La Chronique Matières du Jeudi
Certains marchés bousculés
(08/03/2012)
Cacao. Le cacao a clôturé en baisse hier, bien que le marché ait pris bonne note de l’annonce par Sucden de renforcer ses opérations cacaoyères au niveau mondial (voir nos informations). Une baisse cependant contenue car le ralentissement des arrivages du cacao dans les ports ivoiriens continue à soutenir le marché.
Café. Hier, mercredi, l’Arabica a chuté à son plus bas en 16 mois pour des raisons techniques mais aussi suite à des ventes de producteurs. « La chute à New York, bien qu’attendue, a surpris par son ampleur : -20 cts en trois jours », souligne un trader. « On est donc passé sous les 200 cents, à 189 cts. Pour l’instant, on ne note aucune réaction de la part des pays producteurs, ceux ci comme les négociants cherchant les acheteurs. Il est encore un peu tôt pour expliquer ce phénomène inattendu bien que les fonds jouent la baisse et les stocks s’accumulent. La crise, le switch sur le Robusta, largement moins cher, et le désengagement des fonds sur les matières premières doivent en être les raisons. »
On a également pu noter de petits tremblements de terre cette semaine sur la scène du Robusta. A Londres, plus de 100 000 t ont été livrées sur l’échéance mars par Armajaro et Dreyfus à Noble USA (voir notre précédente chronique). « Depuis, note le trader, la position ouverte a sensiblement baissé. Ce qui laisse penser que ces cafés sont arbitrés soit par des options ou sur New York. »
On note peu d’intérêt pour le café spot ces derniers jours, mais beaucoup de demandes venant de l’industrie pour des embarquements rapprochés de l’origine, leur couverture restant très courte. Il est d’ailleurs difficiles de trouver des vendeurs sérieux sur l’éloigné à des différentiels attractifs, precise-t-il.
Enfin, l’écart entre les Robusta et les Arabica se restreint, s’établissant actuellement à 97 cts, alors qu’il était de 125 à 130 cents il y a deux mois.
Au Kenya, les prix aux ventes aux enchères de mardi ont fortement baissé, la meilleure qualité AA passant de $ 512 le sac de 50 kg à $ 489, suivant en cela la tendance enregistrée sur le marché à terme des Arabica à New York. En Ouganda, les volumes exportés en février ont bondi de 26% par rapport à février 2011, à 244 319 sacs de 60 kgs contre 193 965 sacs, et surtout par rapport aux 200 000 sacs que l’Uganda Coffee Development Authority (UCDA) avait anticipé. Les raisons ? De meilleurs rendements liés à une météorologie favorable
Céréales. Le marché céréalier à Chicago (CBOT) a été agité cette semaine, les opérateurs attendant la publication demain du rapport mensuel du Département américain de l’agriculture (USDA) qui fera état de ses estimations pour mars pour l’ensemble des céréales. La position mai sur le CBOT a perdu 2,9% hier, sa plus forte chute depuis les 5,6% perdus le 12 janvier. Les analystes s’attendent à ce que l’USDA prévoit des stocks mondiaux de fin de campagne 2011/12 à 212,618 Mt contre 213,100 Mt estimées en février.
De son côté, l’Australie pourrait engranger cette campagne une production record de blé, qui pourrait faire grimper de 25% ses stocks de fin de campagne en septembre, à 10 Mt.
Coton. Le marché mondial du coton a tenté d’absorber cette semaine l’annonce faite lundi par l’Inde, deuxième producteur et exportateur mondial de coton, interdisant l’exportation de la fibre avec effet immédiat. L’objectif annoncé est de pouvoir faire face à sa demande nationale croissante.
L’annonce a immédiatement fait grimper les cours internationaux de 4,5% et ce d’autant plus que le marché à terme directeur du coton étant à New York, les opérateurs ont de suite été sensibles à la forte demande pour le coton américain qui devrait en découler pour compenser l’absence de disponibilités indiennes. En outre, la décision indienne est tombée alors que pour la première fois en un an, les spéculateurs avaient switché pour une position nette courte.
Mais les cours sont retombés dès le lendemain, mardi, suite à la déclaration du ministre indien de l’Agriculture Sharad Pawar qui s’est érigé contre cette décision prise par son homologue du ministère du Commerce et qu’il a qualifié comme « hautement contestable ». De leur côté, hier, mercredi, les filateurs de l’Etat du Gujarat se sont mis en grève pour deux jours alors que le gouvernement annonçait que, malgré l’interdiction d’exporter, l’Inde honorerait ses engagements, les exportateurs ayant demandé l’autorisation de débloquer 2,5 millions de balles. Demain vendredi, le gouvernement indien devrait se réunir pour discuter de ce délicat dossier.
Notons que le pays a déjà exporté 9,4 millions de balles de 170 kg cette campagne qui s’achève en septembre, soit plus que les 8,4 millions de balles que New Delhi avait initialement prévu pour l’export, et ce en raison d’une bonne demande chinoise. Un dépassement qui inquiète les autorités car la production indienne cette campagne (qui s’achève fin septembre) est prévue en très légère baisse par rapport aux prévisions initiales, à 34 millions de balles contre 34,5 millions, et les stocks des filatures locales sont à leurs plus bas historiques, aux dires du gouvernement : les disponibilités seraient de 400 000 balles inférieures aux capacités industrielles existantes.
