L’agriculture dans la tourmente des rĂ©visions de ratings de S&P mais le FIDA a son AA+

 L’agriculture dans la tourmente des rĂ©visions de ratings de S&P mais le FIDA a son AA+
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Certaines des principales Ă©conomies de la planète pourraient voir leur note de crĂ©dit abaissĂ©e ou menacĂ©e de l’Ăªtre dans les prochains mois, a expliquĂ© Ă  l’agence Reuters Roberto Sifon-Arevalo, directeur exĂ©cutif en charge des notes souveraines chez S&P Global. Il a mis en garde contre une possible deuxième vague des rĂ©visions liĂ©es Ă  la crise du coronavirus. DĂ©jĂ  en mars, l’agence de notation Fitch avait tirĂ© la sonnette d’alarme.

S&P a dĂ©jĂ  abaissĂ© les notes ou les perspectives de près de 60 pays depuis le dĂ©but de l’annĂ©e mais ce mouvement n’a que peu concernĂ© les pays les plus riches, gĂ©nĂ©ralement mieux notĂ©s. Or, les coĂ»ts colossaux liĂ©s au soutien aux systèmes de santĂ©, aux entreprises et aux salariĂ©s depuis le dĂ©but de la pandĂ©mie sont en train de dĂ©grader profondĂ©ment les finances publiques de certains pays. En un an, bon nombre d’entre eux vont voir leur ratio d’endettement (dette publique/PIB) s’envoler de 15 Ă  20 points de pourcentage, un changement qui prend habituellement quatre ou cinq ans, tout en se dirigeant vers une hausse des dĂ©penses pendant trois Ă  cinq ans encore.

“On parle des notes de l’Union europĂ©enne ou de pays très dĂ©veloppĂ©s comme le Japon ou le Royaume-Uni, ou des Etats-Unis, qui ont Ă©tĂ© capables de mettre en oeuvre des paquets de mesures budgĂ©taires et monĂ©taires massifs pour se dĂ©fendre“, explique Roberto Sifon-Arevalo Ă  Reuters.

Le Ghana pourrait Ăªtre dans le colimateur

Au total, 31 pays, soit près d’un quart du nombre total d’Ă©metteurs souverains notĂ©s par S&P, voient leur note assortie d’une perspective nĂ©gative, qui conduit dans la majoritĂ© des cas Ă  une dĂ©gradation. Parmi eux se trouvent l’Australie, pour l’instant notĂ© AAA-, l’Italie et le Mexique, notĂ©s BBB, ou l’Espagne, notĂ©e A. Et il ne faut pas exclure non plus une nouvelle vague de perspectives nĂ©gatives, dans le contexte de la rĂ©surgence de l’Ă©pidĂ©mie dans de nombreux pays.

Dans un premier temps, il s’agira d’un changement de perspective“, explique Roberto Sifon-Arevalo. “Et ensuite, il y aura ceux qui, peut-Ăªtre, s’en sortiront et retourneront Ă  des (perspectives) stables dans quelques annĂ©es. Mais il y aura ensuite ceux qui ne redeviendront pas stables et continueront de descendre l’Ă©chelle des notes.

Deux autres groupes de pays en moins bonne santĂ© sont aussi menacĂ©s: dans le premier, en AmĂ©rique latine, le Mexique et le BrĂ©sil sont sous pression, tout comme la Colombie, qui risque de basculer dans la catĂ©gorie des pays dont la dette est jugĂ©e spĂ©culative (“junk”).

L’autre groupe rĂ©unit plusieurs des pays les plus pauvres et les plus endettĂ©s du monde en Afrique sub-saharienne, et Roberto Sifon-Arevalo n’exclut pas que certains soient contraints de restructurer leur dette ou fassent dĂ©faut, comme le Ghana ou encore la Zambie ou l’Angola. La Zambie a d’ores et dĂ©jĂ  demandĂ© Ă  ses crĂ©anciers internationaux un allongement des dĂ©lais de remboursement, sa dette dĂ©passant 100% de son PIB.

On peut imaginer que quand on dĂ©pense 50 cents sur chaque dollar, peso ou quelque monnaie que l’on engrange, simplement pour payer les intĂ©rĂªts de sa dette, cela commence Ă  devenir difficile,” a dit Roberto Sifon-Arevalo.

Dans l’agriculture, le Fida vient d’Ăªtre notĂ© AA+

Début mars, S&P avait déjà abaissé la note de crédit du Nigeria de «stable» à «négative» en raison de la baisse de ses réserves de change.

