Ismaël Ndjewe : l’Agence des cafés Robusta d’Afrique et de Madagascar (Acram) a su s’adapter au contexte difficile

 Ismaël Ndjewe : l’Agence des cafés Robusta d’Afrique et de Madagascar (Acram) a su s’adapter au contexte difficile
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L’Agence des cafés Robusta d’Afrique et de Madagascar (Acram) a tenu ses réunions annuelles et sa 9ème assemblée générale la dernière semaine d’avril à Lomé et en visio. Une année difficile en raison du contexte mondial sanitaire et économique qui a très fortement impacté, entre autres, les exportations de café notamment de Côte d’Ivoire, du Togo et du Cameroun.

Le Secrétaire exécutif de l’Acram, Ismaël Ndjewe Ndomba, livre à CommodAfrica dans une interview exclusive  les principales conclusiosn de ces réunions, les projets en cours, les perspectives et les défis.

Quel bilan dressez-vous de l’exercice écoulé ?

L’exercice écoulé a fortement été marqué par la pandémie liée à la Covid-19, qui a sérieusement impacté la filière café dans l’espace Acram et notre agenda. A cet effet, compte tenu de la crise économique qui a bousculé le monde entier y compris les membres de l’Acram, les pertes en termes de production et de commercialisation ont été considérables.

Entre mars et avril 2020, les exportations de membres de l’Acram sont passées de 275 000 sacs de 60 kg à 107 000 sacs, soient une baisse de 63,5%. Dans la même période, la Côte d’Ivoire et le Togo ont vu leurs exportations chuter respectivement de 72% et 88%. Et entre mars et juin 2020, le Cameroun a également enregistré une importante chute de ses exportations, estimées à 80% selon le CICC Cameroun.

Au niveau du secrétariat exécutif de l’Acram, nous n’avons malheureusement pas pu atteindre les objectifs assignés par notre 8e Assemblée générale. Mais qu’à cela ne tienne, nous nous sommes adaptés aux moyens du bord. Et grâce à l’innovation de la technologie, plusieurs de nos activités se sont faites sur les plates-formes d’échanges.  Celles-ci ont été très productives car nous avons ainsi pu tenir plusieurs réunions qui nous projettent dans un avenir optimiste. Nous pouvons citer le Cirad avec qui nous avons signé un accord-cadre en vue de coopérer, d’une manière générale, dans toutes les initiatives pouvant contribuer à la production et la promotion de cafés Robusta africains « haut de gamme » dans le strict respect des obligations découlant des accords internationaux en faveur d’une agriculture durable respectueuse de l’environnement et des objectifs de développement.

Quelles ont été les principales avancées lors des réunions annuelles de l’Acram ?

Dans le contexte de la pandémie de la Covid-19 que le monde traverse depuis plus d’un an, les réunions annuelles de l’Acram et sa 9ème Assemblée générale ordinaire se sont tenues dans un cadre différent des précédentes. Mais elles ont été riches d’enseignement et cela grâce à la participation en ligne de plusieurs acteurs et surtout grâce au programme Alliances for Action du Centre du commerce international (CCI ou ITC de son sigle anglais) qui a facilité cet évènement.

Les principales avancées sont entre autres :

  • La reconduction du secrétaire exécutif que je suis à son poste pour deux années supplémentaires ;
  • La création d’un Forum Economique des Robustas Africains et Malgaches dont la 1ère édition pourrait se tenir à l’horizon 2022 en Côte d’Ivoire, sous réserve de l’accord des autorités ivoiriennes et de l’évolution de la pandémie.Il s’agit de mettre en relation les acteurs de la filière et les potentiels partenaires et bailleurs de fonds, les industriels et les consommateurs. Le Forum est destiné à tous les acteurs dont, au premier chef, les producteurs, les transformateurs et torréfacteurs, les ONG et partenaires au développement intéressés par les problématiques du café, tout particulièrement le genre et les jeunes. Car l’Acram a la volonté de mettre un accent particulier sur le genre et le rajeunissement des planteurs.
  • Suite à l’accord signé en décembre entre le Cirad et l’Acram, il a été décidé lors des réunions de mettre en place un groupe de travail entre les chercheurs des deux institutions qui va proposer un Programme de recherche régional dédié aux Robusta africain ;
  • L’adoption du Programme sur l’autonomisation économique des femmes dans la chaine de valeur café Robusta en Afrique. C’est un programme qui avait déjà été présenté lors de la 8ème AG, qui a été retravaillé et adopté. Le programme Alliances for Action de l’ITC a déjà donné son approbation et nous cherchons un soutien maintenant notamment auprès de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) ;
  • La mise en œuvre des interventions des ONG comme LadyAgri et International Women Coffee Alliance (IWCA) en faveur des femmes dans l’espace Acram ;
  • La création de l’Acram Coffee Academy
Pouvez-vous nous décrire ce projet de centre de formation sur le café Robusta, l’Acram Coffee Academy ?

L’Acram Coffee Academy est une initiative conjointe de l’Acram, du programme Alliances for Action de l’ITC et Zurich University of Applied Sciences (ZHAW, Suisse) dans le cadre du projet ACP-UE financé par le 11e Fonds européen de développement (FED). Son financement, pour l’instant est de € 260 000 provenant des contributions de l’Université de Zurich et de l’ITC.

Cette Académie, premier de son genre pour le café Robusta, sera un centre international qui accueillera différentes personnes désireuses de se spécialiser dans les métiers de la chaine de valeur du Robusta. La ZHAW dispose d’une expérience aguerrie sur les formations dans le café arabica et cette académie sur le Robusta sera la première dans le monde.

L’intérêt pour la mise en place d’une académie internationale du café Robusta est la tendance des marchés pour la demande du Robusta.

Divisé en trois grands modules, l’enseignement réalisé en ligne et les ateliers en présentiel couvrira les différentes étapes de la chaine de valeur du café de la plantation à la tasse (de la production au consommateur final). Tout ceci, inculquera bien sûr les normes de durabilité (recyclage, polycultures, normes environnementales etc.) à toutes les étapes de la chaine de valeur.

Ce centre a pour but de former des professionnels du Robusta en général et plus particulièrement dans les pays membres de l’Acram. Il a pour vocation :

  • de professionnaliser les jeunes pour en faire des futurs experts et leaders de l’industrie pour stimuler l’innovation, le développement durable et une croissance rentable dans l’Acram ;
  • De créer un réseau solide pour la réalisation de nouvelles opportunités commerciales ;
  • De contribuer à l’amélioration des moyens de subsistance des caféiculteurs dans l’espace Acram ;
  • De soutenir la réalisation des objectifs de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement et ceux adoptés au Sommet mondial pour le développement durable grâce à la mise en œuvre de l’Approche Alliance for Action de l’ITC.

Le projet compte démarrer en 2022. Nous sommes encore en discussions avec les parties prenantes pour les modalités pratiques et juridique du projet. Dans un premier temps, il s’agirait de formations virtuelles. Il y aura trois modules, allant de la plante à la commercialisation. Les cursus varieront entre 4 et 6 mois.

Des discussions au sein de l’Acram à venir permettront de décider quel pays pourrait abriter le siège de l’Académie.

Les critères d’admission ne sont pas encore déterminés. Les formations seraient payantes pour les personnes hors de l’Acram et des bourses seront accordées pour les ressortissants de l’Acram. Sur ce point, nous définirons les quotas de bourses avec nos partenaires.

Quelle est la situation des grands projets en cours avec quels bailleurs et pour quels objectifs ? Notamment le programme ACP/UE/ITC/Acram ?

Depuis sa création, l’Acram conduit des négociations avec différents bailleurs afin d’assurer une meilleure promotion des cafés Robusta africains et malgache en général et ceux de l’espace Acram en particulier. C’est dans cette veine que l’Acram, étant membre de l’Organisation interafricaine du café (OIAC), a entamé des discussions avec les autres pays africains producteurs de Robusta pour une meilleure représentativité de la filière à l’international. Ce projet d’inclusion suit son cours. A ce jour, l’Acram compte huit pays membres et plus de 10 institutions faitières dans les différents pays.

Concernant les projets en cours dans l’espace Acram, nous avons tout d’abord le projet ACP-UE, mis en œuvre par Alliances for Action de l’ITC et l’Acram, qui a pour objectif la relance de la filière café dans les pays membres de l’Acram à travers l’organisation de la filière, l’investissement dans le secteur et la promotion des cafés afin d’accéder à des prix plus rémunérateurs sur le marché. Il faut noter que le cours (le prix) international des café Robusta demeure le plus faible depuis plusieurs décennies. En travaillant sur la qualité, la productivité et une quantité stable de production, ce projet compte atteindre au minimum les prix du café naturel brésilien au plus tard à la clôture de ce programme en 2024. C’est de cette manière que les acteurs de la filière pourront en tirer profit et assurer un meilleur revenu aux petits producteurs qui sont à l’autre bout de la chaine.

Nous sommes bien conscients qu’il faudrait travailler la qualité et assurer une quantité stable pour accéder à des marchés de niche plus rémunérateurs. Et ceux-ci à travers les institutions faitières membres de l’Acram, les plans nationaux en partenariat avec le programme Alliances for Action de l’ITC ont été développés et également une approche régionale pour les cafés Robusta. D’autres parties prenantes de ce projet comme l’Onudi et la Banque mondiale à travers la SFI feront des interventions ciblées afin d’atteindre les résultats escomptés du projet.

Ce projet a un focus spécial sur l’inclusion des femmes aux différents niveaux de la filière et le rajeunissement des acteurs de la filière. 

Un autre projet phare de l’Acram est celui de la coopération Sud-Sud initié par l’OIF, avec le soutien du bureau des Nations unies pour la coopération Sud-Sud (UNOSSC) et Alliances for Action de l’ITC. Ce projet qui compte promouvoir les investissements, le transfert de technologie et les partages d’expériences entre le Vietnam et les pays de l’OIF en général, et ceux de l’espace Acram en particulier. La première approche consiste à lancer un projet pilote, dans un pays de l’espace Acram, qui sera un modèle à répliquer dans d’autres pays de l’espace. C’est à cet effet que Mme Tran, représentante de l’OIF pour l’Afrique de l’Ouest lors de son allocution à la cérémonie d’ouverture de la réunion régionale sur les cafés Robustas africains, s’est félicitée de cette collaboration et a réitéré le soutien de son organisation à l’Acram. C’est fort de cette approche que nous avons été invités à participer à la mission économique et commerciale de la secrétaire générale de l’OIF en Asie pacifique

L’Acram est également en train de développer des projets avec l’OIAC et l’OIC pour booster la transformation des cafés au niveau local et améliorer la consommation intérieure en Afrique. La Zone de libre-échange continental africain (Zlecaf) constitue un important levier pour ce projet.

Quels sont les principaux défis auxquels fait face l’Acram actuellement ?

En plus de la pandémie qui reste toujours présente, les défis auxquels fait face l’Acram actuellement, peuvent être classés en trois dimensions.

Sur le plan social :

  • La marginalisation des femmes dans la chaine de production : l’accès à la terre, au crédit, aux intrants, aux services de vulgarisation,
  • La faible représentativité des femmes au niveau décisionnel des organisations faitières de la filière café,
  • Le vieillissement des producteurs et leurs conditions de vie,
  • Le désintéressement des jeunes en raison de la faible rentabilité, de la pénibilité du travail et des offres plus lucratives dans d’autres secteurs. Au Cameroun, 18% des participants au programme New Generation ont abandonné et au Gabon, le taux est encore plus élevé. D’autre part, l’implication des femmes dans ces projets est faible : au Gabon, sur 300 jeunes impliqués dans le projet, on compte seulement 44 femmes.
  • Les opinions et préjugés véhiculés sur l’impact négatif du café sur la santé.

Sur le plan économique

  • Les faibles rendements du matériel végétal, d’où cette importante résolution pour que le Cirad nous accompagne sur un projet régional pour avoir un Robusta performant tout en respectant l’environnement et les ODD.
  • La faible productivité des vieux vergers,
  • La dépréciation des Robusta africains sur le marché,
  • Les limites de la recherche pour la production et la diffusion d’un matériel végétal plus performant et résistant aux ravageurs et maladies, afin de garantir sereinement la durabilité de la filière Robusta en Afrique,
  • La vulnérabilité des petits producteurs face aux acheteurs dans certaines zones, acheteurs et ceci pourra être traité au niveau économique, notamment entre producteur et consommateur afin de réduire les intermédiaires au niveau du circuit de distribution. Car plus la chaîne est longue, moins les producteurs obtiennent des revenus satisfaisants. Il faut donc faciliter la mise en contact entre les acheteurs et les producteurs.
  • Le faible accès des petits producteurs au financement et aux politiques d’accompagnement appropriées,
  • La nécessité d’encourager la première transformation (post-récolte) qui permettrait de contrôler la qualité et d’obtenir des prix plus rémunérateurs,
  • L’absence d’une réelle structuration de la filière Robusta dans certains pays des membres de l’Acram,
  • Le faible niveau de coopérations et de partenariats en faveur des Robusta africains.

Sur le plan environnemental et écologique

  • La perturbation des cycles de saisons liée au réchauffement climatique bien que le Robusta soit plus résistant que l’Arabica aux températures plus élevées.
  • L’absorption accrue des produits chimiques de synthèse, avec des impacts négatifs sur la qualité des sols et de l’eau, menaçant la biodiversité.
  • Les méthodes de culture et systèmes agraires pratiquées qui ne protègent pas assez les ressources, et qui sont insuffisamment durables et peu adaptés au changement climatique,
  • La déforestation, qui résulte à la fois de l’expansion de la caféiculture et de la tendance à la modernisation des exploitations.
Comment se porte financièrement l’Acram ?

L’Acram se porte financièrement comme toutes les institutions qui ont été victimes de la Covid-19.

Les activités de l’Acram ont pu tenir déjà grâce au soutien du programme ACP-Union européenne. Les dernières en date, sont les ateliers de renforcement des capacités des points focaux et experts nationaux sur l’Approche Alliance for Action initiée par ITC lors de la Réunion régionale sur les cafés Robusta africains à Lomé.

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