La Chronique Matières premières agricoles au 7 avril 2022

 La Chronique Matières premières agricoles au 7 avril 2022
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Les marchés financiers ont terminé en baisse, la prudence dominant les échanges après les déclarations de Moscou jugeant “inacceptable” un projet d’accord de paix que lui aurait présenté l’Ukraine. Sur le front économique, la perspective d’une accélération du resserrement monétaire réveille les craintes d’un ralentissement de la croissance. La perspective de nouvelles sanctions européennes contre la Russie a également incité les investisseurs à la prudence.

Selon les “minutes” de la réunion mercredi de la Federal Reserve, seule la guerre en Ukraine a empêché la banque centrale américaine d’annoncer une hausse de taux d’un demi-point le mois dernier et qu’elle pourrait engager dès le mois prochain la réduction de son bilan, rapporte Reuters. En Europe, le compte-rendu de la Banque centrale européenne (BCE), publié hier, a montré qu’une majorité des membres du Conseil des gouverneurs semblait favorable à une réduction du soutien monétaire lors de leur réunion de mars et qu’ils avaient jugé que les conditions d’une remontée des taux d’intérêt étaient réunies ou sur le point de l’être.

Hier, l’euro est tombé à $ 1,0866, son plus bas niveau depuis le 8 mars, mais s’est quelque peu ressaisi avant de clôturer à $ 1,0902.

Quant au pétrole, les cours mondiaux ont reculé après que le Sénat américain ait approuvé une interdiction des importations de pétrole russe. La veille, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) avait déjà indiqué que ses pays membres allaient recourir à un déblocage massif de leurs réserves stratégiques ; le Japon a précisé qu’il débloquerait 15 millions de barils de ses réserves, un niveau record, selon Reuters. Le baril de Brent a terminé à $ 99,48 et le brut léger américain (WTI) à $ 94,95.

CACAO CAFÉ CAOUTCHOUCCOTON HUILE DE PALME RIZSUCRE

CACAO

L’annonce hier de la chute de 34% de la production au Ghana a donné un coup de boost aux cours mondiaux du cacao. Londres a clôturé en hausse de £ 27 la tonne à £ 1 788 sur juillet contre £ 1 761 vendredi dernier. A New York, l’impact a été semblable avec une hausse hier de $ 22 pour terminer la journée à $ 2 627 contre $ 2 618 en fin de semaine dernière.

Ainsi, du 1er octobre 2021, date de l’ouverture de l’actuelle campagne, au 31 mars, les exportations de cacao du Ghana n’ont totalisé que 524 000 tonnes (t) contre 791 000 t sur la même période l’année dernière, a annoncé hier le Cocobod (Lire: Le Ghana replante des cacaoyers alors que sa production chute de 34%). L’organe régulateur de la filière du numéro 2 mondial du cacao a confirmé ses prévisions d‘atteindre 800 000 t cette campagne.

En Côte d’Ivoire, les arrivages de fèves aux ports d’Abidjan et de San Pedro ont totalisé 1,694 Mt du 1er octobre au 31 mars, en hausse de 1,8% par rapport à la même période l’année dernière, estiment les exportateurs. Dans les zones de plantation, les pluies sont en-dessous des moyennes de ces dernières années mais une bonne humidité des sols est favorable à la récolte intermédiaire qui court d’avril à fin septembre.

CAFÉ

Le café a perdu de son tonus cette semaine, le Robusta a perdu $ 24 sur la seule journée d’hier, clôturant à Londres à $ 2 066, son plus faible cours en trois semaines ; il était encore à $ 2 146 vendredi dernier. Quant à l’Arabica, la livre (lb) a baissé de 0,6% pour clôturer à $ 2,2615 sur l’échéance mai, contre $ 2,2735 en fin de semaine dernière.

On ne manque pas de Robusta, ce qui explique la lourdeur du marché au niveau de ses prix. Le Vietnam a annoncé hier une hausse de 28,3% de ses exportations au premier trimestre, à 581 693 t, selon les chiffres des douanes. L’envolée de ses recettes d’exportation vont en faire pâlir plus d’un : elles ont bondi de 60% pour atteindre $ 1,3 milliard. Sur le seul mois de mars, les volumes exportés ont augmenté de 51,4% à 211 015 t. Quant aux perspectives sur 2022/23, elles sont bonnes à ce jour, tant au Vietnam qu’au Brésil sur le segment du Robusta.

