Le marché du coton va-t-il sortir de sa léthargie ?

 Le marché du coton va-t-il sortir de sa léthargie ?
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Quand prendra fin la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine ? Une question sans réponse mais qui était au centre de la communauté cotonnière réunie mardi à Deauville par l’Association française cotonnière (Afcot) pour son diner annuel. Un environnement macroéconomique et géopolitique qui pèse sur la filière cotonnière dont les fondamentaux sont déjà baissiers. Une offre abondante de coton face à une demande en berne, des prix bas, autour de 60 cents la livre, et la perspective d’accumulation de stocks, qui ne présage rien de bon pour les mois à venir. Le marché est à l’arrêt. Les ventes sur le marché physique sont faibles et aucune éclaircie ne se profile à l’horizon.

Avec la chute des prix, la non exécution des contrats se multiplie et se profilent des reports et/ou des procédures d’arbitrage. Fait nouveau cette année, les défauts sont surtout en Chine, auprès de la filature mais aussi de négociants locaux. Depuis le début de l’année, ce sont quelque 45 procédures d’arbitrage à l’International Cotton Association (ICA) qui ont été lancées. Certes c’est cinq fois moins que le niveau atteint en pleine crise en 2011 mais leur nombre pourrait grossir. Pour les négociants, cela veut dire qu’ils devront avoir les reins solides.

L’Afrique attentiste

Comme chez les autres grands exportateurs de coton, à l’exception de l’Australie victime de sécheresse, les productions de coton de la zone franc pour 2019/20 sont bien orientées. S’il est encore trop tôt pour donner des chiffres définitifs, la majorité des pays ont maintenu ou augmenté les prix aux producteurs ce qui a encouragé les cotonculteurs à semer. Le Bénin affiche l’ambition de réaliser 800 000 tonnes, le Mali se maintiendrait à 700-750 000 tonnes, après deux années de marasme, la production progresserait au Burkina Faso. C’est aussi une nette reprise annoncée au Tchad avec une production attendue entre 175 000-200 0000 tonnes contre 15 300 tonnes en 2018/19 indique Ibrahim Malloum de Coton Tchad.

Les Africains habitués à céder leur coton au-dessus de FCFA 1000 le kilo ne se précipitent pas pour le vendre. Environ 25 à 30% de la récolte 2019/20 serait vendu, selon les négociants, un chiffre bien inférieur à celui en vigueur à cette période de l’année. A FCFA 900-950 le kilo, les prix actuels s’approchent globalement des prix de revient des sociétés africaines. L’Afrique a la chance aussi de bénéficier pour l’instant d’un dollar fort. En outre, le coton africain profite d’une prime versée par certains négociants (Lire notre interview de Thierry Devilder). Mais, l’Afrique, qui ne bénéficie pas de programme de soutien comme en Inde, en Chine ou aux Etats-Unis, sera confrontée en plus de la concurrence « habituelle » de l’Inde à celle, très compétitive, du Brésil. Il a été jusqu’à présent le grand gagnant de la guerre commerciale américano-chinoise. Selon les chiffres publiés en septembre par le département américain de l’Agriculture (USDA), les importations de coton américain de la Chine ne représentent plus que 18% des importations totales de coton de Pékin, contre 30% en moyenne de 2014/15 à 2017/18 et 45% en 2017/18. En parallèle, la part du coton brésilien dans les importations chinoises est passée de 6% sur les cinq dernières années à 23% en 2018/19. L’Afrique Zone Franc a aussi accru sa part de marché mais très faiblement (de 8% à 9%). Un Brésil conquérant dont les superficies en coton ont augmenté de 70% en deux campagnes !

La durabilité s’invite dans le coton

Sous la houlette de son nouveau président, Curt Arbenz de Reinhart, l’Afcot s’empare de la question de la durabilité du coton sur ses aspects sociaux, environnementaux ou économiques via la création d’une commission éthique dénommée Comethi. Objectif : contrecarrer les attaques sur le coton africain. Encore relativement préservé par rapport à d’autres commodités comme l’huile de palme, le soja ou le cacao, le coton ne sera vraisemblablement pas épargné par cette lame de fond sur les chaînes d’approvisionnement durables demandant à chaque maillon de la chaîne de prendre ses responsabilités, des producteurs aux industriels jusqu’aux négociants. En janvier dernier, l’ONG suisse Solidar a publié un rapport sur le travail des enfants dans les champs de coton au Burkina Faso et interpellé directement certains négociants suisses.

Un vent de pessimisme soufflait donc sur Deauville. Mais le marché du coton nous a habitué à avoir des retournements spectaculaires. Toutefois, pris dans la tourmente macro- économique et géopolitique du monde couplée à une grande incertitude et imprévisibilité, les marges de manœuvres semblent plus étroites.

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