El Hadji Diop de Sunuagrix “Nous sommes convaincus que la contractualisation a de nombreuses vertus”

 El Hadji Diop de Sunuagrix “Nous sommes convaincus que la contractualisation a de nombreuses vertus”
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La Fondation Farm organisait jeudi dernier son colloque annuel sur le thème “Contractualiser pour transformer : enjeux pour les agricultures africaines”. Un constat est que la contractualisation est peu répandue en Afrique ou fonctionne mal et est très souvent mise en Å“uvre dans les cultures d’exportation comme le cacao ou le coton. Rencontre avec Sunuagrix, une entreprise sénégalaise spécialisée dans l’exportation de produits tropicaux biologiques vers l’Europe et dont les producteurs sont au centre de l’entreprise. A sa tête, El Hadji Diop, qui a après avoir fait ses études en France, HEC et Sciences Po, et mené une carrière d’analyste financier durant près de 15 ans, a décidé de créer en 2016 Sunuagrix. Entretien avec El Hadji Diop accordé à CommodAfrica en marge du Forum.

 

Quelle a été votre motivation pour créer Sunuagrix ?

J’ai toujours eu une passion pour l’agriculture et pour l’aspect social de l’activité entrepreneuriale. J’ai donc trouvé que c’était un bon compromis de créer une entreprise sociale où sont mis en pratique les principes de management, d’exportation et de commerce international appliqués à l’agriculture « familiale » ou traditionnelle au Sénégal dans un modèle évolutif.

Sunuagrix est une entreprise spécialisée dans la commercialisation des produits tropicaux frais, la mangue et le citron, mais aussi des produits de saison, l’arachide, le sésame et la noix de cajou. L’idée c’est de produire en qualité et en quantité satisfaisantes pour pouvoir approvisionner les clients basés à l’étranger. Nous organisons les producteurs, nous les encadrons et les certifions bio et Globalgap et nous sommes en train de mener la certification sociale et éthique Smeta (Sedex Members Ethical Trade Audit). Nous leurs proposons un accompagnement en amont pour pouvoir satisfaire aux exigences de qualité des clients.

Vous avez démarré avec les clients ou les producteurs ?

Nous avons commencé avec les clients en les sollicitant sur leurs attentes. Mais tout de suite après nous sommes entrés en contact avec les producteurs. Nous les avons approché par localité, nous sommes présents dans la zone des Niayes et en Casamance, et nous les avons regroupé pour travailler avec eux.

Vous ne vous êtes pas tournés vers les organisations de producteurs ?

Les organisations de producteurs sont souvent très politisées et souvent le niveau de connexion entre les dirigeants et les petits producteurs n’est pas satisfaisant. Dans notre manière de travailler, il faut que la relation avec les producteurs soit maîtrisée, que la confiance s’instaure. Aujourd’hui, nous avons certifiés 56 producteurs pour la mangue, une vingtaine pour le citron. Pour l’arachide, la noix de cajou ou le sésame, nous faisons la collecte en achetant directement bord champ. Mais l’idée est d’aller progressivement vers une relation plus stable et à terme la contractualisation. Nous sommes convaincus que la contractualisation a de nombreuses vertus car cela stabilise la relation entre les producteurs et l’entreprise. Mais, c’est une démarche coûteuse et exigeante.

Quelles sont les modalités de votre contractualisation avec les producteurs ?

Nous offrons un package. Nous essayons d’aider le producteur sur ce dont il a besoin en amont pour bien produire et pour nous donner la qualité que l’on souhaite. Aujourd’hui, nous faisons des traitements bios  pour la mangue, un accompagnement technique, etc. L’idéal serait de faire aussi un accompagnement financier de sorte que l’on préfinance une partie de la production en amont que l’on récupère en aval à la date de la récolte. C’est à l’étude avec des institutions de microfinance.

Dans votre contrat de contractualisation, le prix est déterminé à l’avance ?

Non. Nous leurs assurons un prix au moins égal au prix du marché. Dans notre relation, nous sommes prioritaires mais non exclusifs. C’est à dire nous les accompagnons et à la vente soit nous achetons la production, ce qui est l’objectif, soit nous ne sommes pas en mesure d’acheter au prix que d’autres propose et nous sommes d’accord pour que le producteur cèdent sa production à des tiers. Nous ne voulons pas les empêcher de vendre mais la condition est que le producteur nous informe avant la transaction et que nous lui donnons l’autorisation. Pour l’instant, le cas ne s’est pas présenté. Car nous travaillons avec des clients qui valorisent notre démarche sociale d’encadrement et payent donc une prime.

Quel est actuellement le volume de production ?

Nous avons 176 hectares certifiés avec un volume potentiel de 1 000 tonnes pour la mangue. Nous avons démarré les exportations en 2017. L’activité tourne. L’idée maintenant c’est d’aller à l’échelle, d’accroître les volumes, de trouver de nouveaux clients et de rester sur cette exigence de qualité. Il y a aussi un volet financier. Il nous faut un certain niveau d’investissement – des centres de conditionnement, le renforcement technique, le recrutement de personnel qualifié – et nous sommes donc à la recherche de partenaires.

Vous vous positionnez sur le marché bio qui est en forte croissance, notamment en Europe ?

La demande est réelle et en croissance. Pour l’instant, elle est supérieure à nos capacités commerciales. Mais, nous ne nous sommes pas positionnés sur ce créneau juste parce que c’est un créneau commercialement intéressant mais parce que les producteurs sont plus gagnants dans le marché biologique qui représente aussi le futur.

Quel est le profil de vos producteurs ? Réussissez-vous à attirer des jeunes ?

Aujourd’hui, le profil type du propriétaire d’un verger est un père de famille de 50 ans en moyenne. Mais, très souvent les pères de famille délèguent leur fils pour la gestion du verger. En outre, dans les localités où nous intervenons, nous recrutons des jeunes qui sont nos relais locaux sur place. Et puis, la force de travail est très jeune au moment de la récolte et du conditionnement.

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