En Côte d’Ivoire, les réponses de Wanita aux nouveaux défis de la banane

 En Côte d’Ivoire, les réponses de Wanita aux nouveaux défis de la banane
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En Côte d'Ivoire, l'entreprise Wanita, spécialisée en bananes et autres fruits, a bien redressé la barre depuis les inondations de 2014 et elle prend un tournant stratégique vers d'autres modes méthodes, d'autres marchés et d'autres cultures. Coup de projecteur.

Dans l'agriculture, il faut du temps et de la persévérance. Wanita en est l'exemple. L'entreprise ivoirienne a tourné la page des terribles inondations de juillet 2014 en Côte d'Ivoire (lire nos informations) et prendrait une nouvelle destinée.

"En 2014, nous avions tout perdu dans le Sud. Il nous restait 290 à 300 hectares (ha). Nous avons essayé de remettre à niveau ces plantations et de les replanter", explique son directeur -général et fondateur Richard Mathys. "Nous avons maintenant 750 à 800 ha de plantés avec un objectif de clore notre développement Wanita à 950 ha au niveau bananes, toutes zones confondues."  Pour ce faire, la société a fusionné, en juillet 2015, avec la Société de plantations Daval et Compagnie (SPD & Cie) ainsi qu'avec La bananière de Tiassala (Batia) . La plantation d’Akoudjé s’ajoute depuis 2016 aux autres. Elle devaient atteindre 250 ha cette année contre 80 ha en 2016.

La production bananière du groupe a atteint 24 000 tonnes (t) en 2016 contre 21000 tonnes (t) en 2015 et 14 000 t en 2014, année de crise, l'objectif étant les 33 000 t cette année. Des bananes qui, pour l'instant, partent essentiellement sur l'Allemagne dans le cadre d'un accord de longue date avec l'entreprise SIIM / Lidl. Mais Richard Mathys entend, à terme, que 60 à 70% de ses exportations partent vers l'Europe,  tandis que  20% à 30% iraient sur les marchés africains régionaux, essentiellement le Sénégal mais aussi le Bénin et le Niger.

Avec le Ghana,  Wanita  et  Musahamat Farms, située à Avetime dans la région du Volta, commencent à développer des réseaux de ventes en commun en Afrique. L'entreprise, détenue par des capitaux koweïti-libanais, créée en 2014, devrait développer 2 000 ha de bananeraies à terme. "On aimerait développer des synergies sur l'exportation de produits frais sur le Moyen Orient avec eux. Cela pourrait représenter de futurs marchés pour nous", nous confie le patron de Wanita.

Le prix de la banane sous pression en Europe

A terme, Wanita voudraient que 10% de ses exportations de bananes aillent vers le Moyen Orient ou encore la Turquie, bien que celle-ci soit en train de développer considérablement sa production de bananes sous serre. Pourquoi le Moyen Orient ? Car les perspectives sur le marché européen sont plus que mitigées. Tout d'abord, on a constaté une "chute drastique de l'ordre de € 600 à 800 par conteneur" sur le fret maritime Amérique latine/Europe.

D'autre part, les accords de libre échange avec l'Amérique latine, notamment avec l'Equateur mais aussi le Mexique, etc. vont entrainer une chute des droits de douane. "A terme, on est pas à l’abri d’une contraction significative  des prix fermes des bananes sur le marché européen. Nous avons donc intérêt à nous ouvrir sur d'autres marchés", poursuit-il. "Les marchés du Moyen Orient ont des murisseries et toute l'infrastructure nécessaire. Certes, il y a la concurrence de l'Afrique de l'Est, de l'Amérique latine mais aussi des Philippines. Mais ça nous ouvre des portes", explique encore Richard Mathys.

Cette baisse des prix envisagée sur le marché européen, sinon pour 2017, sans doute en 2018, viendrait après deux années déjà sous tension. Wanita pratique, sur le marché européen, des prix fermes mais qui ,en réalité, auraient été inférieurs ou comparables aux prix à la commission en spot, selon les responsables, de l'ordre de € 12 à 13 le colis de 18,5 kg en 2016.

Des marchés africains demandeurs de qualité

Quant aux marchés ouest-africains, de belles perspectives se dessinent. " Abidjan grandit, le salaire moyen augmente donc la demande augmente progressivement pour un produit plus soigné, plus attractif, mieux emballé. Les marchés de l'intérieur comme le Sénégal, la Mauritanie, le Niger, le Mali, sont des marchés demandeurs de qualité, peut-être plus qu'ici pour l’instant. La masse de production livrée sur le marché ivoirien tire les prix vers le bas, quoi qu'il en soit. C'est comme partout : le gros des  produits de qualité supérieure  est encore  destiné à l'export ", précise le chef d'entreprise.

De nouveaux marchés mais aussi de nouveaux procédés culturaux tant pour satisfaire une demande de plus en plus soucieuse de sa santé, que pour réduire les frais."Nous sommes en train de pousser les itinéraires techniques vers une agriculture plus propre, plus respectueuse de l'environnement", explique Philippe Marie, agronome conseil auprès de Wanita. "Cela  passe par un meilleur raisonnement dans l'utilisation de pesticides, par des analyses de racines c'est-à-dire qu'on traite les bananeraies quand elles ont besoin d'être traitées et non plus systématiquement. Ce qui permet de diminuer de plus de moitié les traitements. "

 On engage des modifications techniques destinées à limiter au maximum l'emploi des pesticides en bananeraie : raisonner mieux la lutte contre la cercosporiose, tenter de faire disparaître les insecticides en luttant autrement contre le charançon noir, tenter de limiter drastiquement l'emploi des herbicides…

"Ici", poursuit Philippe Marié, "on adopte des stratégies assez différentes avec tout un système d'observation biologique ou bioclimatique pour décider d'éventuels traitements. On regarde la vitesse d'évolution du champignon par rapport à la vitesse de croissance du bananier. Si le bananier pousse plus vite que le champignon, on ne traite pas."

Dans un premier temps, l'enjeu n'est pas de réduire le coûts des intrants mais de pouvoir se positionner sur des marchés exigeants, comme le marché allemand, très "écolo". " On a été la première entreprise Rainforest en Côte d'Ivoire, il y a 5 ans", rappelle Richard Mathys.

Changer de paradigme

Parallèlement, Wanita développe de nouvelles productions, en jouant sur l'inter-cultural : la banane plantain associée au cacao. Déjà en projet, une plantation de 100 ha de cacao combinée à 150 ha de plantains d'une variété haut de gamme. Et dans ce même état d'esprit, Wanita se développe aussi sur le citron, la papaye et le maraichage, notamment bio. "Les gens sont soucieux de ce qu’ils consomment et peuvent se poser des questions à l'égard des quantités de pesticides mis sur le maraichage. Donc l'idée est de faire des productions propres au niveau de leurs teneurs en pesticides (LMR) , soit carrément bio, soit au moins garanties. Il serait bon de faire un petit sondage des résidus qui ‘il y a dans les légumes qu'on trouve sur nos marchés  ou ailleurs dans la région, cela permettrait probablement de confirmer l’intérêt de cet itinéraire technique. "

Outre la recherche variétale et les itinéraires techniques,  l'entreprise entend  modifier  son mode de  desserte des fruits et légumes qu’elle produira afin de participer à  structurer cette  filière et à en modifier les habitudes.  " Quand on jette les régimes en vrac  ou les légumes , dans les camions, on estime que 30% de la production est perdue. Il faut donc travailler sur l'emballage, le transport, l'éducation des gens, le stockage une fois arrivé en ville et son mode de commercialisation etc. Il faut complètement structurer la filière. "

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