Cette semaine, dans les Central Highlands du Vietnam, les producteurs ont vendu leur Robusta à 40 500-41 500 dongs le kilo ($ 1,77-1,81) contre 41 100-42 000 dongs la semaine dernière. « La production au Brésil, où la récolte démarre en juin, devrait être énorme, ce qui exerce une pression à la baisse sur les cours mondiaux », a expliqué à Reuters un trader à Ho Chi Minh City. A l’export, le Grade 2, 5% brisures et grains noirs, s’est vendu avec une décote de $ 240 à $ 250 la tonne sur le contrat juillet, inchangé par rapport à la semaine dernière.

En Indonésie, le Robusta de la province de Lampung pour expédition en juillet et au-delà, a été offert cette semaine avec une décote de $ 150 à $ 200, relativement inchangée aussi par rapport à la semaine dernière.

Au Brésil, l‘Institut de géographie et de statistiques (IBGE) estime que la production de café sera de 56,1 Ms en 2022, en hausse de 0,9% sur 2021.

Mais il ne faut pas oublier que le Brésil est aussi le deuxième plus important consommateur de café au monde. Or, selon l’association industrielle Abic, cette consommation brésilienne aurait augmenté de 1,7% en 2021 (enquête menée de novembre 2020 à octobre 2021) et a représenté 21,5 Ms, soit 4,5 Ms de moins que celle aux Etats-Unis, leader mondial. Ce volume demeure 500 000 sacs en-dessous des 22 Ms enregistrés en 2017, mais sur les 10 dernières années, la progression annuelle moyenne a été de 1%. 2021 a été pénalisée par des difficultés d’approvisionnement et des prix en hausse : en 2021, le prix du café vert a grimpé de 155% pour l’industrie de la torréfaction avec une envolée de 52% des prix au détail pour le consommateur brésilien.

CAOUTCHOUC

La situation économique de la Chine et la prolongation du confinement de la ville de Shanghai pour contenir l’épidémie de coronavirus pèse sur le marché de caoutchouc qui a clôturé la semaine en baisse. Après cinq séances consécutives de hausse, les cours sur l’Osaka Exchange se sont affaissés dans le sillage de la chute du marché de Shanghai pour clôturer hier à 260,6 yens ($2,11) le kilo contre 261,8 yens vendredi dernier. A Shanghai, où le marché était fermé lundi et mardi, les cours sont passés de 13 830 yuans la tonne à 13 555 yuans ($2 131,6) la tonne hier.

Avec le confinement, la demande de caoutchouc naturel de Shanghai est plus faible et des inquiétudes pèsent sur la croissance chinoise. La Chambre de commerce de l’Union européenne en Chine a averti mercredi que la stratégie “zéro-Covid” nuisait à l’attractivité de Shanghai en tant que centre financier et provoquait des difficultés croissantes pour le transport des marchandises à travers les provinces et via les ports, nuisant à la production des usines. Une poignée d’économistes estime qu’il sera difficile pour la Pékin d’atteindre son objectif de croissance de 5,5% cette année.

Au Japon, le ralentissement économique est palpable. Le FMI a réduit hier ses prévisions de croissance économique et a exhorté les décideurs politiques à envisager de préparer un plan d’urgence au cas où la crise ukrainienne ferait dérailler une reprise fragile.

En revanche, sur le marché physique, le caoutchouc progresse avec une insuffisance de la production en Thaïlande. Les prix du latex thaïlandais ont atteint mardi leur plus haut niveau depuis le 7 mars à 53,60 bahts ($1,61) le kilo.

Côté entreprise, le pneumatique Goodyear investit plusieurs millions de dollar pour s’affranchir des importations de latex en misant sur le pissenlit (Lire : L’américain Goodyear veut être autonome en caoutchouc naturel).

Le premier fabricant de pneus en Chine, Zhongce Rubber Group Co basé à Hangzhou, envisage de lever jusqu’à 1 milliard de dollar lors d’une offre publique initiale à Shanghai, selon Bloomberg.  La cotation potentielle des actions, qui pourrait avoir lieu dès cette année, pourrait valoriser l’entreprise entre $4 et 5 milliards.

COTON

Le marché du coton a été sur la défensive cette semaine, en légère baisse, avec une clôture hier sur l’ICE à 133,2 cents la livre contre 134,55 cents. Les ventes américaines de coton ont été en retrait cette semaine. Mais l’aggravation des conditions de sécheresse dans l’ouest du Texas, l’Oklahoma et le Kansas soutient le marché ainsi que le volume des ventes sur appel non fixées.

Au Brésil, les exportations de coton en 2021/22 (juillet –juin) devraient se contracter d’environ 28% par rapport à 2020/21 pour atteindre 1,742 millions de tonne (Mt) en raison d’une récolte plus faible, selon Miguel Faus, président de la National Association of Cotton Exporters (Anea). Mais, la reprise est annoncée pour la prochaine campagne, qui démarre en juillet prochain, avec une production qui pourrait atteindre 2,85 Mt en 2022/23 contre 2,36 Mt en 2021/22.

