David Denois de Géocoton : La mécanisation, c’est l’avenir

 David Denois de Géocoton : La mécanisation, c’est l’avenir
Partager vers

L’édition 2015 du séminaire qu’organise depuis sept années  Géocoton avait pour thème les Innovations technologiques au service des filières cotonnières africaines.  Il s’est déroulé du 28 septembre au 2 octobre 2015 à Paris avec la participation de sociétés cotonnières du Bénin, du Burkina Faso, de  la Côte d’ivoire, du Cameroun, du Mali et du Sénégal. Interview de David Denois, directeur général délégué de Géocoton. 

Le séminaire annuel de Géocoton était placé sous le thème des innovations technologiques. Quelles ont été les innovations abordées et pour quels objectifs/résultats ?

Les innovations technologiques traitées relevaient essentiellement de l’agronomie à savoir la  biotechnologie, les régulateurs de croissance, des techniques particulières de dispersion de produits phytosanitaires qui permettent, par exemple, d’éviter les effets du vent.

Ont été aussi abordées les innovations sur la partie industrielle. Un projet mené par Géocoton est l’acquisition de données de production par des outils directement connectés au niveau des automates permettant de traiter les données quasiment en temps réel. Dans la majorité de nos unités cotonnières, les données de production sont relevées à la main, avec des sources d’erreurs potentielles. Ce système garanti la rapidité et la fiabilité de l’information. Dans ce projet, les relevés de données sont destinés aux unités industrielles d’égrenage mais on peut aussi décliner ces nouvelles technologies de la production au champ jusqu’à la commercialisation de la fibre et avoir ainsi une meilleure traçabilité de notre production de fibre.

On parle effectivement beaucoup des nouvelles technologies dans l’agriculture, comme l’analyse des sols par les drones ou encore l’utilisation de GPS ou de capteurs pour fournir des données en temps réel. Qu’en est-il pour le coton en Afrique ?

Ce sont des sujets sur lesquels on travaille. Nous avons réfléchi à l’utilisation de drones  aériens pour les pulvérisations afin d’éviter l’exposition des agriculteurs aux produits phytosanitaires.  Mais, cela reste encore très cher et ces  technologies ne sont pas forcément adaptables aux milieux africains. Les sociétés d’agro-fournitures travaillent aussi sur des drones terrestres. Ce sera la technologie de demain qui va permettre d’économiser de la main d’œuvre. Les jeunes sont de moins en moins intéressés par l’agriculture et désertent les campagnes pour aller en ville. Ils sont aussi attirés vers d’autres industries, comme les sociétés minières, qui offrent des salaires attractifs. Dans l’industrie oléagineuse,  nous avons perdu bon nombre d’ingénieurs qualifiés que nous avons formé durant des années. Des formations sont mises en place pour limiter cet exode.

La mécanisation est donc une des solutions pour faire face au manque de main d’œuvre et aussi dans le cas précis du coton pour avoir une meilleure rémunération de la fibre ?  Compte-tenu de la taille des parcelles des cotonculteurs et de leur capacité financière comment mettre en place cette mécanisation ?

Effectivement le coton récolté à la main est moins bien payé que celui récolté à la machine. C’est un problème d’homogénéité, mais pas seulement. Il y a aussi un lobby important pour la mécanisation et le coton africain a souffert pendant un temps d’une contamination de la fibre par des fibres plastiques mais ce problème est désormais bien résolu.

La mécanisation, c’est l’avenir et il faut l’anticiper dès maintenant car nous sommes déjà confrontés à une pénurie de main d’œuvre. Pour qu’elle se développe, certaines contraintes doivent être levées. Compte tenu de  la taille des parcelles, nous ne pouvons utiliser de gros engins de type cotton picker, et son coût d’acquisition peut être également un frein.  Sur ces deux problématiques, Géocoton travaille sur des matériels adaptés en terme de taille fabriqués en Chine et en Inde, ces deux pays ayant déjà une  expérience dans ce domaine. Pour les aspects financiers, la solution serait de créer des groupements d'intérêt économique et environnemental (Giee) où l’outil de production est acheté à plusieurs et partagé ou de monter une société de services. Au Sénégal, notre filiale Sodefitex a acquis des tracteurs en partie subventionnés par l’État mais aussi par les sociétés minières avec lesquelles un véritable partenariat s’est construit.  

Ensuite se posera le problème du nettoyage des fibres au niveau des usines d’égrenage, qui n’ont pas en Afrique le même process industriel que celui des usines brésiliennes ou américaines. Cela demandera donc des investissements supplémentaires, si on passait au tout mécanique. Mais cela ne se fera qu’à l’horizon d’une dizaine d’années.

Au Burkina Faso, les sociétés cotonnières ont cette année diminué les superficies en coton OGM.  Si les avantages en matière de conditions de travail et d’impact sur l’environnement semblent acquis, la baisse de la longueur de la fibre porte un lourd préjudice aux sociétés. Comment analysez-vous cette situation ? 

Nous étions à 80% d’OGM l’année dernière et nous sommes redescendus à 44% cette campagne. Un virage radical qui s’est imposé  en constatant que la qualité de la fibre, notamment la longueur de la soie, se dégradait au fur et à mesure des années. Il fallait réagir car c’était la survie même de la filière qui était en cause. L’interprofession a créé un comité d’audit avec tous les acteurs concernés. Des réclamations ont déjà été faites et les discussions sont toujours en cours. Cela a déjà été le cas lors des campagnes 2009/10 et 2010/11 pour lesquelles les réclamations ont été entendues et il y a eu des compensations financières pour le manque à gagner engendré. Nous avons fait le choix de passer en majorité en coton conventionnel en attendant des semences de qualité, qui ne devraient pas être sur le marché avant 2019.

Quels sont les coproduits du coton qui offrent le plus de potentiel ?

Nous sommes huiliers mais l’huile de coton est  directement concurrencée par l’huile de palme d’Asie du Sud-Est produite à bas coût et de moindre qualité. Produire de l’huile de coton aujourd’hui reste difficile. Nous continuons à la produire au Burkina Faso car c’est un pays enclavé et avec le transport nous sommes donc  toujours compétitif, ce n’est pas le cas au Togo. Un de nos axes de diversification a été de produire du beurre de karité. Parmi les autres coproduits figurent le savon avec une production confidentielle mais qui fonctionne bien, et surtout l’aliment pour le bétail. Au Niger, où nous avons relancé la production cotonnière depuis deux ans, nous mettons en place une usine d’aliments pour le bétail fabriqués à partir des coques et des tourteaux de coton que nous allons complémenter avec des minéraux, des sels et des fibres pour avoir un aliment complet. L’unité devrait être opérationnelle au début 2016. 

Autres Articles

Leave a Reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *