Paradoxe de la politique de coopération française en matière d’agroécologie

 Paradoxe de la politique de coopération française en matière d’agroécologie
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La France est souvent perçue comme l’un des porte-drapeaux les plus fervents de l’agroécologie à l’international, une politique qu’elle défend depuis une dizaine d’année. Mais ce discours politique affirmé en faveur de l’agroécologie et de l’agriculture familiale se traduit-il dans les financements agricoles accordés par la France aux différents pays dans le cadre de l’aide publique au développement (APD) ?

Il semble que la balance penche en faveur des projets agro-industriels ! C’est ce que met en exergue, chiffres à l’appui, le rapport au nom évocateur « Une recette à la française : une pincée d’agroécologie pour une louche d’agro-industrie » rédigé par trois ONG, Action contre la Faim France, CCFD-Terre Solidaire et Oxam France avec l’appui du cabinet Basic.

Dans cette enquête, les auteurs ont fait une étude approfondie de l’APD française sur dix ans (2009 à 2018) en épluchant plus de 2 500 projets représentant €5,8 milliards de soutiens financiers – de l’APD au crédits exports- et en se penchant sur 8 institutions [1]. Les résultats sont qualifiés «d’ édifiants ». Ainsi, « Seuls 13,3% des soutiens financiers français engagés entre 2009 et 2018 à destination des pays éligibles à l’APD ont réellement bénéficié́ à la transformation agroécologique. Pire, 23,6% des soutiens financiers analysés se sont faits au détriment d’une transition agroeécologique et ont, soit été́ dédiés à l’augmentation des rendements quel que soit le modèle agricole soutenu, soit au développement assumé de l’agro-industrie dans les pays récipiendaires. La part de ces financements est par ailleurs en forte progression depuis 2009 » observe le rapport.

Comment expliquer ce gap entre le discours et la réalité ? L’étude remarque que depuis quelques années en France s’affirme une volonté accrue de mobiliser la politique étrangère de la France au service d’intérêts économiques nationaux. Une orientation qui conduit à promouvoir les exportations et le savoir-faire agricole et en alimentation français. D’où une certaine ambivalence ou double discours. L’étude dénonce aussi un manque de transparence dans les données financières françaises publiquement disponibles et d’un manque d’homogénéité entre les différentes institutions.

L’étude souligne toutefois que les chiffres diffèrent fortement d’une institution à l’autre.  A ce titre l’Agence française de développement (AFD) peut être considérée comme le fer de lance de l’agroécologie, concentrant à elle seule 98,2% des soutiens réellement agroécologiques français. Mais sa filiale Proparco, dédiée au secteur privé, ainsi que BpiFrance, dédient la quasi-totalité de leurs financements aux agro-industries.

La France est aussi épinglée sur sa lutte contre la pauvreté – 81% des soutiens financiers engagés dans des projets agricoles n’affichent aucune volonté de réduction de la pauvreté -, sur l’intégration du genre, quasi inexistant, ainsi que sur le changement climatique – 4,7 % des soutiens financiers évoquent la question climatique- l’agriculture familiale et la nutrition.

 

[1] L’AFD et sa filiale Proparco, cinq ministères (Europe et Affaires étrangères, Economie et Finances, Agriculture et Alimentation, Education nationale, Enseignement supérieur, Recherche et Innovation) et Bpifrance.

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