22 octobre 2012 - 12:35 |

Mise au point sur le coton OGM au Burkina Faso

Une technologie à améliorer

(22/10/2012)
« Lorsque vous avez une nouvelle technologie, il a des appréhensions, des questionnements, ce qui est tout à fait normal. Ce qui n’est pas normal c’est de refuser toute nouvelle technologie, c’est de refuser de voir qu’elles sont les éléments sur lesquels on doit travailler pour la faire progresser » estime Jean-Paul G. Sawadogo, directeur général de la Société burkinabè des fibres textiles (Sofitex) dans une interview à CommodAfrica.

CommodAfrica : comment se déroule la campagne 2012/13 ?

Jean-Paul G. Sawadogo : La campagne 2012/13 se présente assez bien. Nous avons enregistré une régularité au niveau des pluies et cela a permis qu’il y ait moins de resemis que l’année dernière. Jusqu’au mois d’octobre, sur le plan pluviométrique, la campagne se déroule normalement. Nous avons pu noté également une hausse des superficies emblavées au niveau de producteurs par rapport à 2011/12 où nous étions à 340 000 hectares. En 2012/13, nous sommes à 500 000 ha. Les producteurs ont bénéficié des prix en ce qui concerne les intrants beaucoup plus bas que l’année dernière. En outre, le prix minimum garanti a été de FCFA 245 le kilo en 2011/12 et à la fin de la campagne, lorsque l’on fait le bilan et que la moyenne des prix au niveau international est plus élevée que le prix que l’on avait considéré au départ, il y a une répartition à hauteur de 60% au profit du producteur et 40% au profit des sociétés d’égrenage. A la fin de campagne 2011/12 c’est FCFA 29 de plus, donc FCFA 274 le kilo pour le producteur.
Le prix fixé en 2012/13 est aussi de FCFA 245. Ce prix va nécessairement augmenter un petit peu sans atteindre le niveau de FCFA 274 car lorsque la production réalisée est au-dessus de 500 000 tonnes, il y a également une répartition de 62% au profit des producteurs et 38% aux sociétés cotonnières, ceci pour tenir compte des capacités d’égrenages des sociétés cotonnières qui se situent autour de 650 000 à 700 000 tonnes par an. Donc, plus vous tendez vers cela, plus il y a un bonus accordé aux producteurs pour les récompenser de leurs efforts.

CommodAfrica : compte tenu de la division par près de deux des prix internationaux du coton, la santé financière des sociétés cotonnières ne va t’elle pas être affectée par ce prix élevé au producteur. Le fonds de lissage va t’il intervenir ?

Jean-Paul G. Sawadogo : il y a un prix minimum de FCFA 245 que les sociétés devront payer. Mais la campagne 2012/13 va se situer au-dessus de 500 000 tonnes pour tout le Burkina, vraisemblablement autour de 620-650 000 tonnes, dont 500 000 tonnes pour la Sofitex (330 000 tonnes en 2011/12). Du fait de l’augmentation de cette production, il y a une prime qui va venir s’ajouter au prix minimum garanti. Donc, ce prix va connaître une amélioration. Cmpte tenu des prix au niveau mondial, nous allons certainement avoir recours au fonds de lissage.

CommodAfrica : pouvez-vous nous dire où vous en êtes sur l’introduction des OGM ?

Jean-Paul G. Sawadogo : il y a des débats orageux sur la question OGM et nous trouvons cela normal car il s’agit d’une nouvelle technologie qui est en train d’être mise en place. Et comme toute nouvelle technologie, des appréhensions, des questionnements se posent. Il faut amener les uns et les autres à parfaire la recherche de façon à corriger progressivement la somme des difficultés qui peuvent apparaître pour pouvoir assurer une certaine durabilité de la technologie. Vous observez qu’il n’y a pas de nouvelle technologie qui ne connaît des difficultés. Il en va de même pour le coton modifié. La principale difficulté que nous avons rencontrée est que le pourcentage de coton qui connaît une réduction de la longueur de la fibre est devenu plus important que pour le coton conventionnel. Nous avons donc essayé de comprendre et de voir avec la recherche qu’elle serait la solution à ce problème.
Au niveau de la recherche, nous avons pu retenir une solution qui nous ramène à la semence. Il y a eu au niveau des producteurs des mélanges de semences OGM et non OGM. Nous avons pris des dispositions pour mettre en place un plan semencier qui va permettre d’avoir une pluralité de semences beaucoup plus grande que celle que l’on a observé jusqu’à présent. Cela nous a conduit à établir un certain nombre de critères techniques pour être producteur de semences OGM et dans ce cadre nous avons retenu environ 5 000 producteurs. Ils ont été formés ainsi que le personnel sur le terrain d’encadrement et de suivi de la production de ces semences. Nous avons également institué une prime pour la qualité sur la semence OGM qui sera produite pour inciter les producteurs semenciers à respecter les critères et itinéraires techniques retenus de façon à obtenir une qualité de semences supérieure à celle que nous avions jusqu’à présent.
En ce qui concerne la campagne 2012/13, sur 500 000 ha emblavés, nous avons environ 300 000 ha en OGM, soit 60%, et le reste en conventionnel. Et nous espérons que le problème de longueur de fibre va être résolu avec le plan semencier réalisé conjointement avec la recherche agronomique au Burkina Faso, les producteurs et Monsanto.

CommodAfrica  : vous allez donc améliorer la semence existante mais non en créer une nouvelle ?

Jean-Paul G. Sawadogo Oui. La semence Bt est un mariage d’une semence burkinabè et d’une semence américaine, et vous savez que dans le domaine des métissages, il y a certains gênes prédominants. C’est ce qui fait qu’on a observé une diminution de la longueur de soie mais liée au fait, qu’à l’époque la technologie dont nous disposions pour pouvoir déterminer la pureté de la semence n’était pas celle que nous connaissons aujourd’hui. Auparavant, on pouvait dire telle semence est génétiquement modifiée, mais on ne pouvait pas dire à jusqu’à quel pourcentage la semence était génétiquement modifiée. Nous avons donc maintenant une nouvelle technologie qui nous permet de dire cette semence est génétiquement modifiée à 100%, 90% ou 70%. Nous sommes donc en mesure d’éliminer les semences qui ont un pourcentage de métissage ne répondant pas aux caractéristiques que nous voulons.

CommodAfrica : pour la campagne 2012/13 avec 60% de superficies en OGM, disposez-vous de suffisamment de semences OGM répondant à vos critères ?

Jean-Paul G. Sawadogo : pour les 300 000 ha en coton OGM nous avons donc utilisé la technologie pour savoir le pourcentage de la semence génétiquement modifié. Nous n’avons donc retenu que les semences OGM avec un pourcentage de 98% de présence de gêne Bt dans la semence. Nous pensons qu’à la fin de la campagne, le pourcentage de longueur de soie plus courte devrait connaître une nette régression et ce n’est qu’en 2013/14 que ce pourcentage devrait être le plus bas possible étant donnée que nous avons entamé la mise en place du plan semencier qui va contribuer à améliorer la qualité de la semence et nous fournir plus de semences.

CommodAfrica : outre le problème de la semence OGM ne se superpose pas aussi des problèmes au niveau des itinéraires techniques ? Tout n’a pas été trop vite dans la mise en œuvre du coton transgénique ?

Jean-Paul G. Sawadogo : non, cela fait un certain nombre d’année que nous pratiquons le coton OGM. Mais, le coton OGM porte beaucoup plus de capsules que le coton conventionnel, en moyenne 12 à 13 capsules, contre 7 à 8. En conséquence, le cotonnier mange plus et donc doit être mieux nourri pour pouvoir supporter l’ensemble de ces capsules et assurer une certaine productivité. Nous avons donc conjointement mis en place toute une campagne d’information et de sensibilisation incitant à l’utilisation plus accrue de la fumure organique sur le coton OGM, en plus des engrais minéraux. Nous avons institué aussi un concours des meilleurs producteurs utilisateurs de fumure organique pour amener les uns et les autres à mieux suivre l’itinéraire technique pour une meilleure productivité.

CommodAfrica : en dehors de la longueur de la fibre, on entend souvent dire qu’avec des conditions climatiques « normales » les rendements ne sont pas plus élevés avec le coton OGM par rapport au coton conventionnel ?

Jean-Paul G. Sawadogo: ce que nous avons observé c’est qu’au niveau des petits producteurs, jusqu’à 3-4 hectares, il n’y a pas une véritable amélioration de la productivité entre le coton OGM et le coton conventionnel. Par contre, au niveau des gros producteurs, avec en moyenne 20-30 ha, qui utilisent les technologies les plus éprouvées, mettent plus de fumure organique et respectent les doses d’engrais, nous avons observé que certains pouvaient aller jusqu’à une amélioration de leur productivité de 20%. La question que nous sommes en train de nous poser est de nous dire que tout le monde ne peut pas produire le coton OGM. La contrainte que nous avons que compte tenu du fait qu’avec le coton génétiquement modifié vous avez deux traitements insecticides au lieu de 6, avec pour conséquence une moindre pénibilité, et qu’il y a moins de risque au niveau de l’intoxication et de la santé, tout le monde veut du coton OGM. Mais, nous sommes conscients que tout le monde ne peut pas pratiquer la culture du coton OGM car il faut réunir un certain nombre de conditions si on veut en tirer le maximum de profit. Deuxièmement, le coton OGM permet au producteur d’avoir une amélioration, même si elle n’est pas très importante, au niveau de ses revenus. Ce qui explique l’engouement des cotonculteurs. Il faut qu’il leur procure le maximum de sécurité, de revenus car l’objectif final est d’augmenter les rendements et les revenus. C’est ce que nous attendons et nous allons y aller à notre rythme.

CommodAfrica : cela prendra quelques années ?

Jean-Paul G. Sawadogo: cela prendra quelques années pour que le pourcentage de producteurs soit plus élevé. Mais également, nous affirmons que tous les producteurs de coton ne pourront faire des OGM. Cela nous a amené à réfléchir à une politique de diversification en termes de produits, comme le tournesol. Nous avons fini les études de faisabilité et d’ici 2 ans nous allons pourvoir mettre ceci en œuvre.

CommodAfrica : en 2011/12, la commercialisation du coton a été prévendu avant la forte hausse des cours. Jean-Paul G. Sawadogo: en 2011, il y a eu une grande volatilité des prix et au moment où les cours mondiaux étaient les plus intéressants pour les vendeurs, il n’y avait plus de coton à vendre. Néanmoins ces prix ont été rémunérateurs et ont consolidé les comptes des sociétés cotonnières. Au niveau du bilan financier de la Sofitex au 31 décembre 2011, on a pu enregistré un bénéfice de FCFA 5 milliards. Les cours sont repartis à la baisse. Toutefois, s’ils se maintiennent au niveau actuel, cela nous permettra de dégager un bénéfice mais moindre qu’en 2011.

CommodAfrica : en 2011/12, quel a été l’impact de la réduction de la taille des fibres en termes commerciaux  ?

Jean-Paul G. Sawadogo : pour le pourcentage de coton OGM dont la longueur de la fibre était plus courte, nous avons connu une décote. Nous avons travaillé avec Monsanto pour voir dans quelle mesure cette compensation pouvait être offerte et nous l’avons obtenu.
Lorsque vous avez une nouvelle technologie, il a des appréhensions, des questionnements, ce qui est tout à fait normal. Ce qui n’est pas normal c’est de refuser toute nouvelle technologie, c’est refuser de voir qu’elles sont les éléments sur lesquels on doit travailler pour la faire progresser.
Le coton OGM n’a été pas introduit au Burkina Faso pour des questions d’augmentation de productivité mais pour les attaques parasitaires, pour lesquelles les produits connus jusqu’à présent ne permettaient pas de les éliminer.

CommodAfrica : par rapport au thème de la 71ème réunion de du Comité consultatif international sur le coton (CCIC), la durabilité dans la chaîne de valeur du coton, quelle est votre analyse ?

Jean-Paul G. Sawadogo : le thème de cette conférence est pertinent car nous devons nous assurer de la durabilité dans tout ce que nous entreprenons. Et cette réalité implique qu’un certain nombre de facteurs, d’éléments soient pris en compte. Pour la durabilité, il faut tout d’abord la transparence. Il faut la tracabilité au niveau de la filière, le respect de l’ensemble des acteurs et que l’on essaye de voir comment amener chaque acteur à jouer son rôle pour assurer cette durabilité. Et enfin, que chaque acteur soit rétribué en fonction du rôle qu’il joue. Et ce qui pose par moments des problèmes. Le producteur est souvent plus soumis à la base à des devoirs qu’à des droits. On décide de tout ce qu’il doit faire par rapport à un objectif que l’on a arrêté, mais on ne s’assure pas de le mettre au centre et voir également quels peuvent être ses intérêts, sa profitabilité, et quels peuvent être les éléments qui lui permettraient d’améliorer ses conditions de vie.

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