une urgence de santé publique et a institué des mesures pour limiter la circulation des personnes, le coronavirus ayant infecté 1790 personnes et tué 170 personnes. Le protocole mis en place dans les plantations comprend la vérification de la température corporelle des travailleurs et la limitation des mouvements de personnes à l’intérieur et à l’extérieur des plantations, tandis que ceux qui entrent dans les plantations doivent s’auto-mettre en quarantaine pendant 14 jours.

Par ailleurs, l’Indonésie a fixé sa taxe à l’exportation d’huile de palme brute à zéro pour avril, contre $3 la tonne en mars, selon un document du ministère du Commerce.

RIZ

Les prix à l’exportation du riz thaïlandais ont atteint leur plus haut niveau en sept ans cette semaine en raison des attentes d’une augmentation des ventes après que l’Inde, le principal exportateur, a été bloqué pour freiner la propagation du coronavirus et que son principal rival, le Vietnam, a temporairement interdit de nouvelles exportations contrats tandis que le Cambodge a annoncé qu’il interdirait les exportations de riz blanc et de riz paddy pour garantir la sécurité alimentaire.

En Thaïlande, les prix du Thaï 5% ont bondi à $560-$570 la tonne jeudi, son plus haut niveau depuis avril 2013, contre $468- $495 la semaine dernière. Un bond provoqué par la situation des pays voisins et exportateurs de riz, le Vietnam, l’Inde et dans une moindre mesure le Cambodge. La Thaïlande s’attend à voir ses ventes s’accroître alors qu’elle avait démarré l’année avec des volumes d’exportation les plus faibles en sept ans. “Les exportations de riz thaïlandais devraient s’améliorer au deuxième trimestre de l’année, car nos concurrents limitent les exportations ou rencontrent des problèmes logistiques“, a déclaré à Reuters Chookiat Ophaswongse, président honoraire de la Thai Rice Exporters Association. “Rien n’indique que la Thaïlande limitera encore les exportations de riz“, a-t-il dit, ajoutant qu’aucune mesure de ce type n’avait été discutée lors d’une réunion des exportateurs avec le ministère du Commerce du pays la semaine dernière. La Thaïlande, qui produit habituellement un peu plus de 20 millions de tonnes (Mt) de riz chaque année, en consomme environ 10 Mt au niveau national et exporte le reste. La production de cette année, affectée par une sécheresse continue depuis novembre, serait suffisante pour éviter toute pénurie intérieure, tout en laissant un plus petit excédent d’environ 8 Mt pour les exportations précise Chookiat Ophaswongse. La baisse de l’offre thaïlandaise contrastait avec la production record de riz de l’Inde cette année et les récoltes abondantes d’hiver et de printemps du Vietnam. 

Au Vietnam, pour la deuxième semaine consécutive, les prix du Viet 5% ne sont pas disponibles. Les commerçants sont toujours dans l’attente de la décision finale du Premier ministre de lever l’interdiction afin de pouvoir reprendre les exportations de riz. Les approvisionnements sont abondants, ont précisé les commerçants. Le ministère vietnamien de l’Industrie et du commerce (MoIT) a proposé de reprendre les exportations de riz à partir d’avril, avec un volume de 400 000 tonnes, après avoir compilé des rapports sur la production, la consommation intérieure et les exportations, selon VNA. Le rapport du ministère envoyé au Premier ministre, suggère d’exporter 800 000 tonnes de riz en avril et mai. Au cours de la dernière semaine d’avril, sur la base de l’évolution de la pandémie de Covid-19 et des rapports des ministères et secteurs concernés, le Premier ministre examinera les exportations de riz en mai. 

Selon le rapport du MoIT, dans le contexte de la pandémie, de la sécheresse et de l’intrusion d’eau salée, le Vietnam devrait produire 43,5 Mt de paddy cette année, dont 20,2 Mt à partir de la récolte hiver-printemps. Concernant la consommation et le stockage, le ministère de l’Agriculture et du développement rural (MARD) prévoit que la demande intérieure atteindra cette année 29,96 Mt de paddy, réserves nationales comprises.

En Inde, en raison du confinement imposé pour 21 jours à partir du 24 mars, les exportateurs n’ont pu réaliser cette semaine leurs opérations et aucun prix n’a été communiqué.

Le Bangladesh commencera à vendre du riz à prix réduit à partir de la semaine prochaine pour aider les pauvres alors que les prix intérieurs des céréales de base atteignent un sommet de deux ans dans un contexte de panique en raison des craintes du virus.

SUCRE

Le sucre a encore fondu cette semaine, le roux terminant à 10,29 cents la livre (lb) hier contre 11,10 c/lb en fin de semaine dernière, tandis que le sucre blanc passait de $ 350,70 à $ 340,60 la tonne hier. Un marché du sucre qui se heurte à la double peine d’une demande mondiale attendue en baisse alors que la production brésilienne est en forte hausse, ce qui réduit les perspectives de déficit pour 2020/21.

Et le tweet de Donald Trump laissant entrevoir un accord entre l’Arabie saoudite et la Russie qui mettrait un terme à la guerre des prix sur le pétrole n’a pas eu un impact durable. Certes, le prix du brut a de suite regagné 20% mais il demeure bas. Or, comme souvent rappelé dans cette chronique, la hausse des cours du pétrole impacte la décision des raffineurs de canne notamment au Brésil d’utiliser plus ou moins de volumes de cette canne à produire du sucre plutôt que de l’éthanol. Notons que lundi, deux des plus grands distributeurs de fuels au Brésil ont annoncé réduire leurs achats d’éthanol auprès des fournisseurs locaux face à la chute de la demande.

Au Brésil, les exportations de sucre en mars ont été de 1,2 Mt, en nette hausse par rapport aux 841 300 t en mars 2019 et, dans une moindre mesure, par rapport aux 1,12 Mt en février 2020, selon les données gouvernementales.

Le négociant Czarnikow a révisé à la baisse de 700 000 t, ou encore de 4%, ses estimations de consommation de sucre en Europe sur la campagne 2019/20 en raison du coronavirus. Ainsi, la production ne serait déficitaire que de 400 000 t, selon le spécialiste.

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