Baisse du soutien de la France au PNIA mais la Côte d’Ivoire garde espoir

 Baisse du soutien de la France au PNIA mais la Côte d’Ivoire garde espoir
Partager vers

Si la France a représenté 82% du financement bilatéral du premier Programme d’investissement agricole (PNIA1 2012-2016, € 2,4 milliards) de la Côte d’Ivoire, c’est loin d’être le cas du deuxième programme (PNIA2 2018-2025, €18,15 Mds; lire nos informations). Mais les jeux ne sont pas encore totalement faits, a expliqué  le ministre ivoirien de l’Agriculture et du développement rural, Mamadou Sangafowa Coulibaly, à des journalistes dont CommodAfrica, au Salon international de l’agriculture (SIA) à Paris, le 28 février, espérant que Paris augmentera sa mise. Il a par ailleurs appelé de ses voeux un rapprochement cacaoyer encore plus étroit avec le Ghana ainsi qu’une prise en compte des intérêts des producteurs aux côtés de ceux des consommateurs dans la détermination des normes de certification. En termes de prévision de production cacaoyère, le ministre ne s’est pas prononcé sur l’éventualité d’atteindre cette campagne 2018/19 un record de 2,2 Mt

La France a réduit sa contribution financière au Programme national d’investissement agricole (PNIA) 2. Comment l’expliquez-vous ?

Il faut déjà se féliciter de la contribution de la France au PNIA 1 qui a, quand même, duré cinq ans. Au  SIA, nous avons montré que, en termes de contributions bilatérales, la France a été le premier partenaire de la Côte d’Ivoire. Elle représentait, à elle seule, plus de 80% des contributions bilatérales, reposant essentiellement, il est vrai, sur le C2D (contrat de désendettement et de développement, Ndlr).

Puisque la France était la principale source de contribution bilatérale de la Côte d’Ivoire sur le PNIA 1, on peut craindre que la contribution de la France puisse baisser pour le PNIA deuxième génération, alors que nous avons besoin de ressources beaucoup plus conséquentes. A la date d’aujourd’hui, on pense qu’il y a encore des efforts à consentir. J’en ai parlé avec mon collègue en charge de l’Agriculture. J’ai aussi eu la chance de rencontrer sur le Salon le ministre des Finances qui a été ministre de l’Agriculture par ailleurs et que j’ai connu à l’époque. J’ai bon espoir que, indépendamment du C2D, sur le PNIA de deuxième génération, la France pourra continuer de nous  accompagner comme elle l’a fait sur la première génération.

Ceci d’autant plus que, sur la deuxième génération, la problématique est vraiment la transformation structurelle de notre modèle de production, à savoir, moderniser les productions, faire en sorte qu’elles soient respectueuses de l’environnement et préservent les ressources naturelles, mais surtout qu’une bonne partie de la valeur ajouté soit réalisée localement.

La baisse du soutien financier français est de quel ordre ?

Il est trop tôt pour parler de baisse car le Programme national de deuxième génération ne fait que commencer. Au stade et au rythme actuels, la contribution bilatérale de la France – je dis bien bilatérale car la France est, bien sur, partie prenante des contributions multilatérales- risque d’être de moindre importance que celle du Programme de première génération. Mais c’est en cours de mobilisation. On n’a pas encore fini. C’est pour cela que nous sommes heureux de rappeler cela à nos partenaires français  pour voir comment augmenter le rythme.

Pourquoi la Côte d’Ivoire ne parvient-elle pas à développer ses propres capacités de transformation locale ? A quel niveau se pose le problème ?

D’abord, tout est relatif. Le Président a fixé des objectifs a des échéances bien données mais ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas de progrès sur la transformation locale.

Déjà, nous sommes le premier pays broyer au monde de cacao. Je crois que très peu de gens le savent. Donc la première transformation de cacao au monde se fait en Côte d’Ivoire.

Deuxièmement, nous voulons aller jusqu’à 50% de la transformation de notre cacao localement. Pour cela, on accorde des facilités au secteur privé. Des conventions ont été signées et on est en train d’atteindre nos objectifs  de transformation, du moins  la première transformation. Mais ce n’est pas tout : on veut que pour certains ils aillent jusqu’au produit fini. Au départ, ce n’est pas facile car le marché ne se trouve pas localement ;  le marché est à l’extérieur. Donc, avec le groupe français Cemoi, on a pris des engagements, on leur a fait des facilités additionnelles et ils sont allés jusqu’au produit fini et les résultats sont concluants.

C’est ce genre d’initiatives qui va rassurer le secteur privé, qui va les amener à s’installer et aller jusqu’au produit fini. Car les marchés local, sous régional et africain ont des potentiels en matière de consommation du chocolat ; il ne faut pas en négliger ou en sous-estimer le potentiel de développement. Cemoi  a fait des produits adaptés à ce marché qui est en train de se développer et ils exportent une partie de leur production. Ils ont fait la preuve que c’est possible. Vous allez voir que cela va amener, petit à petit, les autres privés à s’installer et à aller jusqu’au produit fini même si le marché est ailleurs.

Nous visons aussi, avec nos partenaires, des marchés émergents.  Je  crois que toutes ces initiatives sont en train de porter leurs fruits et on ne peut pas dire que nos efforts ne sont pas payés de retour. Mais c’est une question de temps. Nous allons y arriver.

L’un des enjeux pour les producteurs ivoiriens est la certification pour entrer sur le marché européen. Comment cela se passe-t-il ? Est-ce plus simple, aujourd’hui, pour les producteurs ?

C’est toujours bien mais ce que nous avons voulu faire observer  est que les normes de certification sont définies à partir du marché de consommation, donc par les pays consommateurs qui prennent en compte les consommateurs.

Mais ce que nous souhaitons est que ces normes prennent en compte aussi les besoins des producteurs. Je suis sûr que les consommateurs seront très intéressés à prendre en considération aussi les besoins des producteurs. Ce qui n’a  pas toujours été le cas jusqu’ici et c’est ce que nous voulons corriger : que les normes soient fixés dans l’intérêt des consommateurs et des producteurs. Et je suis certain que les consommateurs s’intéressent aussi aux conditions de travail des producteurs.

Je pense qu’il faut définir tout cela d’un commun accord. D’autant que, une fois que les normes sont fixées ici, elles s’imposent au producteur là-bas. Donc il n’y a pas de raison qu’on ne l’associe pas dans la définition des normes.

Jusqu’où voulez-vous aller dans votre coopération cacaoyère avec le Ghana ?

Avec le Ghana,  c’est une volonté commune au plus haut niveau des deux chefs d’Etat  que de joindre leurs efforts. C’est une initiative  qu’on peut saluer mais que leurs prédécesseurs auraient pu déjà envisager. Parce qu’on est complémentaire. Il n’y a pas de compétition entre les producteurs. Au contraire. Nous avons les mêmes intérêts et en nous mettant ensemble, nous sommes plus forts.

C’est pour ça que,  après avoir signé un accord global entre le Ghana et la Côte d’Ivoire, les deux chefs d’Etat ont signé un accord spécifique, une Déclaration portant sur le cacao. Et les deux structures en charge du cacao, de part et d’autre, ont commencé travailler. Elles ont beaucoup avancé et désormais, il y a une action concertée de ces deux pays sur marché international.

Mais jusqu’où voulez-vous aller en termes de coopération ?

Patientez, vous verrez… Imaginez que le Ghana et la Côte d’Ivoire soient un même pays qui produit  non pas 20% l’un et 40% l’autre mais désormais 60% de la production mondiale de cacao. C’est ça que nous voulons changer.

Confirmez-vous que la récolte 2018/19 de cacao atteigne les 2,2 millions de tonnes comme l’ont estimé des exportateurs et traders ?

Ce sont des données de marché. La structure en charge de réguler le secteur fait le point après coup. Donc, sur les estimations, c’est très technique et ce sont des données de marché . Seule la Caisse peut avoir ces données et peut les gérer. Et quand c’est fini, elle fait le bilan en Conseil des ministres et là les données sont alors publiques.

Mais plus il y a de volumes, plus les prix baissent…

Ce n’est pas que la question des volumes qui fait baisser les prix. C’est la demande aussi. Moins on a de demande, plus les prix baissent.  Par conséquent, je pense qu’il faut aller vers de nouveaux marchés, vers les marchés émergents. Imaginez si les Chinois se mettent à consommer du cacao, il n’y en aura même pas suffisamment pour eux et a fortiori pour le reste du marché. Donc on ne va pas lier les mains du producteur ivoirien parce qu’il gagne de l’argent ; c’est de ça qu’il vit. Mais ce qu’il faut faire c’est développer le marché pour eux.

Autres Articles

Leave a Reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *