La Chronique Matières du Jeudi
Les marchés réagissent aux décisions de la Réserve Fédérale américaine
(14/09/2012)
Cacao. Le marché international du cacao est assez soutenu actuellement même s’il s’est inscrit hier en baisse par rapport à vendredi dernier. La récolte 2012/13 sera moins importante, El Nino est de retour après deux années de la Nina toujours très favorable aux cultures et la sécheresse sévit en Côte d’Ivoire. Depuis 5 mois consécutifs, les niveaux de précipitations sont inférieurs aux moyennes mensuelles passées. ”2000 à 3000 t de cabosses dépérissent chaque jour en Côte d’Ivoire en raison de la sécheresse”, souligne un trader. On s’attend à un déficit de 250 000 t la prochaine campagne.
Surtout, phénomène inédit depuis 15 ans, les cartes sont rebattues entre acteurs de la filière cacaoyère mondiale. En d’autres termes, la Côte d’Ivoire, suite à son programme de vente par anticipation mis en place en début d’année dans le cadre de sa réforme cacaoyère, a déjà vendu une très grande partie de sa récolte au négoce, ce même négoce qui a hedgé, et maintenant l’industrie doit acheter au négoce. L’industrie, donc, ne se tourne plus vers le petit planteur ivoirien pour s’approvisionner en fèves. Les fonds, quant à eux, sont « tranquilles », gagnant tous les jours un peu plus.
Quant à la campagne 2011/12 qui s’achève ce mois-ci, les arrivages au port de San Pedro en Côte d’Ivoire ont totalisé 636 065 t entre le 1er octobre 2011 et le 12 août contre 544 870 t à pareille époque l’année dernière, selon les chiffres du Conseil café cacao. Parmi les exportateurs, Saco Barry Callebaut arrive en première position avec 107 095 t, suivi de Saf-Cacao (98 314t), Cargill West Africa (81 701 t), Sifca-ADM (74 381 t), Touton Négoce (46 299 t), Outspan-Olam (44 489 t), Cemoi-Cantallou (30 452 t), Armajaro (27 990 t), Susco (25 392 t) et Zamacom-Ecom Trading (24 073 t) pour ne citer que les 10 premiers.
Au Ghana, le Cocobod s’attend à acheter un total de 800 000 t pour cette campagne 2012/13 (récolte principale et intermédiaire) qui s’ouvre, en baisse de 5% sur la campagne dernière en raison de conditions météorologiques peu favorables, alimentant ainsi le déficit mondial attendu. Le Ghana qui a signé mercredi son prêt annuel syndiqué pour financer la campagne à venir, prêt qui s ‘élève cette année à $ 1,5 milliard provenant de 31 établissements bancaires de 17 pays dont l’Industrial and Commercial Bank of China. Le prêt est de $ 500millions inférieur à celui contracté en 2011/12.
A noter qu’au Brésil, les arrivages du cacao en entrepôts, que ce cacao soit local ou importé, ont augmenté de 31% entre le 1er mai et le 9 septembre par rapport à la même période l’année dernière, selon la Bahia Commercial Association.
Café. La semaine dernière, le marché donnait des signes baissiers étant donné la récolte record du Brésil (55 millions de sacs), l’augmentation des stocks d’Arabica certifiés et une demande atone. Mais les décisions de la Réserve fédérale américaine destinées à booster l’économie ont entrainé dans leur sillage bon nombre de matières premières dont le café. En définitive, l’Arabica aura repris 20 cents en trois jours, les Robusta à Londres ne bougeant que d’une trentaine de dollars, souligne un trader.
”La seule explication vient du fait que la position short spéculative avait atteint les 30 000 lots. Cette position considérée comme trop importante a entrainé des couvertures de short, qui se sont un peu emballées. Ces fluctuations sauvages ont l’avantage de montrer à quel point les prix de certaines matières premières sont dépendants de l’action des fonds de pensions”, poursuit le trader. ”Les fermiers Brésiliens vendent, tout en conservant des différentiels élevés, ce qui limite le tonnage traité. Cette hausse a gelé momentanément l’activité physique, en se confinant au strict nécessaire.” ”Sur le marché du Robusta”, poursuit-il, ”une bonne demande persiste mais les prix et différentiels varient peu. On commence à se poser de sérieuses questions sur la réalité de la récolte au Vietnam qui semble être plus proche de 25 à 27 millions de sacs plutôt que les 21 à 24 généralement estimés.”
