Siriman Sakho : le Siagri au Mali, un moment aussi d’échange et de formation

 Siriman Sakho : le Siagri au Mali, un moment aussi d’échange et de formation
Partager vers

La 7ème édition du Salon international de l’agriculture de Bamako (Siagri) a fermé hier ses portes. Avec pour thème cette année “Promouvoir l’agro-industrie des PME/PMI pour plus de valeur ajoutée à l’économie du Mali”,  quelque 500 exposants étaient au rendez-vous depuis son ouverture le 5 mai, avec 16 pays représentés. Une opportunité pour montrer, notamment aux jeunes, un nouveau visage possible de l’agriculture, avec une autre façon de cultiver et des nouvelles technologies, entre autres. Nouveauté à souligner, la présence sur le salon de l’école du Siagri, comme l’explique le conseiller chargé du Projet d’accroissement de la productivité agricole au Mali (Papam) et conseiller spécial du président de l’Assemblée permanente des Chambres d’agriculture du Mali (Apcam) qui organise le Siagri, Siriman Sakho. Des propos recueillis hier par notre envoyé spécial à Bamako, Jean Gecit.

Quels sont actuellement les facteurs incitatifs à l’investissement agro-industriel au Mali ?

Le premier facteur est  le potentiel. Nous avons plus de 43 millions d’hectares de terres agricoles, un climat favorable à certaines production agricoles telles que le riz, le maïs, les fruits et légumes. On a aussi le cheptel le plus important de la zone de l’Uemoa, toutes espèces confondues. On a des ressources en eau, des fleuves, des lacs.

Le deuxième facteur incitatif est le dispositif institutionnel règlementaire. En matière agricole, nous avons une loi d’orientation, une politique de développement, un plan d’investissement, une loi sur le foncier agricole et depuis l’année dernière une loi sur le partenariat public-privée (PPP). En outre, le gouvernement est prêt à passer un texte pour lâcher du lest afin que le privé s’investisse pour compléter les financements du gouvernement.

Ainsi, nous avons de nombreux éléments qui nous permettent vraiment de dire que le secteur agricole est important et qu’il y a une volonté politique puisque le gouvernement du Mali consacre au moins 15% de son budget à l’agriculture. C’est le budget le plus élevé par rapport aux autres secteurs.

Un budget de FCFA 300 milliards (€ 456 millions), est-ce, selon-vous, suffisant ?

Oui et non. Au vu des moyens de l’Etat, c’est un effort énorme. Si vous avez 1000 et que vous en dépensez 700, c’est beaucoup plus important que si vous disposez de 100 000 pour 700. Tout est relatif. Par rapport à la disponibilité, à la capacité du gouvernement à financer toutes ses priorités, nous pensons que c’est énorme. Mais si on évalue par rapport aux besoins, c’est insuffisant.

En quoi le Siagri contribue-t-il à l’attractivité de l’agriculture pour les jeunes ?

Le salon, on le voit, est fait pour les jeunes. Parce que les jeunes ne croient pas beaucoup en l’agriculture. Les jeunes pensent que l’agriculture n’est pas rentable. Les jeunes pensent que l’agriculture est salissante. Donc ce salon a été fait pour les aider à créer des petites et moyennes entreprises ou des petites et moyennes industries dans le cadre de la transformation des produits agricoles.

Par exemple, sur le Siagri, on trouve des vaches qui font chacune à peu près 33 litres par jour. Lorsqu’on a 10 vaches comme ça, on obtient 300 litres par jour. A FCFA 500 (soit € 0,76 le litre ; € 0,34 en France, Ndlr), cela fait de l’argent ! Les produits qu’on peut acheter sur le Siagri sont accessibles : les gens élèvent les pigeons et on trouve ici les paires à FCFA 125 000/155 000, les poules sont à FCFA 250 000, les autruches à FCFA 1,5 million le couple, les moutons à FCFA 5-7 millions. Donc, en investissant dans une petite chose, mais de qualité, ça permet vraiment de générer beaucoup de revenus.

Il y a aussi l’utilisation des technologies de l’information, les TIC. Auparavant on n’avait pas cette possibilité. Au salon, certains exposent des drones de supervision des champs, permettant de faire le point de la situation, le niveau et les besoins en engrais, le taux d’humidité pour détecter s’il y a un point d’aspersion à faire en termes d’irrigation au goutte à goutte.

Des serres de cultures sont en démonstration, permettant de cultiver toute l’année, sans se salir : tu marches dans la serre, tu sors; tu prends ton véhicule et tu t’en vas.

Non, vraiment, l’agriculture est une activité qui peut être exercée sans être considéré comme une personne de classe basse ou de classe moyenne, et gagner sa vie.

Il y a également des applications sur téléphone mobile qui renseignent sur l’agriculture, quand planter, la météorologie… Ça se développe beaucoup et donc ça contribue également peut être à son attractivité ?

