Alain-Richard Donwahi : « Sans forêt, nous n’aurons plus d’agriculture en Côte d’Ivoire »

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Lors du Salon international de l’agriculture, qui s’est tenu à Paris du 26 février au 6 mars, le ministre des Eaux et forêts de Côte d’Ivoire, Alain-Richard Donwahi,  a présenté la politique de la Côte d’Ivoire pour protéger et reconstituer sa forêt et appelé les investisseurs à s’engager dans l’agroforesterie.

L’urgence est de mise. La Côte d’Ivoire a perdu plus près de 90% de sa forêt en 40 ans. De 16 millions d’hectares (ha) en 1960, la superficie forestière a été réduite à 2,9 millions d’ha en 2020.

A ce rythme là, la Côte d’Ivoire ne disposera plus de forêts dans les dix prochaines années. Pour éviter la catastrophe annoncée, la Côte d’Ivoire a adopté en 2018  la stratégie nationale de préservation, de réhabilitation et d’extension des forêts (PPREF) avec à la clé la gouvernance forestière et la protection des massifs forestiers, dont les forêts classées. Un an après, un nouveau code forestier a été promulgué.

Un politique volontariste avec l’objectif de couvrir 20% du territoire national de forêt, contre 9,8% aujourd’hui mais réaliste. Elle ne se construit pas contre l’agriculture mais avec. La Côte d’Ivoire s’est bâtie sur l’agriculture et le secteur fait vivre environ 6 millions de personnes avec au cœur les petits

producteurs. D’un autre côté, pratiquée de façon majoritairement extensive, elle est en grande partie responsable de la déforestation, en particulier le cacao dont le pays est le premier producteur mondial avec plus de 2 millions de tonnes. A ce titre la corrélation entre cacao et déforestation est frappante dans  le graphique ci-contre .

 

Comment concilier agriculture et reboisement de la forêt ? Une des pratiques privilégiées est l’agroforesterie, qui permet de conjuguer culture et reboisement. Pour la filière cacao, dès 2017, le gouvernement et les industriels du chocolat et du cacao ont créé l’initiative Cacao et Forêts pour assurer une production durable. L’initiative, qui privilégie l’agroforesterie, a déjà permis de mettre en place à un système de traçabilité du cacao (Lire : La traçabilité café-cacao en Côte d’Ivoire fera un pas de plus en avril) et  de procéder à une évaluation de la pénétration des planteurs dans les forêts classées, souligne le ministre. Des projets pilotes sont aussi menés avec des grands industriels comme Nestlé, Olam ou Barry Callebaut.

Mais l’agroforesterie ne limite pas au cacao ni aux grandes sociétés. Une partie des terres appartenant à l’État seront concédées en contrat à des paysans pour leurs permettre de continuer à pratiquer de l’agriculture de façon intensive et ainsi d’avoir une meilleure productivité et générer plus de revenus souligne le ministre.  En outre, l’agroforesterie sera étendue au domaine rural.

Alain-Richard Donwahi rappelle aussi que les plantations de palmiers à huile ou d’hévéa  participent aussi à la séquestration carbone même si leur contribution est moins élevée que celle des forêts.

Appel au secteur privé

La nouvelle politique forestière sera mise en œuvre avec la participation du secteur privé. Plus de 2 millions d’ha de superficie de forêts classées du domaine privé de  l’Etat sont disponibles pour être concédé au privé. Elles seront concédées sous la forme de convention de longue durée, entre 40 et 99 ans. Cinq types de convention sont proposées : la concession de reboisement, la concession agroforestière, la concession agro-sylvo-pastorale, la concession éco-touristique et la concession pour la constitution de carbone.

Pour le ministre, “L’agroforesterie va permettre aux investisseurs de gagner de l’argent et à l’État de financer le reboisement simultanément. Au terme de la concession, la forêt est reconstituée, l’investisseur a eu un retour sur investissement et en même temps nous nous avons réglé notre problème”.

Le coût de la nouvelle politique forestière est estimé à €1 milliard sur les dix prochaines années. 35 à 40% du financement sera assuré  par la Côte d’Ivoire. Pour le solde,  il sera fait appel au secteur privé et aux partenaires techniques et financiers.

Des résultats tangibles sont déjà perceptibles depuis la mise en œuvre de la PPREF. De 2019 à 2021, près de 40 millions d’arbres ont été plantés et la tendance à la déforestation a été inversée. De 275 000 ha par an détruits sur la période 1990-200, on est tombé 85 000 ha/an entre 2015-2018, puis 47 000 ha/an entre 2019-2020 et 19 421 ha en 2021.

« D’ici à 2023, nous n’aurons plus de déforestation causée par l’agriculture en Côte d’Ivoire et en combinant le reboisement à haute intensité chaque année nous allons atteindre notre objectif » (ndlr de 20% du couvert forestier), affirme Alain-Richard Donwahi.

 

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