Toutefois, selon le président de l’Association brésilienne des producteurs de coton (Abrapa), Julio Busato, l’augmentation du prix des intrants pourrait freiner la production. La récolte 2022/23, qui enregistre des ventes anticipées plus lentes que d’habitude pour la saison, pourrait diminuer en raison des inquiétudes concernant la demande dans une économie mondiale touchée par la guerre en Ukraine, a déclaré à Reuters Julio Busato. Bien que les prix du coton à New York aient récemment atteint leur plus haut niveau en plus de dix ans, à environ 140 cents la livre, les coûts ont augmenté de près de 40 %, stoppant les premières transactions. Si les coûts des intrants et le prix du coton restent les mêmes, nous devrions reculer un peu dans le domaine du coton et faire de la place au maïs et au soja, a ajouté Julio Busato.

En Grèce, la production de coton en 2021/22 est estimée à 1,35 million de balles (480 livres), en baisse de 3,6 % par rapport à la saison précédente en raison d’une diminution de la superficie ensemencée (-5,1% à 262 000 ha) selon l’USDA. Les exportations en 2021/22 sont attendues en baisse de 9,9%.

En Turquie, la production de coton en 2022/23 devrait augmenter à 925 000 tonnes, en hausse de plus de 12% sur la base de l’hypothèse que les agriculteurs planteront plus de coton en réponse aux prix élevés, selon l’USDA. La demande croissante de textiles et de vêtements devrait pousser la consommation de coton à plus 1,9 million de tonnes (Mt), soit  plus 4,4%. Les importations de coton devraient être stables à 1,15 Mt. 

HUILE DE PALME

Après une chute de près de 8% la semaine dernière, le marché de l’huile de palme, tout en restant volatil,  a rebondi avec une clôture hier sur la Bursa Malaysia Derivatives Exchange à 5 823 ringgits ($1 381) la tonne contre 5 555 ringgits vendredi dernier.  « Avec les perturbations commerciales de l’huile de tournesol dans la région de la mer Noire, l’augmentation de la demande festive et la suppression de l’obligation du marché intérieur de l’Indonésie, les expéditions d’huile de palme en provenance d’Indonésie et de Malaisie devraient connaître une tendance à la hausse à court terme », a estimé Refinitiv Commodities Research dans une note. Ajoutant  “Ceci est contrebalancé par une production en hausse qui a progressivement augmenté en fonction de la saisonnalité“.

Le Malaysian Palm Oil Board devrait publier lundi prochaine les données officielles. Mais la Malaysian Palm Oil Association (MPOA) anticipe une hausse de 19% de la production de mars à 1,35 million de tonne (Mt). De son côté, Reuters donnait une  production en hausse de 16,4% à  1,32 Mt et  des exportations en progression de 6,3% à 1,17 Mt. Ainsi,  les  stocks à la fin du mois de mars ne progresseraient que de 0,5 % à 1,53 Mt. CGS-CIMB Research,  anticipe une hausse de 2 ,8%  des stocks d’huile de palme de la Malaisie à la fin mars à 1,56 Mt, ce qui, toutefois inférieur de 20 % à la moyenne historique de mars sur 10 ans et suggère des approvisionnements serrés.

En Inde, les importations d’huile de palme ont bondi de 21% en mars par rapport au mois précédent, les négociants cherchant à trouver des alternatives à l’huile de tournesol tandis que la mauvaise récolte d’huile de soja en Amérique du Sud a limité la capacité de l’Inde à se fier à cette huile comestible comme substitut à l’huile de tournesol ukrainienne. En mars, 550 000 tonnes d’huile de palme ont débarqué en Inde, contre 454 794 tonnes en février, a déclaré un revendeur basé à Mumbai.

Des importations qui devraient rester robustes en avril, selon  Govindbhai Patel, directeur général de la société commerciale G.G. Patel & Nikhil Research Co. L’Inde a importé 210 000 tonnes d’huile de tournesol en mars, contre 152 220 tonnes en février, aidée par l’arrivée de quelques navires qui avaient quitté l’Ukraine avant la guerre, a précisé Govindbhai Patel. Maintenant que les approvisionnements ukrainiens en huile de tournesol ont cessé, les raffineurs indiens tentent d’en importer davantage de Russie et d’Argentine affirme Sandeep Bajoria, directeur général de Sunvin Group. Précisant “Mais il y a des limites. Nous ne pouvons pas importer plus de 100 000 tonnes par mois en l’absence de l’Ukraine. La demande est là pour 200 000 tonnes ».

