L’interdiction américaine du coton du Xinjiang en Chine infléchira-t-elle le marché du coton ?

 L’interdiction américaine du coton du Xinjiang en Chine infléchira-t-elle le marché du coton ?
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Un cran de plus dans la guerre commerciale entre Pékin et Washington devrait être franchi avec la décision, prévue pour mardi dernier mais retardée, d’interdire les importations de coton mais aussi des fils de coton, de textiles et vêtements en provenance de la province du Xinjiang en Chine qui recourt au travail forcé de minorités en particulier les Ouïghours.

Depuis plusieurs mois, l’administration américaine dénonce les atteintes aux droits de l’homme dans la province semi-autonome de l’ouest de la Chine. En juin dernier, le président Trump a signé une loi autorisant les sanctions américaines contre les responsables chinois dans le Xinjiang. Selon les Nations unies, la Chine détiendrait environ un million d’Ouïghours et autres groupes ethniques dans des camps du Xinjiang, dont une partie serait mis au travail forcé. Pékin nie les mauvais traitements infligés aux Ouïghours et affirme que les camps sont des centres de formation professionnelle nécessaires pour lutter contre l’extrémisme.

Réagissant à ces futures interdictions qui seront mises en œuvre par la Customs and Border Protection suivant une ordonnance de suspension de la mise sur le marché (“Withhold Release Order”), le ministère chinois des Affaires étrangères a estimé que les Etats-Unis ne se préoccupait pas des droits de l’homme mais que c’était un prétexte pour opprimer les entreprises chinoises, déstabiliser le Xinjiang et calomnier la politique chinoise du Xinjiang. Le porte-parole a précisé que la Chine prendra toutes les mesures nécessaires pour sauvegarder les droits et intérêts légitimes de ses entreprises.

Quel impact sur le marché mondial du coton ?

Le coton en Chine, premier producteur mondial, provient majoritairement du Xinjiang (environ 80%). Or, de nombreuses marques dépendent indirectement de ce coton en faisant fabriquer leurs vêtements dans le plus grand atelier du monde. En juillet dernier the Coalition End Forced Labour in the Uyghur Region’s, une coalition regroupant plus de 180 organisations, estimait qu’environ un vêtement sur cinq vendu dans le monde contient du coton ou du fil venu du Xinjiang est lié au travail forcé des Ouïghours et appelait les marques de vêtements et les détaillants à cesser d’utiliser le travail forcé. Déjà en avril, en mars l’Institut australien de stratégie politique (ASPI) pointait du doigt de grandes marques comme Adidas, Lacoste, Gap, Nike, Puma, Uniqlo, H&M… (Lire : Les produits en coton en provenance de la région du Xinjiang en Chine sur la sellette).

Face à un boycott potentiel des consommateurs mais aussi aux exigences des investisseurs, la marge de manœuvre des grandes marques de vêtements est étroite tant les chaînes d’approvisionnement sont complexes. La question de la traçabilité du coton se pose. Pour certaines enseignes, le recours à du coton durable, certifié Better Cotton Initiative (BCI) est une solution. D’ailleurs, la BCI a suspendu la certification du coton dans la province du Xinjiang à partir de septembre 2019 et assure dans un communiqué en date du 4 août 2020, qu’aucune licence ne sera accordée sur la campagne 2020/21.

Outre la traçabilité, un négociant en coton remarque que « Dans un deuxième temps, la question se pose de savoir comment les Chinois vont pouvoir accepter de continuer à importer du coton américain alors que leur coton est banni des produits textiles importés aux Etats-Unis ? ». Or, la Chine est aussi le premier importateur mondial de coton et s’est approvisionné à hauteur de 30% auprès des Américains en 2019/20 avec une montée en puissance à partir de l’accord de phase 1 signé au début de l’année (Lire : Les importations de coton en Chine ont chuté de 26% en 2019/20). « Ainsi, la confusion qui règne sur le marché du coton risque de s’intensifier » constate le négociant qui remarque qu’« en effet, le marché tient actuellement sur la capacité américaine de vendre sa récolte dont plus d’un tiers des exportations pour le moment se dirigent vers la Chine (2,7millions de balles sur les 9 millions de balles vendues).Une telle disposition pourrait hypothéquer les ventes chinoises réalisées et à venir». Avec pour conséquence, un infléchissement de la courbe des prix mondiaux du coton, qui ne cesse de monter.

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