Dalada Ferdjani « Aujourd’hui, le problème crucial des transformateurs de cajou c’est l’accès au financement »

 Dalada Ferdjani « Aujourd’hui, le problème crucial des transformateurs de cajou c’est l’accès au financement »
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La filière cajou ouest-africaine est aujourd’hui dans la tourmente suite à l’effondrement des prix de la noix de cajou. La baisse des prix touche directement les producteurs mais qu’en est-il des transformateurs ? Interview de Dalada Ferdjani, présidente de FMA Industry SA. Créée en 2015, l’entreprise est spécialisée dans la transformation de la noix de cajou avec une usine d’une capacité de 10 000 tonnes située à Korhogo dans le nord de la Côte d’Ivoire. Elle a démarré ses activités en 2016.

Comment jugez-vous la politique en faveur de la transformation de la noix de cajou menée par la Côte d’Ivoire, notamment l’instauration d’une taxe sur les exportations et l’exigence pour les exportateurs de réserver 15% des volumes aux transformateurs locaux ?

Cette mesure de réservation, elle a été prise suite à la difficulté des transformateurs à s’approvisionner en 2017. Si on prend le cas de FMA Industry nous avions les financements mais nous ne pouvions pas acheter la noix car tous nos fournisseurs étaient préfinancés par les acheteurs asiatiques. D’ou l’idée de mettre en place cette mesure. Et puis c’était l’année de la forte spéculation aussi avec l’envolée des prix. Il fallait mettre un premium pour acheter. Nous avons acheté en moyenne à FCFA 930 le kilo en 2017. Ce n’était pas viable.

Cette mesure a été appliquée en début de campagne 2018. Mais les prix bord champs de la noix brute se sont effondrés et finalement l’approvisionnement n’était plus un problème, la mesure n’était plus opportune, plus efficace. Elle était arrivée trop tard et d’ailleurs n’a pas été reconduite cette année.

Quelle politique d’accompagnement attendez-vous ?

Les difficultés, elles existent. Nous avons subi les années noires 2016 et 2017 et même avec la baisse des prix bord champ de la matière première aujourd’hui le problème crucial des transformateurs c’est l’accès au financement.

Ce n’était pas un problème en 2017/18 mais cela l’a été en 2019 ?

Les banques ne comprennent pas le fonctionnement des industries de la transformation. L’année dernière, il y avait déjà cette mesure d’appui du gouvernement qui offrait une garantie de 25% sur les lignes que les banques offraient aux transformateurs. Malgré cela certains n’ont pas pu lever des fonds. La mesure a été reconduite cette année. L’Etat a fait un audit de toutes les unités qui existent pour pouvoir choisir celles qu’il va accompagner. Une quinzaine de société ont été sélectionnées dont FMA Industrie.

En dépit de cette mesure, vous avez des difficultés à accéder au financement ?

Oui. Jusqu’à présent, les lignes de financement ne nous ont pas permis d’acheter toute la noix brute dont nous avions besoin. Nous n’avons jamais dépassé les 4 000 tonnes. Notre objectif cette année est d’atteindre les 7 500 tonnes, qui est notre seuil de rentabilité.

Est-ce en partie en raison de la crise cacaoyère qui a affecté le système bancaire ?

C’est combiné. Il y a aussi un manque de compréhension de la part des banques du processsus de transformation de l’anacarde. On nous compare toujours aux traders de noix brutes de cajou alors que nous avons une activité industrielle et l’offre de financement est calquée sur le trade donc ce n’est pas adapté au cycle de notre activité. Nous avons des cycles plus lents et plus complexes.

En outre, les transformateurs africains ne représentent que 2% de l’offre mondiale d’amande de cajou. Nous demandons donc aussi au gouvernement d’avoir une politique de promotion du produit africain. Aujourd’hui, la référence pour les clients c’est le Vietnam, par habitude et pour la taille de leur offre. Comme c’est le leader, il est le plus compétitif et nous sommes obligés de nous aligner sur lui.

Souhaitez-vous la création d’un label pour la noix de cajou africaine ?

Oui. On sait que notre qualité est bien meilleure que celle du Vietnam. Ce n’est que maintenant qu’ils commencent à travailler sur la qualité du produit. Notre avantage est aussi que nous avons la traçabilité du produit et la proximité de l’Europe. En une semaine quand on quitte Abidjan, le conteneur arrive au port d’Anvers alors que pour le Vietnam c’est deux mois.

Nous sommes pour l’instant un marché de niche pour nos clients. Mais la demande est croissante. En revanche, nous n’avons pas accès à certains marchés, comme les supermarchés, car nous n’avons pas les volumes suffisants.

Existe-t-il une concurrence entre les différents transformateurs en Côte d’Ivoire ?

Non pas du tout. Au contraire. Aujourd’hui, nous avons plus de demandes de ce que nous pouvons offrir.

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