En outre, les producteurs de colza en Inde s’abstiennent de vendre aux transformateurs d’oléagineux malgré une récolte record dans l’espoir que les prix augmenteront davantage, ce qui pourrait forcer le plus grand importateur mondial d’huiles comestibles à augmenter ses importations d’huile de palme et d’huile de soja.

RIZ

Les prix à l’exportation du riz en Inde ont chuté cette semaine et sont stables au Vietnam et en Thaïlande avec une demande plus faible et des approvisionnements en hausse.

En Inde, les prix du riz étuvé 5% se sont affaiblis à $365-$369 la tonne contre $367-$370 la semaine dernière. Une détente impulsée par la hausse des approvisionnements, le gouvernement indien ayant étendu son programme visant à fournir des céréales subventionnées et  à distribuer gratuitement du riz et du blé aux populations pauvres.

En Thaïlande, les prix du Thaï 5% sont quasi stables à $408-$412 la tonne contre $408-$410 de la semaine dernière. Les commerçants ont déclaré qu’il y avait eu une légère augmentation de la demande, mais pas suffisamment pour avoir un impact sur les prix, car les coûts d’expédition et de logistique ont légèrement diminué, “peut-être en raison de la stabilisation après le choc initial de la guerre en Europe“. Davantage de riz provenant des récoltes récentes entre également sur le marché.

Au Vietnam, les prix du Viet 5% sont inchangés à $400-$415 la tonne. La récolte bat son plein. Les agriculteurs du delta du Mékong ont récolté environ 75% de la récolte hiver-printemps, la plus grosse récolte de l’année. L’approvisionnement donc s’intensifie tandis que l’activité d’exportation est calme en raison des coûts d’expédition  élevés.

Le Vietnam a exporté 1,5 million de tonnes de riz d’une valeur de $ 731 millions au premier trimestre 2022, en hausse de 26,3 % en volume et de 12,9 % en valeur sur un an, selon les données gouvernementales. Les exportations de riz en mars ont augmenté de 13,3% par rapport à février pour atteindre 531 389 tonnes, évaluées à $263 millions, a indiqué le Département des douanes dans un rapport.

SUCRE

Le sucre continue de se sucrer…. Le prix du roux sur le marché de New York est passé de 19,44 cents la livre (lb) vendredi dernier à 19,84 cents hier soir, tandis qu’à Londres, le sucre blanc évoluait de $ 540,40 à 548,70, tous deux sur l’échéance mai.

Les niveaux de prix toujours très élevés des carburants soutiennent le sucre car davantage de canne va vers la production d’éthanol au Brésil que vers la fabrication de l’édulcorant. En outre, se basant sur les premiers résultats de la récolte de canne qui ne fait que démarrer au Brésil, les rendements seraient en baisse de 10% par rapport aux attentes initiales des raffineries, selon l’analyste Datagro.

Face à cela, côté consommation, après deux années moroses, la demande en Inde devrait grimper pour atteindre des sommets cet été. En effet, on s’attend à une hausse considérable de la consommation de boissons sucrées et des glaces suite à la levée des restrictions de mouvements liées à la Covid, le gouvernement ayant à nouveau autorisé les mariages et autres festivités.

Selon la Sugar Mills Association (ISMA), la consommation indienne augmenterait de 3% durant l’actuelle campagne 2021/22 qui s’achève le 30 septembre prochain ; elle atteindrait le record absolu de 27,2 Mt. Les exportations vont aussi exploser, toujours selon ISMA, les raffineurs ayant déjà signé des contrats pour expédier 7,2 Mt sur 2021/22. Du jamais vu… Ceci devrait réduire les stocks actuellement toujours très élevés du deuxième producteur mondial de sucre, entrainant la hausse des prix sur le marché local comme c’est le cas depuis deux semaines. A son tour, cette hausse des prix intérieurs devrait inciter les raffineries à se tourner davantage vers son marché intérieur lucratif, réduisant de facto son offre à l’exportation ce qui alimentera la fermeté des cours mondiaux.

L’Inde pourrait ainsi démarrer la prochaine campagne 2022/23 avec des stocks d’ouverture d’environ 6 Mt, au plus bas depuis cinq ans ! Sauf si le gouvernement décide de restreindre les volumes exportés afin de maîtriser la hausse des prix du sucre sur le marché local, a expliqué à Reuters un négociant basé à Mumbai. Il l’envisage mais ne l’a pas encore annoncé. Cette restriction, qui pourrait être de l’ordre de 8 Mt, serait la première en six ans. Ceci dit, 8 Mt c’est déjà un niveau record pour les exportations indiennes de sucre…

Toujours selon le consultant Datagro, les raffineries brésiliennes auraient déjà hedgé environ 60% de leur sucre exportable à ce jour contre 75% l’année dernière à pareille époque.

 

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