Aux ventes aux enchères du Kenya cette semaine, les plus beaux cafés ont enregistré une baisse de prix, le AA tombant à $ 174-302 le sac contre $ 191-312 la semaine dernière, les opérateurs s’inquiétant de la qualité des grains en cette fin de campagne. Toutefois, sur les 20 729 sacs offerts à la vente, 12 898 ont trouvé acheteurs, ce qui est mieux que la semaine précédente et le prix moyen sur l’ensemble des qualités de café a progressé, s’établissant à $ 170,19 contre $160,16 la semaine précédente.
Céréales. En ce début septembre, la situation céréalière dans les pays du Sahel est plutôt bonne même si ”la vigilance reste de mise” et de nombreux prix sont à la baisse, souligne Afrique Verte dans son bulletin mensuel (voir notre tableau des cours). En effet, les pluies ont été bonnes, et même parfois ”trop bonnes” avec son lot d’inondations, notamment au Niger. La menace acridienne est toujours présente et les problèmes au Mali ne sont pas résolus ; les aides d’urgence devront se poursuivre.
Au Niger, les prix du riz, du mil, du sorgho et du maïs (local ou importé) sur les marchés est à la baisse ou à la stabilité, notamment pour le mil et le riz. Toutefois, des hausses ont été observées pour le sorgho et pour le maïs sur certains marchés comme Maradi et Tillabéry.
Au Mali, la tendance des prix est aussi à la baisse sur tous les marchés car la campagne agricole se déroule de façon satisfaisante, note encore Afrique Verte. A noter qu’elle est plus marquée pour les céréales sèches que pour les riz.
Au Burkina, les prix varient entre stabilité et baisse mais leur niveau de façon générale reste tout de même élevé par rapport à la même période la campagne dernière.
Coton. Le marché à terme du coton à New York s’est ressaisi hier après 3 jours baissiers, suite à l’annonce de volumes exportés les plus élevés depuis le mois de juin aux Etats-Unis. Une bonne nouvelle sur ce marché qui enregistre un excédent record alors que la demande est faible. Quelque 84% des 317 500 balles vendues par les Etats-Unis sont allées vers la Chine, signe que ce pays pourrait être en train de renouer avec sa politique d’achats. Toutefois, les analystes ont du mal à faire la part des choses : ces importations chinoises sont-elles destinées à renflouer les stocks ou s’agit-il d’un regain de dynamisme de la demande des filatures ?
Le marché du coton a également été stimulé par l’annonce de la Federal Reserve qu’elle donnerait un coup de boost supplémentaire à l’économie américaine, notamment en rachetant chaque mois $ 40 milliards d’hypothèques immobilières tant que la situation de l’emploi aux Etats-Unis ne se serait pas redressée.
Toutefois, il ne semblerait pas que le marché du coton reparte à la hausse de si tôt. Les prix sont en dessous des 80 cents la livre depuis le mois de mai. Le département américain de l’Agriculture(USDA) a révisé à la hausse (+ 2 millions de balles) ses estimations d’excédents mondiaux qui atteindraient en 2012/13 un record de 76,5 millions de balles de 480 livres, signe que la demande chinoise, le plus important marché textile au monde, ne sera pas très forte. Il faut dire aussi que les stocks de report de la campagne 2011/12 sont élevés.
Sucre. Après avoir touché un plus haut en deux semaines, testant le seuil des 20 cents à New York, le sucre roux a consolidé sa position mais sans grand espoir qu’il irait plus loin. En effet, l’excédent pèse sur les perspectives de marché, tandis que la pluie continue de tomber en Inde mettant un terme aux craintes de sécheresse généralisée. En outre, le trafic se fluidifie dans les ports brésiliens, passant de 68 navires attendant d’être chargés la semaine dernière à 58 ces derniers jours. La production record des raffineries en août parvient ainsi à s’écouler de façon fluide.