+1% de la température = +11% de risques de conflits en Afrique

 +1% de la température = +11% de risques de conflits en Afrique
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« Le changement climatique est le problème déterminant de notre époque », selon António Guterres, secrétaire général de l’ONU, alors que s’ouvre aujourd’hui à New York sa 77ème Assemblée générale qui se poursuivra jusqu’au 26 septembre. « Et je suis extrêmement inquiet car avec la guerre en Ukraine et plusieurs autres événements, le changement climatique semble être sorti des priorités de nombreux décideurs à travers le monde. Et c’est un suicide. », a-t-il déclaré la semaine dernière à ONU Info.

Un suicide notamment pour l’Afrique et en particulier pour le Sahel. En effet, le Niger, le Mali et le Tchad figurent parmi les sept pays les plus vulnérables au changement climatique dans le monde et leur capacité d’adaptation est fortement limitée par la pauvreté et la fragilité, lit-on dans le Rapport national sur le climat et le développement (CCDR, en anglais) pour les pays du G5 Sahel, publié en juin par la Banque mondiale. Les experts, auteurs du rapport, estiment que jusqu’à 13,5 millions de personnes supplémentaires pourraient basculer dans la pauvreté à travers la sous-région d’ici 2050, du fait des chocs liés au changement climatique, si des mesures urgentes en matière d’adaptation ne sont pas mises en place.

« L’analyse indique que le changement climatique renforce les cycles de pauvreté, de fragilité, et de vulnérabilité dans le Sahel », souligne Ousmane Diagana, vice-président de la Banque mondiale pour l’Afrique de l’Ouest et centrale. « Avec une population qui devrait doubler au cours des 20 prochaines années pour atteindre 160 millions de personnes, les pays du Sahel doivent accélérer leur croissance et prioriser l’adaptation climatique s’ils veulent concrétiser le dividende démographique et mettre la région sur la voie d’une croissance durable et inclusive. »

Les émissions combinées des pays du G5 Sahel ne dépassent pas 1 % des émissions globales de gaz à effet de serre et ces cinq pays se sont engagés à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050.

Par ailleurs, lors de la COP 26 à Glasgow, le Burkina Faso, le Mali, le Niger et le Tchad ont pris l’engagement de stopper et inverser la déforestation et la dégradation des terres d’ici 2030. Les Contributions déterminées au niveau national (CDN) dans le cadre de l’Accord de Paris ainsi que les estimations du CCDR indiquent que les besoins de financement des pays du G5 Sahel en matière d’actions climatiques se chiffrent à plus de $30 milliards.  

« Ce rapport fournit une feuille de route pour aider les pays à accélérer les réformes et les investissements afin de diversifier leurs économies et les rendre plus résilientes et plus inclusives. Il propose des démarches pour les reverdir en restaurant les terres dégradées et stimulant les opportunités économiques pour les communautés, par le biais de programmes tel que l’initiative de la Grande muraille verte », explique Clara de Sousa, directrice des opérations de la Banque mondiale pour le Burkina Faso, le Mali, le Niger et le Tchad.

Pour atténuer l’impact de cette crise et aider le secteur agricole à développer sa résilience climatique à moyen terme, il faut professionnaliser les agriculteurs, réformer les politiques foncières et renforcer les droits fonciers formels, libéraliser l’approvisionnement en engrais et favoriser une distribution efficace par le secteur privé, proposent les auteurs.

Le FAD de la BAD peut aider

Le réchauffement climatique a aussi été au coeur du discours du patron de la Banque africaine de développement (BAD), Akinwumi A. Adesina, vendredi, lors de la troisième réunion pour la 16e reconstitution des ressources du Fonds africain de développement, le FAD-16, qui s’est tenue à Dakar. Il a rappelé, lui aussi, que le continent africain se réchauffe plus rapidement que toute autre région du monde, a rappelé.

Selon les estimations de la BAD, les pertes de PIB par habitant pourraient atteindre entre 16 % et 64 % dans un scénario de réchauffement élevé. S’agissant plus précisément de l’agriculture, on assistera à des pertes dévastatrices de récoltes, la décimation des cheptels et des moyens de subsistance des éleveurs, entre autres, a expliqué le président de l’institution.

« La hausse d’un degré de la température est également associée à une augmentation du risque de conflit de 11 % en Afrique, en raison des catastrophes et des conflits liés aux conditions météorologiques que cela va déclencher. Le changement climatique a déjà provoqué le déplacement de 4,3 millions d’Africains », a-t-il déclaré dans son discours.

Et le président de la BAD de lancer un nouvel appel à fonds car « l’Afrique ne dispose pas des ressources nécessaires pour lutter contre le changement climatique. L’architecture actuelle du financement climatique ne répond pas aux besoins de l’Afrique. » Et de poursuivre en rappelant, comme d’autres, pour la ènième fois  : « Le continent ne reçoit que 3 % du financement mondial pour le climat. Si cette tendance se poursuit, le déficit de financement climatique de l’Afrique atteindra $100 à $ 127 milliards par an d’ici 2030. » « L’engagement pris par les pays développés de fournir $ 100 milliards par an en financement climatique pour les pays en développement n’a que trop tardé à se concrétiser. »

Le FAD-16 a pleinement son rôle à jouer, estime-t-il. « Le guichet de financement de l’action climatique du FAD-16 changera clairement la donne pour ces pays du FAD », a poursuivi Akinwumi A. Adesina. « Ce guichet espère mobiliser entre $ 4 et 13 milliards pour le financement de la lutte contre le changement climatique dans les pays du FAD, avec une certaine flexibilité dans le temps. »

« Cette somme sera utilisée pour aider 20 millions d’agriculteurs à accéder à des technologies agricoles résilientes au changement climatique, mettre en place une assurance récolte indexée sur le climat pour 20 millions d’agriculteurs et d’éleveurs, restaurer un million d’hectares de terres dégradées, et approvisionner en énergie renouvelable 9,5 millions de personnes environ. »

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