Le triplement du commerce agricole interafricain d’ici 2025 semble être une utopie

 Le triplement du  commerce agricole  interafricain d’ici 2025 semble être une utopie
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Le secteur agricole en Afrique, et son commerce,  est essentiel pour son développement et sa sécurité alimentaire mais fait toujours face à des problèmes structurels – faible productivité, recherche insuffisante, manque d’intrants, faiblesse des infrastructures, mesures non tarifaires couteuses, etc.- et à des chocs exogènes. Quelle a été l’évolution  du commerce agricole en Afrique en 2020, année de la pandémie de la Covid-19 et du lancement de la zone de libre échange continental ? Réponses dans l’Agriculture Trade Monitor 2021 (AATM), publication conjointe de l’Akademiya2063 et de l’International Food Policy Research Institue (IFRI). Cette année le rapport dédie un chapitre au secteur de l’élevage et se penche sur l’intégration commerciale dans l’Union du Maghreb arabe (UMA). Nous reprenons ci-dessous quelques résultats du rapport.

Le commerce informel très touché par la pandémie de la Covid-19

Les mesures prises pour limiter la Covid-19, notamment les restrictions de mouvement et les fermetures des frontières, ont affecté le commerce agricole souvent informel des petites exploitations, un commerce important en terme de revenus et pour la sécurité alimentaire régionale. Dans de nombreux pays africains, le commerce transfrontalier des particuliers a été interdit en 2020, tandis que le commerce transfrontalier par camions a été ralenti par des contrôles sanitaires et des couvre-feux qui ont entrainé un gaspillage important de produits alimentaires frais.

Par exemple au Sénégal, si la chaine moderne intégrée verticalement  du secteur des fruits et légumes frais et tournée vers l’exportation a été peu touchée par la pandémie, en revanche, les  opérations des petites entreprises travaillant pour le marché intérieur ont été très affectées. En Ouganda, le commerce informel a chuté de 78 % en 2020 par rapport à 2019, tandis que le commerce formel n’a diminué que de 16 %. En Afrique de l’Ouest, le commerce enregistré par le Comité Inter-États de Lutte contre la Sècheresse au Sahel (CILSS) entre avril et septembre 2020 était inférieur de 85 % à la même période en 2018.

Stabilité de la participation de l’Afrique aux exportations mondiales

Si l’Afrique a incontestablement diversifié ses partenaires au cours des dix dernières années avec une part de plus en plus importante des pays émergents au détriment de l’Europe et des Etats-Unis, sa participation aux exportations mondiales est globalement  stable pour les huit  principaux secteurs étudiés dans le rapport (voir graphique ci-dessous).

Pour une trentaine de produits, dont pour les plus importants, les noix de cajou, le cacao, la kola, la vanille, le sésame, les chameaux vivants, les clous de girofle, etc., l’Afrique domine le marché mondial.  Les  succès du continent s’illustrent  ces dernières années dans les cultures de rente, comme le café, le cacao, le coton ou le thé et dans les produits de niche avec la noix de cajou, la cola, la vanille, les graines de sésame, le caroube, etc.   Mais ces produits sont en grande majorité non transformés, ou semi transformés, comme pour le cacao,  et ils ne représentent qu’un faible pourcentage des exportations de l’Afrique.

De plus, au niveau mondial, ce sont de petits marchés. En moyenne, sur 2017-2019,  les exportations mondiales annuelles de cs 30 produits valaient moins de $1,2 milliard.  En comparaison, le marché mondial des graines de soja valait près de $63 milliards en 2017-2019. De même, l’Afrique dispose d’un avantage comparatif important dans le fonio, mais les exportations mondiales de cette céréale ne se sont élevées en moyenne que de $527 millions par an sur 2017-2019, alors que les exportations mondiales de blé et de méteil s’élevaient à $38 milliards.

Des pays peu diversifiés

Dans l’ensemble, les pays africains sont majoritairement peu diversifiés, leurs exportations étant concentrées sur des produits de base standard, pour lesquels de nombreux pays sont compétitifs. Néanmoins, au fil du temps, les pays sont passés de l’exportation de produits standards  (ndrl : produits pour lesquels de nombreux pays sont compétitifs)  à l’exportation de produits exclusifs (ndrl : produits pour lesquels un petit nombre de pays sont compétitifs). .

L’Afrique du Sud et l’Egypte sont les deux pays africains avec un indice de diversification relativement élevé qui les place dans le même quadrant que la Chine, les pays européens comme la France, l’Allemagne et le Pays-Bas et Etats-Unis, observe le rapport.

Sécurité alimentaire et commerce agricole

Le commerce agricole en Afrique est aussi mesuré par sa contribution à la sécurité alimentaire à travers le contenu calorique (calorie par personne et par jour) des exportations et des importations. Seulement cinq Africains – Maurice, Côte d’Ivoire, Zambie, Malawi, et l’Ouganda – ont une balance commerciale positive en calories. Les 47 autres pays doivent importer des calories, et parmi eux, Djibouti a le plus grand déficit calorique par personne.  Au niveau mondial, les pays qui ont le plus grand excédent calorique sont l’Argentine, la Malaisie et le Paraguay. En terme de teneur en eau intégrée (eau virtuelle) des produits échangés (la quantité d’eau nécessaire pour produire un bien), de nombreux pays africains qui étaient principalement des exportateurs nets d’eau en 1986 étaient devenus importateurs nets d’eau d’ici 2010.

Un commerce agricole interafricain encore convalescent

L’Afrique ne fournit aujourd’hui moins de 20% de la demande continentale d’importations agricoles !  Au niveau continental,  la part des importations intra-africaines dans les importations africaines totales est faible pour les céréales, mais élevée pour les tomates et les agrumes.

Le commerce agricole interafricain peine encore à se remettre de la forte baisse subie de 2013 à 2016, observe le rapport. Si la reprise a été  enclenchée en 2017, la baisse s’est poursuivie en 2018 et, un peu plus lentement, en 2019. Une baisse attribuable en grande partie à l’affaiblissement des échanges des produits primaires. Ainsi, « le commerce agricole intra-africain total reste inférieur au niveau de 2014, et il semble peu probable que l’Afrique atteigne son objectif de tripler ce commerce d’ici 2025 » affirme le rapport.

Toutefois, et c’est une orientation positive, le commerce agricole interafricain se déplace des produits primaires vers les produits semi-ou entièrement transformés. Une évolution à mettre en parallèle avec la croissance  de la classe moyenne suggérant que les marchés africains sont plus attrayants.

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