Rappelons, que si, souvent, le financement de l’agriculture en Afrique ne se fait pas directement sur les marchĂ©s financiers, les liens indirects sont bien lĂ . A ce propos, le 2 octobre, le Fonds international de dĂ©veloppement agricole (FIDA) s’est  vu attribuer sa première note de crĂ©dit publique, la note AA+ (perspective stable), assortie d’une note Ă  court terme de F1+.

C’est une bonne nouvelle pour les populations rurales les plus vulnĂ©rables et les plus marginalisĂ©es au monde. En effet, cette note devrait se traduire par un accroissement des investissements en faveur de la sĂ©curitĂ© alimentaire, de l’emploi et de la croissance Ă©conomique rurale, et elle marque une Ă©tape dĂ©cisive en vue de la rĂ©alisation des objectifs de dĂ©veloppement durable”, avait soulignĂ© alors le Fida qui est le premier fonds du système des Nations Unies Ă  se voir attribuer une note de crĂ©dit publique.

Cette note Ă©levĂ©e tombe Ă  point nommĂ©, car les rĂ©percussions de la Covid-19 menacent aujourd’hui de faire sombrer des millions de personnes dans la faim et la pauvretĂ©. GrĂ¢ce Ă  cette note, le Fida pourra consolider et diversifier sa base de ressources, tout en renforçant la rĂ©silience mondiale face aux chocs futurs“, a dĂ©clarĂ© Gilbert F. Houngbo, prĂ©sident du FIDA.

Les projets et les programmes appuyĂ©s par le FIDA sont financĂ©s grĂ¢ce aux contributions de ses 177 États membres, au produit des placements, aux remboursements des prĂªts, ainsi qu’aux cofinancements Ă©manant d’autres sources.

Alors que l’aide publique au développement marque le pas depuis quelques années, le FIDA examine de nouveaux modèles de financement pour doubler son impact en matière de réduction de la pauvreté et de la faim d’ici à 2030 et s’adapter à l’évolution des besoins des pays emprunteurs.

Pour rĂ©pondre aux besoins de tous ses États membres, le Fida doit disposer d’une assise financière diversifiĂ©e, plus large et plus prĂ©visible, afin d’élargir son offre financière dans l’intĂ©rĂªt des pays emprunteurs“, a expliquĂ© Gilbert Houngbo. “Cette note de crĂ©dit nous confĂ©rera une plus grande latitude pour nouer des partenariats, notamment avec le secteur privĂ© ainsi qu’avec les banques publiques de dĂ©veloppement, avec lesquelles nous travaillerons de concert lors du sommet Finance en commun, en novembre. Elle nous donnera Ă©galement les moyens de mettre au mieux Ă  profit les fonds publics que nous recevons, afin de maximiser l’appui du FIDA aux personnes les plus pauvres et les plus dĂ©munies.”

Un paysage financier agricole en pleine recomposition

Comme le soulignaient dĂ©jĂ  en 2016 les chercheurs spĂ©cialisĂ©s Vincent Ribier et Jean-Jacques Gabas*, “Le paysage institutionnel du financement de l’agriculture est en cours de recomposition, avec la multiplication et la diversification des acteurs, ainsi que l’imbrication croissante des financements publics et privĂ©s. La volontĂ© d’attirer de nouveaux opĂ©rateurs privĂ©s se traduit par la mise en place de montages financiers oĂ¹ les fonds publics sont censĂ©s jouer un effet de levier.

Et de poursuivre : “Les bailleurs de fonds traditionnels du ComitĂ© d’aide au dĂ©veloppement de l’Organisation de coopĂ©ration et de dĂ©veloppement Ă©conomiques (CAD/OCDE), soumis Ă  des contraintes budgĂ©taires, voient baisser leur importance relative dans le financement de l’agriculture au profit de nouveaux acteurs : fondations privĂ©es (type Gates, Danone Écosystème), nouveaux fonds portĂ©s par des entreprises privĂ©es (livelihoods fund), acteurs venant des pays Ă©mergents (Chine, Inde, BrĂ©sil notamment), fonds d’investissements privĂ©s qui se positionnent sur le secteur agricole suite Ă  la crise financière de 2007–2008 (Afrique contemporaine, 2011), fonds de garantie. Sans oublier les fonds issus de la diaspora, ceux venant des exploitants agricoles eux-mĂªmes ainsi que les financements en provenance du secteur bancaire. Cette recomposition est particulièrement perceptible sur le continent africain.”

L’agriculture risque de paye run lourd tribut aux rĂ©visions de notations, d’une façon ou d’une autre.

 

* ” Vers une accentuation des disparitĂ©s dans le financement de l’agriculture en Afrique de l’Ouest ?” , Cahiers Agricultures, novembre-dĂ©cembre 2016, https://www.cahiersagricultures.fr/articles/cagri/full_html/2016/06/cagr…

 

 

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