Rémy Allemane de KKO International: «Nous allons révolutionner la production de cacao » en Côte d’Ivoire

 Rémy Allemane  de KKO International: «Nous allons révolutionner la production de cacao » en Côte d’Ivoire
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Rémy Allemane, administrateur de KKO International et PDG de Solea, la filiale opérationnelle de KKO International, livre à CommodAfrica les techniques qu’il compte mettre en œuvre pour atteindre un rendement d’au moins 5 tonnes à l’hectare, contre une moyenne de 500 à 800 kilos en Côte d’Ivoire, et réaliser une production de 15 000 tonnes de fèves de qualité homogène en 2024 avec 3 000 hectares plantés en Côte d’Ivoire. KKO International ne compte pas s’arrêter là. Elle est en train de mettre en place en Équateur une filiale de recherche et de développement qui vendra  par la suite ses services et devrait investir dans d’autres pays à Madagascar et pourquoi pas sur le moyen terme en Chine, en Inde, à Cuba ….

KKO International se présente comme un producteur innovant de cacao. Pouvez-vous nous développer les techniques agronomiques que vous allez mettre en place pour atteindre un rendement de 5 tonnes à l’hectare ?

Une des techniques agricoles que nous utilisons est la fertigation. Ce n’est pas une innovation en soi car elle est pratiquée pour les arbres fruitiers ou les légumiers, par exemple. En revanche, elle n’a jamais été utilisée pour le cacao. L’idée est de donner chaque jour à la plante sa quantité d’eau nécessaire qui est déterminée de manière scientifique.  Nous calculons le taux d’évaporation.  Nous avons  une coupelle d’eau, nous mesurons combien de millimètres d’eau se sont évaporés à l’instant t, à l’endroit x et nous compensons ce qui a été évaporé. C’est calculé tous les jours. Deuxième chose importante, comme nous avons une arrivée d’eau sur chaque pied de cacao, nous allons l’utiliser  pour amener les engrais directement dans la racine de l’arbre. Nous mettons des engrais solubles et, en fonction des résultats, nous ajoutons  du P, du K, du N ou des oligoéléments. Nous faisons des prélèvements  de terre tous les deux à trois mois qui sont analysés dans notre laboratoire de pédologie sur la plantation. C’est, en quelque sorte, comme un médecin qui fait son ordonnance.

Vous utilisez la variété de cacao Mercedes développée par le Centre national de la recherche agronomique (CNRA) de Côte d’Ivoire. Quelles sont ses caractéristiques ?

Le dernier hybride Mercedes développé par le  CNRA a la particularité d’avoir une très bonne résistance aux maladies et  une très bonne tenue à  la sécheresse. Cela veut dire qu’elle peut supporter le  manque  d’eau, cela ne veut pas dire qu’elle va produire sans eau. Aux  conditions normales de pluviométrie en Côte d’Ivoire,  c’est-à-dire 1400 mm d’eau régulier par an, l’hybride Mercedes a une  productivité de 3 tonnes à l’hectare à pleine maturité (5 à 7 ans). En naturel. Si vous ajoutez des techniques comme les nôtres, et en particulier si vous irriguez votre cacao, il produira tous les jours et vous augmentez par deux le temps  de production et donc le volume de production.  Vous montez donc à 6 tonnes et, si vous le nourrissez bien, vous arrivez à plus encore.

Vous en êtes  encore au stade de test ?

Nous ne sommes pas encore en  production sur nos parcelles en Côte d’Ivoire.  Mais le cacaoyer, quand vous le nourrissez et lui donnez de l’eau tous les jours, il produit tous les jours. Ceci est vérifié, par exemple, en Amérique Sud. En Amérique du Sud, il y a 3000 mm d’eau ; il pleut tous les jours et ils récoltent toutes les deux semaines. Le cacaoyer est ainsi fait : vous lui donnez de l’eau, il produit. S’il n’a pas assez d’eau,  il fait un stress hydrique,  les fleurs tombent et il ne produit plus. C’est ce qui se passe à la saison sèche.

Vous avez également mentionné le greffage comme autre technique ?

Le greffage n’est pas trop utilisé en Côte d’Ivoire. Pourtant, il a le grand avantage de vous donner une homogénéité de votre plantation industrielle. Si vous plantez 1000 arbres et s’ils ont été greffés, vous avez 1000 arbres qui sont les mêmes avec un nombre de cabosses identique. Nous allons donc utiliser cette technique pour nos plantations et nous allons greffer aussi dès la pépinière.