Effectivement, Orange Mali propose depuis plusieurs années maintenant les services  Sénèkela : si on veut faire de la pomme de terre ou de la mangue ou tout autre produit, on appelle et des gens conseillent sur comment planter, à quelle période et ainsi de suite.

Il en est de même pour la météo et les prévisions pluviométriques sur la semaine avec une précision de 3 km de rayon par rapport à là où on appelle.

On a aussi des technologies permettant de détecter la biomasse et les points d’eau. Si un berger veut nourrir son troupeau, il peut appeler un numéro et obtenir ainsi la positionnement géographique de la biomasse.

Il y a une nouveauté sur ce salon, c’est l’école du Siagri. Qu’en est-il au juste ?

Nous avons l’école du Siagri, ici, au salon, car on a constaté le très grand problème que représente la formation sur les nouvelles techniques et les bonnes pratiques agricoles.

Le salon est une opportunité pour chaque région et ses groupes d’agriculteurs de venir, même s’ils n’ont rien à présenter ni à acheter, mais pour échanger et travailler leur état d’esprit, se former. Donc nous leur proposons une école pour eux. Au lieu de les laisser errer dans les allées, on les accueille dans un espace, en fonction de leurs besoins, pour leur enseigner les bonnes pratiques. C’est ouvert à tout le monde, pas seulement aux Maliens. Il n’y a pas d’inscription préalable : on distribue un programme et la salle est ouverte en fonction du nombre de places assises. On a vu durant ce salon les gens s’arrêter pour suivre les cours. On travaille la pratique : comment faire la mouche, comment faire l’élevage de poissons, comment transformer, comment faire le fromage, etc.

Ce sont des formations techniques qui sont enseignées en français facile et dans la langue nationale afin que les gens puissent comprendre. Cette école ne dure que sur la période du salon. Hier, une députée nous a conseillés d’associer la pratique à la théorie : une personnes est formée aux techniques de la pisciculture le matin et va ensuite visiter un étang piscicole pour voir concrètement la pratique.

Par rapport aux dernières éditions, quelle a été l’affluence au salon ?

On a environ 7000 visiteurs par jour sur un salon de 10 jours. On estime donc la fréquentation à environ 100 000 personnes. Par rapport aux autres années c’est plus d’affluence mais en augmentation de seulement 2 ou 3%.

Qu’est ce qui pourrait faire que ce salon ait plus de résonnance ?

On peut continuer à montrer davantage d’innovations, par exemple sur le solaire. Le cout de l’électricité est très élevé au Mali et on souhaite attirer les gens vers les pompes solaires, des systèmes d’irrigation et des panneaux solaires qui peuvent très très bien marcher.

Le Mali exporte d’abord du coton, de l’or et ensuite du bétail. Quelle est votre politique en matière cotonnière ? Est-ce qu’il y a une politique d’augmentation de la production ?

Sur le coton, on a fait 728 000 t cette année et l’objectif l’année prochaine est d’atteindre 756 000.

Comment ? Grâce à l’augmentation des superficies ? Une modernisation des pratiques ?

Non, pas par la modernisation des pratiques mais en misant sur deux aspects : davantage de terrains et une plus grande productivité grâce à l’utilisation de la chaux pour lutter contre l’acidité des sols davantage qu’avec le fumier organique que les gens n’utilisent pas beaucoup.

C’est donc un système plus traditionnel ?

Non ce n’est pas traditionnel, c’est moderne à présent avec des unités qui fabriquent maintenant du compost à grande échelle. On essaye d’associer l’augmentation des rendements à l’expansion des superficies.

Que fait-on dans ce salon en terme de sensibilisation aux questions environnementales et pour diminuer l’utilisation de pesticides. Vous m’avez parlé de la technique de la chaux par exemple, mais que faire d’autre ?

C’est très difficile. Parce que les gens ont conscience des problèmes liés à  l’environnement mais chaque fois qu’ils doivent choisir entre la survie et l’environnement, les gens choisissent la survie. Ce n’est pas parce qu’ils ne sont pas conscients, car ils sont très conscients des enjeux. Mais pour produire et gagner leurs vies, ils sont souvent obligés de mettre l’environnement de côté. C’est pourquoi le gouvernement est en train d’étudier comment subventionner, par exemple, l’usage de la chaux pour que ce soit moins cher, pour que le facteur coût ne soit pas un handicap par rapport à la préservation de l’environnement.

L’Occident s’étant développé en polluant énormément, on demande maintenant aux pays africains de faire attention à l’environnement. Est-ce qu’on n’en demande pas trop à l’Afrique finalement ?

Non, mais on demande surtout qu’on nous donne du temps et des moyens. Ils ont pris tout le temps de polluer et aujourd’hui encore, ce sont eux les grands pollueurs. Alors, ils n’ont qu’à accepter de mettre de côté une partie de leurs ressources pour atténuer les impacts sur notre agriculture.

Autres Articles

Leave a Reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *