Cyclope 2022 – Les marchés mondiaux : “Une page se tourne, celle du monde d’hier…”

 Cyclope 2022 – Les marchés mondiaux : “Une page se tourne, celle du monde d’hier…”
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La fin des matières premières bon marché ? Avant même l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les marchés des produits tropicaux, à l’unisson de la majorité des matières premières, s’inscrivaient à la hausse », lit-on dans la 36ème édition du rapport annuel Cyclope sur « Les marchés mondiaux », l’édition 2022 ayant pour sous-titre « Le monde d’hier ». Ainsi, les cours de l’huile de palme ont augmenté  de 50% en 2021, de 86% pour l’huile de palme, de 62% pour l’huile de coco, de 30% pour l’Arabica, ou encore de 26% pour le caoutchouc…

« On vit une crise majeure, identique à celle des années 30 ou encore des années 70 », rappelle le co-directeur du rapport Philippe Chalmin avec Yves Jégourel. Ces années 70 qui avaient mis fin aux « 30 Glorieuses ». « Actuellement, nous vivons la fin d’autres 30 Glorieuses qui ont démarré dans les années 90 avec la chute de l’URSS et l’ouverture de la Chine. « On avait cru en la mondialisation heureuse. On a un peu cru en la fin de l’histoire… », convient le spécialiste des marchés mondiaux de matières premières. A regarder de plus près, on aurait pu voir ces dernières années des craquements annonciateurs : la crise financière de 2008, les BRICs qui n’étaient pas à la hauteur des espoirs, la montée des despotismes et des populismes.

Aujourd’hui, la rupture est plus forte, a-t-il poursuivi hier en conférence de presse à Paris. ” Pendant toute cette période de mondialisation, le globe a fonctionné comme un tout. Aujourd’hui, l’espace monde est fracturée entre le camp des despotismes et le camp des « démocraties ». A ceci s’ajoute le facteur climat qui remet en cause l’économie de marché avec le retour de l’Etat partout. Les marchés sont aujourd’hui affaiblis et la dérégulation des marchés est très largement remise en cause. La dette mondiale a dépassé les $ 300 trillions alors que le PIB mondial n’est que de $ 93 trillions. La pandémie a coûté $ 45 trillions de dette.

En 2021 et 2022, les crises se sont additionnées, chacune ayant sa logique mais se conjugant : logistique, énergétique, agricole, industrielle. Parmi les filières, seuls le cacao, l’or et la viande de porc n’ont pas été impactés.

« Une page se tourne, celle du monde d’hier… », constate-t-il. La promesse d’abondance que ce monde d’hier nous offrait est belle est bien morte. « Aujourd’hui, c’est la sécurisation des approvisionnements qui prédomine. Il faut la coupler avec une diplomatie nouvelle, pragmatique. Les matières premières sont systématiquement assimilées à un vocabulaire guerrier. Or, il faut aujourd’hui les réfléchir comme un facteur de concorde mondiale », a conclu Philippe Chalmin avant de plonger plus avant dans la richesse de l’ouvrage avec quelque 550 pages dédiées à l’analyse de chaque matière première, qu’elles soient agricoles ou minières, en passant par le fret, le sport, le carbone, l’art, les engrais, les textiles et d’autres encore.

L’Afrique confidentielle…

On ne retrouve pas, loin de là, l’Afrique à toutes les pages tant sa présence sur de nombreux marchés est confidentielle. On retrouve les pays africains dans le chapitre sur le riz, bien évidemment, sa demande ayant été « particulièrement active », progressant de 8% en 2020, les mauvaises conditions climatiques ayant perturbé sa production notamment en Afrique de l’Ouest. « Le continent africain a représenté en 2021 plus de la moitié des exportations indiennes de riz non parfumé et près de 45% des exportations totales (y compris le riz Basmati) », est-il rappelé, avec une référence spéciale au Bénin qui réexporte 80% de son riz importé vers le Nigeria.

S’agissant des oléoprotéagineux, le « dynamisme » de la demande africaine est mentionnée tandis qu’est relevée une « véritable faim de viandes » du continent : les exportations de l’Union européenne progressent vers l’Afrique de l’ordre de +31% vers de Congo, +10% vers le Ghana et +6% vers le Bénin. Quant au coton, il est noté que les superficies africaines ont baissé de 7% mais sans véritable autre développement.

…sauf pour le cacao, sisal et le bois

Le continent fait l’objet d’une plus importante couverture, bien évidemment, lorsque les produits tropicaux sont analysés. Le « pacte économique » du cacao entre la Côte d’Ivoire et le Ghana fait carrément l’objet de deux développements distincts dans l’ouvrage, les auteurs faisant référence à l’Afrique en matière de café, d’ananas, de caoutchouc, notamment.

En revanche, on peut noter un très intéressant développement de la demande africaine en sisal, une demande d’ailleurs interafricaine même si le marché reste dominé par la Chine et l’Arabie saoudite.  Ainsi, 60% du sisal du Kenya va vers le reste de l’Afrique : le Nigeria achète désormais 28,8% des volumes kényans et le Ghana talonne la Chine en important 9,8% des volumes du Kenya, 10,1% partant en Chine. « Les fibres kényanes sont en grade partie destinées à la construction ».

Autre produit pour lequel la situation de l’Afrique est très largement analysée dans Cyclope 2022 : les bois tropicaux avec notamment l’arrêt envisagé par l’Afrique centrale, à l’instar du Gabon, d’exporter des grumes en 2023. L’Afrique dont les grumes n’ont pas connu de hausses de prix comme ceux d’Asie du Sud-Est et du Pacifique en 2021.

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