La technique la plus importante, c’est le prunage.  Le prunage, c’est la taille de l’arbre. Quand vous taillez un arbre, vous lui redonné de la vigueur et de la force.  L’idée c’est de dire : laissons lui ce dont le cacaoyer a besoin, enlevons lui tout le reste pour qu’il concentre son énergie à produire des cabosses. Avec cette technique du prunage, vous renforcez la productivité de vos arbres.

Vous avez annoncé l’acquisition en cours d’une société équatorienne spécialisée dans le développement génétique du cacao qui contribuera à la création de votre filiale recherche et développement basée en Equateur. Pouvez-vous nous indiquer vos domaines de recherche ?

Trois domaines de recherches principaux vont être étudiés.  Le premier est comment aborder la problématique de l’eau. Le souci principal est la rétention de l’eau dans le sol. Aujourd’hui, il existe des techniques dans d’autres domaines, les rétenteurs d’eau, que nous pourrions appliquer au cacao. Par exemple, un rétenteur d’eau très connu est le polyacrylate de sodium utilisé dans les couches culottes comme absorbant.  Le sodium n’est pas bon pour l’agriculture, nous allons donc étudier le polyacrylate de potassium pour absorber l’eau dans la racine et la retenir. Quand vous arrosez, l’eau ne fait que passer, elle ne reste pas. Avec un rétenteur d’eau, votre besoin en eau est diminué.

Le deuxième domaine de recherche sera le développement racinaire car, pour pratiquer le greffage, il faut une racine très étendue. Nous travaillons avec la société canadienne de  biotechnologie Premier Tech, qui a développé un système appelé la mycorhization qui permet, grâce à l’introduction de petits champignons en nurserie, d’avoir un meilleur développement racinaire. Nous sommes actuellement en période de test mais les résultats sont déjà très prometteurs.

Le troisième domaine c’est la densification. Aujourd’hui,  la grande difficulté est de trouver des terres disponibles. L’idée est de produire plus sur une plus petite taille ou autant sur une taille moins grande. Les Équatoriens  ont densifié mais surtout ont trouvé une technique horticultrice pour pouvoir faire cette densification. Les Équatoriens  parviennent aujourd’hui à planter 5 000 arbres sur un hectare sans interaction.

Irrigation, mycorhization, prunage … font qu’aujourd’hui les Équatoriens peuvent produire 3 fois ce que je peux faire sur une parcelle test de 1000 hectares. Nous allons passer maintenant du mode Recherche & Développement au mode industriel. Nous démarrons cette semaine en Côte d’Ivoire, avec un ingénieur équatorien, deux parcelles test de 5 hectares, chacune avec ces techniques. Nous avons  déjà raccourci le temps de production de  30 mois à un an, la question est de savoir combien nous allons  produire. Réponse dans 24 mois. Nous allons révolutionner la production de cacao. Non seulement nous allons la révolutionner, mais nous allons aussi vendre l’expertise de notre  filiale R&D.

Vous allez vendre votre savoir-faire et/ou aussi le mettre en pratique dans d’autres pays ?

On va faire les deux. Nous n’avons pas les fonds propres suffisants pour l’instant pour  développer 10 000 hectares partout dans le monde. En revanche, démarrer une nouvelle plantation ailleurs en Afrique, oui. Nous avons choisi Madagascar pour deux raisons. D’abord, le coût de main d’œuvre est faible, les terres sont très riches et le coût de la terre n’est pas élevé. En  plus, nous avons un cacao d’excellente qualité puisqu’ils arrivent à cultiver le Criolo qui est “la Mecque” du cacao. Mais, déjà, si nous faisons le Trinitarios, cela nous ira très bien.

Vous êtes déjà en négociation à  Madagascar ?

Oui, c’est même très avancé au niveau des terres mais ujourd’hui, il nous faut des financements. Nous allons  sans doute faire appel à nos actionnaires, peut-être au marché, et à des  financiers publics, comme la Banque mondiale, la BEI, etc.

Par rapport à votre introduction en bourse réalisée en octobre dernier, vous n’avez levé que € 6,5 millions sur les 10 millions anticipés. Allez-vous réajuster votre plan de développement  en Côte d’Ivoire ?

Non. D’ici la fin de l’année, nous serons à 2 000 hectares de plantation à Bocanda.  Il nous manque, bien sur, 4 millions pour terminer notre plan en Côte d’Ivoire. Nous en sommes conscients. Nous allons tout faire pour y parvenir. Mes actionnaires me suivent. Je suis actuellement en négociation pour l’acquisition de 1000 hectares de terre à San Pedro.

À quelle échéance voyez-vous la rentabilité de votre société ?

On va rentrer en cash flow positif en 2018. Dès cette année, on devrait  réaliser environ un million de chiffre d’affaires grâce à l’igname. 

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