Jeremy Knops « Nous abordons la durabilité comme un moyen d’améliorer la compétitivité des entreprises »

 Jeremy Knops « Nous abordons la durabilité comme un moyen d’améliorer la compétitivité des entreprises »
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Jeremy Knops, ingénieur de gestion et d’économie, est depuis le mois de juin le nouveau délégué général du COLEACP. Il répond aux questions de CommodAfrica sur ses priorités, les nouvelles donnes en Afrique, les jeunes et l’agriculture, le renforcement des normes sanitaires et phytosanitaires, les exigences environnementales.

 

Vous venez de prendre la direction du COLEACP. Quelles sont vos priorités ?

La nouvelle signature de l’association « Growing People » reflète nos priorités selon lesquelles le changement obligatoire, et en cours, du modèle agricole et alimentaire mondial au vu des urgences environnementales, sociales et économiques doit passer par le renforcement des capacités à grande échelle et continu. Et ceci, pour les générations actuelles et futures de tous les acteurs du système agroalimentaire.

Le COLEACP est une association d’entreprises et d’experts engagés pour une agriculture durable dans les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) et en Afrique subsaharienne en particulier, qui doit devenir la locomotive d’un modèle différent pour être à la hauteur de ses potentialités.

Nos priorités peuvent se résumer à créer les conditions nécessaires et suffisantes pour que chaque partie prenante du réseau de notre association soit impliquée de manière sincère et performante dans la poursuite de cette mission, de manière individuelle et collective.

 

La nouvelle donne continentale, avec la zone économique de libre-échange africaine, la priorité donnée à l’agriculture et la montée en puissance des nouvelles technologies, des marchés intérieur/régional où se développe une classe moyenne et de nouvelles habitudes alimentaires, modifient-elles le cas échéant le travail et la mission du COLEACP ?

La mission du COLEACP est développer un commerce de produits agricoles et alimentaires (fruits, légumes en particulier), inclusif et durable, prioritairement dans les Etats ACP et entre ces pays et l’Union européenne.

L’évolution de notre mission, qui inclut le développement d’un commerce durable et inclusif sur les marchés locaux et régionaux, reflète la nouvelle réalité socio-économique de nos membres des pays ACP et européens. Aujourd’hui, notre action dans près de 50 pays ACP via les programmes financés par nos bailleurs de fonds (UE, AfD, OMC) couvre aussi bien les flux de fruits et légumes destinés à être commercialisés sur les marchés locaux et régionaux que sur le marché européen.

Ce sont les PME agro-alimentaires exportant déjà qui sont les mieux placées pour tirer profit de ces nouvelles opportunités de marchés. L’un de nos défis est de faire en sorte qu’elles le restent face la pression concurrentielle de l’industrie agro-alimentaire mondiale.

L’autre enjeu majeur est de s’assurer que les filières d’exportation de fruits et légumes jouent pleinement leur rôle de vecteur de dissémination et de modernisation des secteurs agro-alimentaires de leurs pays respectifs. A ce titre, il est difficilement concevable que le niveau de qualité sanitaire des produits destinés à une consommation locale ne respecte pas le même niveau d’exigence que celui des marchés d’exportation. Ou que l’accès à de nouvelles technologies améliorant l’efficience et réduisant la pénibilité du travail soit uniquement garanti aux PME liées à ces mêmes marchés.

 

Comment abordez-vous les questions de plus en plus présentes de la durabilité et de l’environnement ?

Nous abordons la durabilité comme un moyen d’améliorer la compétitivité des entreprises.

Notre approche de la durabilité est intégrée de façon transversale à toutes nos activités au service de l’amélioration continue des entreprises. Elle se concentre sur l’analyse de la compétitivité afin que l’adoption de pratiques durables non seulement facilite l’accès au marché, mais aide réellement les PME des pays ACP à être plus efficientes, rentables et résilientes face notamment aux multiples conséquences du changement climatique dont elles sont injustement les premières victimes.

D’un point de vue opérationnel, chaque acteur qui souhaite rejoindre notre association doit s’engager via notre « Charte de durabilité » qui couvre les dimensions sociales, environnementales et économiques liées à la production et à la commercialisation de fruits et légumes. Ensuite, l’entreprise effectue un diagnostic selon les 3 piliers de la durabilité via notre système d’auto-évaluation. Entre la préservation de la biodiversité, la gestion des sols, de l’eau, des déchets et des stratégies de gestion de ses sources d’énergie en vue de minimiser son empreinte carbone, les priorités des entreprises doivent être clairement définies en fonction de leurs écosystèmes, filières et stratégies de développement afin d’obtenir rapidement des résultats tangibles et provoquer un effet d’entraînement sur les autres démarches à entreprendre.

 

Comment attirer les jeunes dans l’agriculture ?

Une agriculture différente de demain dans les pays ACP doit être moderne, performante, durable et rentable pour attirer les nouvelles générations. Et ces dernières doivent être outillées au mieux pour disposer des compétences requises pour exercer les métiers recherchés avec professionnalisme.

Aujourd’hui notre préoccupation est donc double. D’une part, nous voulons continuer à préparer les jeunes afin qu’ils soient en mesure de tirer bénéfice des opportunités qui, immanquablement, se présentent avec le développement du secteur agro-alimentaire dans les pays ACP. D’autre part, nous voulons contribuer à revoir en profondeur et de manière systémique le modèle de développement agro-alimentaire pour le rendre « véritablement » attractif. Des perspectives d’évolution professionnelle au sein des PME doivent exister, ce qui sous-entend la mise en place de politiques performantes de gestion des ressources humaines. Mais aussi et surtout, des rémunérations justes, correspondant aux besoins pour vivre, de se projeter et non plus uniquement survivre, sont indispensables.

 

Les pays ACP ont-ils les moyens – humains/financiers – de s’adapter au renforcement des normes sanitaires et phytosanitaires, notamment en Europe ?

Même s’il revêt d’un enjeu mondial bien réel, le cadre de mise en conformité sanitaire et phytosanitaire est plus critique pour les pays ACP qui dépendent plus que proportionnellement des retombées économiques de certaines filières d’exportation tout en devant relever sur leurs propres marchés des défis majeurs en matière de sécurité sanitaire des aliments et nutritionnelle. Les moyens humains et financiers doivent continuer à être renforcés à tous les niveaux, en volume et en compétences. Des solutions innovantes ancrées dans des partenariats publics – privé et tirant profit des nouvelles technologies doivent être poursuivies afin d’appuyer les autorités compétentes dans leurs missions tout en responsabilisant les opérateurs privés. C’est d’ailleurs tout l’enjeu du programme FFM SPS financé par l’Union Européenne à la demande du groupe des Etats ACP qui a été lancé cette année et qui est mis en œuvre par le COLEACP.

 

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