Marché mondial du coton : « La grande incertitude c’est la consommation » Michael Edwards

 Marché mondial du coton : « La grande incertitude c’est la consommation » Michael Edwards
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Michael Edwards, directeur de Cotlook, livre à CommodAfrica son analyse du marché du coton en 2020 et de la formidable remontée des cours et ses premières perspectives pour 2021.

Comment explique-t-on cette folle récupération des cours du coton qui après avoir plongé en dessous de 50 cents la livre en avril sont remontés à des niveaux proches de 80 cents la livre à la fin de l’année, alors que les stocks demeurent importants ?

Premier aveu ! Si au mois d’avril on m’avait posé la question, je n’aurais jamais anticipé une telle reprise. Car le marché est revenu au-dessus du niveau du mois de janvier. C’est tout à fait surprenant. Et je n’étais pas le seul à avoir une vision plutôt pessimiste de l’évolution du marché.

Comment expliquer cette évolution ? Premièrement, il faut prendre en compte les politiques menées par les banques centrales et les prodigieuses injections de stimulants aux économies. Cet afflux de monnaie a fait remonter tous les marchés financiers. Dans un premier temps, c’est le marché à terme de New York qui a rebondi. Le marché physique a un peu réagi car il y a eu un décalage assez important entre la reprise initiale des marchés financiers, y compris les marchés à terme des matières premières, et le marché physique du coton.

Petit à petit le marché physique a réagi aussi. Pourquoi ? L’élément important a été la Chine. Au sein de tous les problèmes rencontrés au deuxième trimestre – les magasins fermés, les commandes de vêtements annulées, les reports d’embarquement, etc. – et du désarroi total du marché, on avait pratiquement oublié qu’au mois de janvier les Etats-Unis et la Chine avaient signé un accord dit de Phase 1 de leur traité commercial. A partir du mois d’avril, la Chine a commencé à respecter ses engagements en achetant des matières premières agricoles des Etats-Unis, y compris du coton. Cela a dopé le marché à terme de New York et les prix du coton américain en particulier.

on avait pratiquement oublié qu’au mois de janvier les Etats-Unis et la Chine avaient signé un accord dit de Phase 1

Le troisième élément est qu’à partir des mois de juillet-août la situation des exportateurs de vêtements s’est, dans une certaine mesure, améliorée. Certaines marques ont stoppé les annulations de commandes et ont été plus respectueuses de leur engagement tandis que les restrictions prises par les pays pour lutter contre la Covid-19 ont été allégées. On assiste donc à un rebond des flux commerciaux de vêtements.

Finalement à partir du mois d’octobre, il y a eu une forte hausse des prix du coton en Chine et une forte motivation des filateurs et du négoce pour importer du coton. Une demande qui s’est ajoutée à celle du gouvernement chinois pour respecter l’accord avec les Etats-Unis.

Pourquoi les prix du coton en Chine ont-ils grimpé ?

C’est un peu surprenant. C’est en partie parce qu’il y a eu une augmentation de la capacité d’égrenage dans la région de Xinjiang. Donc, le prix du coton graine aurait monté de façon importante. En même temps, la politique monétaire en Chine était telle qu’il n’y a pas eu de pression pour vendre. La conséquence pour le marché mondial et surtout pour les Etats-Unis a été une forte demande d’importation y compris de la réserve d’Etat.

Tous ces éléments ont contribué à la reprise des cours. Mais, je trouve toujours aussi surprenant la rapidité avec laquelle ils sont remontés. A la fin de la campane 2019/20, on constate un excédent de marché de près de 4 millions de tonnes (Mt.) C’est quand même important.

Vous mentionnez la Chine comme un élément important de la reprise des cours du coton. Le nouveau président américain Biden va-t-il s’inscrire dans la continuité de son prédécesseur et poursuivre l’accord de phase 1 ? D’autre part, quel impact pourrait avoir sur le marché, le boycott des textiles produits à partir du coton du Xinjiang pour cause de travail forcé des minorités ?

