Une autre façon de sonder les cacaoculteurs donne d’autres résultats sur le travail des enfants

 Une autre façon de sonder les cacaoculteurs donne d’autres résultats sur le travail des enfants
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La prévalence du travail des enfants dans les chaînes d’approvisionnement du cacao est susceptible d’être sous-estimée en raison d’un concept appelé « biais de désirabilité sociale », selon l’étude socio-économique de Marine Jouvin, doctorante à l’Université de Bordeaux et chercheuse en évaluation d’impact des politiques chez le négociant Touton à Bordeaux. Ce dernier s’est fait l’écho aujourd’hui de cette étude qui pourtant date de mai 2021.

Que signifie « biais de désirabilité sociale » ? Il s’agit de la tendance des individus à donner des réponses socialement désirables lorsqu’ils répondent à des enquêtes. Ainsi, les producteurs de cacao peuvent mentir sur leur dépendance au travail des enfants, soit en raison de la stigmatisation sociale croissante associée à l’utilisation d’enfants travailleurs, soit parce que le travail dangereux des enfants est interdit à la fois par la législation nationale et les systèmes de certification du cacao, indique le communiqué. La peur des répercussions juridiques, sociales ou économiques conduit probablement les agriculteurs à sous-déclarer leur recours au travail des enfants, ce qui rend plus difficile de mesurer avec précision l’ampleur du problème et d’adopter des politiques efficaces pour le combattre.

C’est pourquoi, lors de son enquête menée entre décembre 2019 et mars 2020, la chercheuse a eu recours à un nouveau type de méthodologie d’enquête indirecte. Il s’agit de la méthode “expérience de la liste” qui consiste à interroger les répondants sur des sujets sensibles de manière plus indirecte que les enquêtes standard.

En utilisant cette méthode, Marine Jouvin a constaté que la prévalence du travail dangereux des enfants estimée est deux fois plus élevée que celle obtenue à partir des questions directes. Concrètement, entre 21% et 25% des producteurs de cacao interrogés ont eu recours au travail des enfants au cours des 12 mois précédents avec une variation selon le type de travail impliqué. Cela suggère qu’au moins la moitié des producteurs de cacao ivoiriens qui utilisent le travail des enfants dans leurs exploitations certifiées ne sont pas disposés à l’admettre.

Les questions indirectes permettent aussi de donner un nouvel éclairage sur les raisons d’un recours si important au travail des enfants. D’une part, la pénurie de main-d’œuvre adulte locale à des moments clés du cycle de production du cacao conduit les agriculteurs à compter sur les enfants pour les aider. D’autre part, étant donné le manque d’infrastructures scolaires dans certaines localités, les enfants sont « disponibles ». Comme le cacao est le seul moyen de subsistance, les enfants sont censés travailler à la ferme et apprendre à cultiver le cacao.

Enfin, dans les zones reculées, d’une part, il est plus difficile pour les autorités d’appliquer efficacement la loi dont l’interdiction de recourir au travail des enfants. Parallèlement, les organismes de certification ont des difficultés à contrôler correctement les opérations. Par conséquent, les cacaoculteurs peuvent ne pas craindre les sanctions ou les percevoir comme à faible risque, précise encore la chercheuse.

L’étude a porté sur 4 458 producteurs de cacao certifiés UTZ (88 %) et Rainforest Alliance (12 %) en Côte d’Ivoire. Rappelons que selon une étude du National Opinion Research Center (NORC) de l’Université de Chicago publiée en 2020, la Côte d’Ivoire a vu un nombre croissant d’enfants travailler dans les plantations de cacao entre 2013 et 2019 pour atteindre environ 790 0000.

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