Avant que la vanille ne s’écroule, Madagascar prend des mesures

 Avant que la vanille ne s’écroule, Madagascar prend des mesures
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La vanille continue à flamber mais pour combien de temps encore ? La noire non fendue de Madagascar, est passée de $ 95 le kilo début 2015 à $ 220 actuellement. Elle était à $ 36 début 2014 et a longtemps stagné à $ 25 en 2012…

Le marché est donc dans sa quatrième année de hausse. Ces 15 derniers mois, elle a pris plus de 115% car l'offre a du mal à satisfaire une demande en plein essor. Le "naturel" sonne doux aux oreilles des consommateurs, incitant les multinationales de l'agroalimentaire, comme Nestlé ou encore Whole Foods Market,  à s'engouffrer dans la brèche, proposant toujours davantage d'arômes naturels dans leurs produits. A ceci se greffent les opérations de blanchiment d'argent provenant du commerce du bois de rose entre Madagascar et la Chine, gonflant artificiellement la demande en vanille de la Grande Ile (lire nos informations).

Ceci dit, après des années de désintérêt manifeste pour la vanille en raison de ses faibles cours internationaux, la redynamisation des prix a bousculé les cartes. La hausse des cours fait apparaître et réapparaître des acteurs sur la scène mondiale de la vanille. Car à $ 20 le kilo, il n'y avait guère que Madagascar qui pouvait produire étant donné la faiblesse de ses salaires journaliers, à quelque $ 1,50. Mais à $ 200, la situation est toute autre.

Montée en puissance

L'Inde a beaucoup planté depuis 2014. Comme la vanille prend 3 ans à produire, on s'attend à une forte hausse de l'offre indienne en 2017, ce qui devrait peser sur les prix : d'environ 100 t en 2016, sa production pourrait passer à 200-250 t en 2017 avec un potentiel de 400 t en 2018. L'Indonésie ne cesse d'affirmer son rang. Dès 2015, 300 t ont été exportées vers les seuls Etats-Unis et il faut y ajouter les volumes destinés à l'Europe et aux autres marchés. Saisissant les opportunités liées à la hausse des cours, le pays a développé sa production mais les volumes précis sont difficiles à estimer car de la vanille de Papouasie Nouvelle Guinée transite par l'Indonésie.

La Papouasie Nouvelle-Guinée qui pourrait atteindre 150 t cette année. "Avec son arôme unique et son profil odorant, la vanille de Papouasie Nouvelle Guinée a repris la part du marché gastronomique (gousses de vanille noires) de Madagascar et continuera de le faire en 2016", estime le spécialiste canadien Aust & Hachmann, d’autant que son prix est largement inférieur à la vanille malgache. "La demande pour la vanille de type extraction de Papouasie Nouvelle Guinée est encore très limitée en raison de l’incertitude d’approvisionnement à long terme."

En revanche, l'Ouganda plafonnerait à 100 -125 t, avec une filière peu structurée. "L’Ouganda n’a pas réagi assez rapidement au revirement du marché de la vanille au cours des 3 dernières années", souligne encore le spécialiste canadien. Il devrait voir l'Inde lui ravir son rang de 3ème mondial de la vanille derrière l'Indonésie et Madagascar.

Madagascar parviendra-t-elle à redresser le cap ?

Certains estiment que Madagascar courre à la catastrophe. "L’emprise toujours redoutable de Madagascar sur le marché diminue au fur et à mesure que les nouvelles plantations de vanille portent leurs fruits. Cela deviendra encore plus apparent en 2016 et possiblement plus flagrant en 2017", selon Aust & Hachmann. En outre, les producteurs malgaches, craignant de se faire voler leur récolte et voulant profiter des prix élevés, se précipitent à récolter des gousses encore vertes et les conditionnant sous vide, sans les préparer ni les sécher correctement. "Quand un kilo de gousses de vanille verte se vend en moyenne  pour à peu près le salaire d’une semaine durant la dernière saison  et possiblement pour le double cette année, la tentation de voler dans un des pays les plus pauvres au monde, est tout simplement trop grande", constate l'opérateur. De la vanille pas encore arrivée à maturité, qui est acheminée en Inde, entre autres, pour finir d'être préparée et conditionnée. L'Inde est en train de prendre une longueur d'avance sur ce qui est encore le leader mondial de la vanille…

Cette vanille malgache  (17% du PIB), expédiée trop tôt dans son processus naturel de maturation, a un taux de vanilline trop faible, obligeant les industriels à en acheter davantage et suscitant leur mécontentement au vu des prix unitaires élevés. Ce qui d’une part accroit donc sensiblement la demande, alors qu’une vanille récoltée immature affecte la quantité de l’offre de vanille exportable. (1kg vanille verte mature donne 200gr de vanille sèche, alors qu’1 kg de vanille immature donne 125gr, soit 40% de moins !) Face à cela, les autorités malgaches ont pris des mesures. En décembre dernier, une Plateforme nationale de la vanille a été créée, regroupant des représentants du gouvernement et de l'industrie ; 100 000 planteurs devaient être recensés, ainsi que les collecteurs et exportateurs. Le mois dernier, le gouvernement a bloqué l'exportation de vanille immature, interdisant l'exportation sous vide et augmentant les contrôles. Des centaines de kilo de vanille cueillie verte auraient été brulées, ce qui ne s'était plus vu depuis l'élimination des systèmes de quotas il y a 25 ans. D’autant que le marché a drastiquement changé, de nouveaux acteurs, traders spéculateurs n’ayant aucune connaissance du produit mais ayant fait fortune avec la hausse des prix ont fait surface ces trois dernières années. Certains industriels ayant souhaité avoir une présence locale se sont retrouvés pris à leur propre piège. Leurs besoins locaux en vanille verte étant conséquents, et l’offre de celle ci limitée dans le temps (45 jours de fin juin à mi août) fait inexorablement monter le prix, artificiellement gonflé par les spéculateurs, obligatoirement suivi par d’autres industriels ayant crainte de se retrouver à court de produit…

Il faut faire vite car la tendance haussière des cours internationaux pourrait ne pas durer. "Les prix sont aujourd'hui arrivés artificiellement à un sommet", déclare un opérateur international à CommodAfrica, qui annonce "un scandale plus grand encore {que le bois de rose, Ndlr.} risque bientôt de sortir, qui pourrait faire éclater la bulle, sauf qu'on ne sait pas si ce sera bien ou pas pour la filière…. Donc tout le monde se tait pour le moment."

La récolte à Madagascar cette année devrait être en forte hausse, si la vanille est cueillie mature, non seulement parce que les prix sont incitatifs mais aussi par ce qu'on est dans l'année haute du cycle bisannuel de la plante. Le ministre du Commerce de Madagascar estime que sa production nationale pourrait atteindre 1 800 à 2 000 tonnes (t) contre 1 200 à 1 600 l'année dernière.

D'autre part, il existe aujourd'hui des arômes naturels de vanille et des composés "qui offre aux utilisateurs d’extraits de vanille des options qui n’existaient pas il y a 15 ans", en 2001-2004, lors de la dernière crise sur le marché de la vanille. Le torchon brule….

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