Nous ne connaissons pas à ce stade la politique de la nouvelle administration américaine. Mais, nous pouvons supposer que puisqu’il s’agit d’un traité entre deux pays, signé pour une durée de deux ans, qu’il va se poursuivre dans un premier temps.

Pour le boycott du coton du Xinjiang, difficile d’y voir clair. Il est certain que les flux commerciaux vont être affectés. Est-ce que les importations de fils par la Chine vont augmenter afin que les marques puissent être sures de la traçabilité de leur coton ? Je ne sais pas vraiment.

Quelles sont les perspectives pour 2021 ?

On ne fait jamais de prévision des cours par politique et par prudence. Ce que l’on peut entrevoir est comment se présente l’offre et la demande pour la prochaine campagne. Premier constat avec les cours que nous vivons actuellement, il est peu probable qu’il y ait une réduction des emblavements pour 2021/22. On parle d’une légère réduction peut-être aux Etats-Unis puisque les autres produits agricoles, comme le soja ou le maïs, se sont aussi fortement appréciés. Dans les autres pays, la Chine, l’Inde avec les systèmes de mécanismes d’appui les producteurs dépendent beaucoup moins du marché mondial. On peut prévoir que les superficies restent plus ou moins stables. Mais, il est encore trop tôt pour en juger.

La grande incertitude c’est la consommation. On démarre l’année 2021 avec plus de confiance, la filature a repris mais il y a bien entendu plusieurs réserves. La pandémie de la Covid-19 sévit toujours dans de nombreux pays ; nous ne savons pas qu’elles en seront les conséquences économiques à moyen et long terme ; les gouvernements vont-ils continuer à subventionner leurs économies ? , quels seront les progrès des vaccins ?, etc.

Nous sommes toujours bien loin du niveau de la consommation mondiale d’il y a deux ans et demi

On peut prévoir, si tout va bien, une progression additionnelle de la consommation après une reprise assez importante en 2020/21 mais il faut garder la tête froide. Nous sommes toujours bien loin du niveau de la consommation mondiale d’il y a deux ans et demi avant la guerre commerciale entre la Chine et les Etats-Unis et puis le coup dur de la Covid-19. A terme on peut prévoir que la tendance lourde de la consommation mondiale reprenne plus de force mais sur quelle échéance ?

Les prix élevés actuellement du coton et ceux relativement bas du pétrole pourraient-ils exacerber la concurrence entre le coton et les fibres synthétiques et faire perdre des parts de marché au coton ?

Certainement. Il y a toujours une tension entre les attributs du coton à savoir le confort, une fibre naturelle, soutenable etc. et le prix. Le coton ne sera jamais meilleur marché que le polyester. Il faut espérer qu’avec la pression actuelle sur la pollution des plastiques les gens commencent à comprendre que le polyester c’est aussi du plastique. Aujourd’hui, le monde produit environ 60 millions de tonnes de fibres synthétiques par an. Or, les experts estiment apparemment qu’il faut au minimum une vingtaine d’année pour le détruire. Dans vingt ans 1,2 milliard de tonnes de fibre synthétique auront été produites avant que la fibre produite en 2021 soit détruite, alors que pour le coton il ne faut que six mois !

le polyester c’est aussi du plastique

L’Afrique a été particulièrement affectée lors du plongeon du marché avec des stocks invendus de la récolte 2019/20 et l’arrivée de récolte 2020/21 sur le marché. A-t-elle récupérée ? Comment se présente 2021 ?

Oui, elle a récupérée. Au deuxième trimestre, le Bangladesh, qui est de loin le premier marché pour l’Afrique, était aussi l’un des pays les plus affecté par le désarroi du marché. Nous avons alors assisté à des problèmes importants d’embarquement, de paiement, etc. Mais au fil de l’année, on a observé une amélioration. Comme pour les autres pays producteurs, la situation est meilleure que l’on aurait pu le prévoir. Toutefois, je ne pense pas que l’on puisse compter sur une baisse de la concurrence au Bangladesh. Elle restera assez acharnée car le Brésil vient de produire un record de 3 millions de tonne de fibre.

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