Le Sommet de l’Onu sur les systèmes alimentaires parviendra-t-il vraiment à repenser le système?

 Le Sommet de l’Onu sur les systèmes alimentaires parviendra-t-il vraiment à repenser le système?
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La planète s’active à quelques encablures de l’ouverture, jeudi, du tout premier Sommet des Nations unies sur les systèmes alimentaires –« Sommet des peuples »-  qui se tiendra virtuellement à New York. Les petits agriculteurs veulent faire entendre leur voix et ce d’autant plus qu’un grand nombre, notamment en Afrique de l’Ouest, demeure optimistes mais lucides sur l’agriculture comme avenir pour leurs enfants. C’est pourquoi 3 500 agriculteurs du Burkina Faso, Ghana, Tanzanie et Ouganda font entendre leurs voix à l’antenne aujourd’hui, une opération organisée par Radios Rurales Internationales qui s’est associée au Fonds international de développement agricole (Fida), à Vision Mondiale Canada et au Groupe de réflexion sur la sécurité alimentaire.

Mais l’auront-ils vraiment cette parole ? Et surtout, dans quelle mesure la communauté internationale est-elle prête à remettre en cause des certitudes pour pouvoir réfléchir pleinement à des voies et à des solutions totalement nouvelles ? (cf. Isabelle Durant : la 15ème Conférence de la Cnuced est le moment pour faire bouger les lignes à l’ONU).

Certains en doutent et ce, depuis le jour même où ce Sommet a été porté sur les fonts baptismaux. Rappelons qu’en décembre 2019, le secrétaire général de l’Onu António Guterres a nommé Agnès Kalibata, présidente de l’Alliance pour une révolution verte en Afrique (Agra) créée en 2006 par Bill & Melinda Gates et la fondation Rockefeller, comme Envoyée spéciale du Sommet. La réplique n’a pas tardé. Dès février 2020, un appel de 176 organisations de 83 pays était envoyé à António Guterres lui demandant de révoquer Agnès Kalibata. Les signataires dénonçaient, entre autres, le parti pris d’Agra en faveur de l’agro-industrie et au détriment des petits agriculteurs. Le 7 septembre dernier, l’Alliance pour la souveraineté alimentaire en Afrique (AFSA), allait plus loin. Revendiquant comme membres quelque 200 millions petits producteurs alimentaires et 160 organisations internationales de 40 pays, elle publiait une lettre ouverte appelant les donateurs à cesser de financer Agra.

Ce mouvement contestataire s’appuie sur diverses études. On peut citer notamment Timothy Wise, chercheur à l’Institute for Agriculture & Trade Policy (IATP) et à Tuft University, qui a tenté de mesurer l’impact du travail d’Agra, soulignant qu’il n’y a pas de résultat tangible sur les rendements agricoles, le nombre de personnes dénutris ou encore l’amélioration des revenus des petits producteurs au cours des seize dernières années. Aujourd’hui encore est paru un article dans Social Europe sous la plume de l’économiste indienne Jayati Ghosh qui reprend des arguments similaires.

Alors, bien entendu, ce type de Sommet engendre toujours des détracteurs et critiques. Ils ont leur rôle à jouer et leur place à tenir. Mais dans un monde notamment économique où les fondements même -le libéralisme- sont de plus en plus remis en question, on peut se demander à juste titre si l’Onu n’aurait pas pu ou dû faire preuve de plus d’originalité, de réflexion, dans ses choix pour conduire le Sommet.

On se le demande d’autant plus que la pertinence d’études et documents de référence tel que le fameux rapport annuel de la Banque mondiale, Doing Business, est aujourd’hui remis en cause par l’institution même qui l’avait hissé comme étant l’aune absolu de la réussite économique des pays. Or, jeudi, « la direction du Groupe de la Banque mondiale a pris la décision de mettre un terme à la publication du rapport « Doing Business », en raison d’irrégularités, de questions d’éthique, etc. Elément intéressant, la Banque s’est crue obligée de réaffirmer dans son communiqué qu’elle « reste fermement déterminée à promouvoir le rôle du secteur privé dans le développement ». Affaire à suivre….

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