La faiblesse des prix du cacao risque d’aggraver l’esclavage moderne

 La faiblesse des prix du cacao risque d’aggraver l’esclavage moderne
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Certaines entreprises mondiales manquent de transparence quant aux risques connus d’esclavage moderne dans leur chaîne d’approvisionnement“, estime l’organisme indépendant britannique spécialisé dans la responsabilité des entreprises, Core, dans son rapport “Risk averse : Company reporting on raw material and sector-specific risks under the Transparency in supply chains clause in the UK modern Slavery Act 2015” publié mercredi dernier.

Rappelons que le signalement des risques d’esclavage moderne est rendu obligatoire par le Modern Slavery Act (loi sur l’esclavage moderne) voté au Royaume-Uni en 2015. Il oblige toute entreprise au chiffre d’affaires supérieur à £ 36 millions à publier avant le 30 septembre un document annuel présentant les actions diverses menées pour combattre le travail forcé dans leurs chaînes d’approvisionnement.

Core a étudié les déclarations de 50 entreprises faites au Modern Slavery Registry : 25 opèrent dans des secteurs connus pour être liés à l’exploitation de main-d’Å“uvre comme le cacao en Afrique de l’Ouest, les mines d’or, le mica en Inde, l’huile de palme en Indonésie, le thé dans l’état indien d’Assam; 25 autres sont dans des secteurs risquant de tomber dans l’esclavage moderne comme l’habillement et les chaussures, l’hôtellerie, le BTP, le football Premier League et la sous-traitance.

Sur les 50 entreprises étudiées dans le rapport de Core, 45 ont publié des déclarations mais quasiment les deux-tiers ne font pas référence aux risques spécifiques d’esclavage et de trafic humain dans leur chaîne d’approvisionnement.

Seule Mars reconnaît le risque

S’agissant de la filière cacao en Afrique de l’Ouest, les déclarations de 5 entreprises ont été étudiés :  Ferrero UK, Hershey, Lindt & Sprüngli, Mars et Mondelez.

Mars est seule à reconnaitre “que des risques sérieux d’atteinte aux droits humains, dont le travail forcé, peut être présents dans sa chaîne d’approvisionnement en cacao“. Pour leur part, Hershey, Ferrero et Lindt & Sprüngli ne fournissent pas d’information sur leur chaîne d’approvisionnement en cacao et ne fournissent pas de listes de pays auprès desquels elles se fournissent en fèves, mais d’autres documents font état de leur approvisionnement en Afrique de l’Ouest “où le travail des enfants et le travail forcé sont endémiques dans la production de cacao“, selon le communiqué de Core.

Mondelez n’a pas établi de déclaration en soi, soulignant qu’elle fournissait par ailleurs un grand nombre d’informations en conformité avec les exigences du gouvernement britannique.

Où en est-on ?

Core, dans son rapport, rappelle que plus de 70% du cacao mondial est cultivé en Afrique de l’Ouest, la Côte d’Ivoire et le Ghana fournissant 60% de ce total. La situation des cacaoculteurs s’y est dégradée au fil des décennies, notamment à cause de la baisse des cours mondiaux : actuellement, le producteur reçoit 6% de la valeur d’une barre de chocolat contre 18% il y a 30 ans.

Au premier trimestre 2017, des organismes certificateurs comme UTZ et ICI ont mis en garde contre le risque d’un accroissement du travail des enfants  lié à la baisse du prix mondial du cacao qui est tombé de $ 3 000 la tonne au début de la campagne 2016/17, à moins de $ 2 000 en fin de campagne. En février dernier, il était au plus bas en quatre ans. De ce fait, et dans la logique des ventes de cacao par anticipation en Côte d’Ivoire comme au Ghana,  le prix garanti au planteur ivoirien a été fixé à FCFA 700 (€ 1,06) le kilo au 1er octobre (lire nos informations), en forte baisse par rapport aux FCFA 1 100 au début de la dernière campagne principale 2016/17. Au Ghana, il est maintenu au niveau de la campagne dernière (lire nos informations).

En avril, le Cocoa Barometer Consortium avait appelé à un prix bord champ plus élevé avec des primes flexibles afin de garantir un cacaoculteur un revenu qui lui permette de vivre, note Core qui, par ailleurs, rappelle les chiffres d’affaires, ventes et revenus des 5 grands du chocolat : le chiffre d’affaires de l’italien Ferrero a été de € 10,3 milliards en 2016, les ventes nettes de l’américain Hershey de $ 7,4 milliards, le revenu du suisse Lindt & Sprüngli de 418,8 millions de francs suisses (€ 365 millions), les revenus de l’américain Mondelez à $ 26 milliards en 2016 et l’américain Mars, en 2014, à $ 33 milliards. Des entreprises qui se sont engagées à n’utiliser que du cacao durable et/ou certifié d’ici 2020, chacune ayant leur propre stratégie pour atteindre cet objectif.

Mais le facteur prix n’est pas la seule cause ou explication de la pauvreté des cacaoculteurs, explique Core. Sont également en cause la faiblesse de leur structures de production et de négociation, la petite taille de leur ferme, des droits fonciers incertains, leur faible productivité, l’accès limité au marché et à l’information, sans oublier le manque  d’infrastructures.

Une pauvreté qui conduit à recourir au travail des enfants dans la filière cacao, leur nombre étant estimé à 2,12 millions lors de la campagne 2013/14 en Côte d’Ivoire et au Ghana, selon une étude du Département américain du travail de 2015. Un fléau national reconnu par les autorités ivoiriennes elles-mêmes puisque nombre d’actions et actes de sensibilisation sont en Å“uvre, notamment au travers du  Comité national de surveillance des actions de lutte contre la traite, l’exploitation et le travail des enfants en Côte d’Ivoire que la Première dame de Côte d’Ivoire, Dominique Ouattara, a créé  et qu’elle préside.

Le Royaume uni a été le premier pays européen et un des premiers au monde, en mars 2015, à voter une loi pour lutter contre le travail forcé et l’esclavage moderne. Les formes contemporaines d’esclavage toucheraient près de 13 000 personnes en Grande-Bretagne, selon le gouvernement. Core estime que 24,9 millions de personnes font du travail forcé dans le monde.

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