Huile de palme. La semaine a été animée par l’importante Bursa Malaysian Palm Oil Conference qui s’est tenue à Kuala Lumpur et par les différents discours faisant état de perspectives très prometteuses pour l’huile de palme qui a déjà gagné 6% en février.
En réalité, 2012 devrait être l’année des « deux demis ». Tout d’abord un premier semestre très haussier avec, souligne l’analyste de renom Dorab Mistry, des prix qui atteindraient 4 000 ringitts ($ 1 320) d’ici fin juin. Trois raisons à cela : le palmier est dans l’année basse de son cycle de production, la demande indienne est forte et atteint son pic pendant l’été, les pays musulmans seront à l’achat en prévision du ramadan. D’autre part, la Chine ayant annoncé qu’elle augmenterait ses importations de pétrole cette année, les cours du baril sont fermes ce qui, à son tour, soutient les prix de l’huile de palme qui, de façon croissante, est utilisée pour les biocarburants. Une analyse partagée par Thomas Mielke qui dirige le groupe Oil World basé à Hambourg et qui a souligné, en outre, que pour la toute première fois, la production mondiale de graines de soja et de colza devrait baisser cette année, ce qui boostera la demande et donc les prix de l’huile de palme.
En revanche, les avis sont plus mitigés pour la deuxième moitié de l’année. « Nous devrons voir comment évolue la production », a fait remarquer Dorab Mistry qui gère le portefeuille huiles végétales dans le conglomérat indien Godrej Industries.
En fond de toile, on note que la production malaysienne d’huile de palme devrait stagner, voire serait en très légère hausse en 2012 par rapport aux 18,9 Mt de 2011. La production indonésienne, quant à elle,augmenterait car de nouvelles superficies entrerait en production cette année. Globalement, souligne Thomas Mielke, les disponibilités mondiales augmenteraient de 2,3 Mt en 2012, ce qui est insuffisant pour combler les baisses de production des autres oléagineux.
Riz. En février, les cours mondiaux ont connu des baisses moins prononcées par rapport aux mois précédents, constate Patricio Mendez del Villar dans sa note de conjoncture Osiriz. Les prix semblent se stabiliser à mesure que se précisent les offres d’exportations et les demandes d’importations.
L’Inde continue à influencer les échanges mondiaux en proposant des prix les plus bas du marché et les exportateurs subissent de plein fouet cette concurrence commerciale agressive, notamment sur les marchés d’Afrique sub-saharienne et du Moyen Orient. Avec un commerce mondial en recul de 7% en 2012, la guerre des prix pourrait se raviver dans les mois à venir. Pour l’instant, les perdants seraient la Thaïlande, le Vietnam et les Etats-Unis. Tandis que l’Inde, et dans une moindre mesure le Pakistan, verrait leurs exportations progresser pour se hisser, peut-être, à la première place mondiale!
Quant au Brésil, ses niveaux d’exportation en 2012 dépendront des niveaux de subvention à l’exportation que le gouvernement voudra bien débloquer. En 2011, cela avait permis au Brésil d’exporter pour la première fois 1,3 Mt dont une bonne partie à destination de l’Afrique
En février, l’indice OSIRIZ/InfoArroz a reculé de 3.6 points à 236,7 points (base 100=janvier 2000) contre 240,4 en janvier. Les prix du riz de Thaïlande ont baissé de 1% en moyenne, ceux du Vietnam de 5%, tandis que le riz du Pakistan était 2% plus cher qu’en janvier. En Inde, les ventes à l’exportation à des prix très compétitifs continuent à faire mal à ses concurrents.
En Afrique subsaharienne, les récoltes ont été insuffisantes en raison du manque des pluies, notamment dans les pays sahéliens où les prix du riz et des céréales en général restent élevés. Les importations rizicoles, en progression en 2012, pourraient avoisiner les 10Mt, soit un tiers des importations mondiales, rappelle Patricio Mendez del Villar.
Sucre. Le sucre roux a suivi, à New York mercredi, la tendance du cacao et a clôturé en légère baisse, à son plus faible niveau de prix en deux semaines. Un marché nerveux, sur la défensive, face aux perspectives d’exportation d’Inde et à la récolte abondante dans le centre-sud du Brésil.
Thé. Les ventes aux enchères au Kenya ont repris leur cours normal cette semaine après l’éclat la semaine précédente autour d’un différend fiscal (voir nos informations) qui a repoussé de deux jours la tenue des ventes. Toutefois, la prudence était de mise car une météorologie défavorable et un shilling fort font craindre des résultats peu favorables pour la filière : le prix moyen des thés en vente est demeuré stable à $ 3,36 le kilo, les acheteurs les plus actifs étant ceux du Yémen et les Middle Eastern Packers.