La Chronique Matières premières agricoles au 24 février 2022

 La Chronique Matières premières agricoles au 24 février 2022
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La nouvelle de l’invasion de l’Ukraine par la Russie a bouleversé tant le monde que les marchés qui sont déjà aux prises avec une inflation galopante et la perspective de voir les banques centrales à travers le monde renverser leur politique d’argent bon marché pratiquée depuis des années maintenant. La reprise économique après le séisme du coronavirus est là dans nombre de pays mais demeure fragile. Tout demeure très fragile…. Alors, certes, la Russie et l’Ukraine à eux deux représentent moins de 2% du Pib mondial. Mais la Russie, c’est le gaz pour l’Europe et l’Ukraine, un véritable grenier à céréales, le 5ème exportateur mondial de blé. Le Yémen importe 22% de sa consommation de la céréale d’Ukraine, la Libye 43%. D’ailleurs, les marchés ne s’y sont pas trompés, le blé à Chicago grimpant hier à son cours le plus élevé depuis 13 ans et demi, depuis 2008… Il devrait avoir pris 10,7% sur cette seule semaine.

Mais le marché du blé est vite retombé, rectifiant dès ce matin le tir. D’ailleurs, hier soir, Wall Street a terminé à la hausse et les marchés européens étaient attendus de même ce matin à l’ouverture alors qu’ils avaient dévissé hier à la clôture. Etats-Unis, Grande-Bretagne, Japon, Canada et Australie ont dévoilé ce matin de nouvelles sanctions contre Moscou, en plus de celles annoncées plus tôt cette semaine, que certains analystes jugent une fois encore moins sévères qu’attendu, notamment parce qu’elles n’incluent pas l’exclusion de la Russie du réseau interbancaire SWIFT. “Les sanctions du président américain Joe Biden et sa réticence à déployer des troupes [en Ukraine] offrent un certain soulagement. Mais ce conflit va s’éterniser et renforcer les pressions inflationnistes mondiales, qui vont maintenir les banques centrales sur la voie du resserrement [de leur politique monétaire]”, a expliqué à Reuters Kyle Rodda, analyste chez IG à Melbourne. L’euo, hier soir, a terminé en repli à $ 1,11.

Côté pétrole, les cours se sont envolés hier soir vers des sommets, l’offensive russe faisant craindre pour l’approvisionnement énergétique mondial. Le Brent a franchi pour la première fois depuis 2014 le cap des $ 100, terminant hier soir à $ 103,55 tandis que le brut léger américain (WTI) était à $ 96,68, après avoir atteint 100,54 en séance, une première depuis juillet 2014.

CACAO  CAFÉ  CAOUTCHOUC  COTON  HUILE DE PALME  RIZ  SUCRE

 CACAO

Le cacao à Londres a, en définitive, très légèrement progressé sur la période sous revue, passant de £ 1 732 la tonne (t) vendredi dernier à £ 1 734 à la clôture hier soir, tandis que New York glissait de $ 2 640 à $ 2 616 la tonne aussi, tous deux sur les échéances mai.

Un marché qui, comme tous les autres, d’une part s’inquiète des répercussions d’une guerre sur la demande et la croissance mondiale, à quoi s’ajoutent quelques ventes spéculatives dernièrement de la part de la Côte d’Ivoire et du Ghana. Mais, revers de la médaille et facteur haussier, la sécheresse en Afrique de l’Ouest pourrait impacter les volumes de la récolte intermédiaire. On a noté quelques achats d’industriels.

En Côte d’Ivoire, des pluies sont tombées mais trop faibles par rapport aux besoins. A noter que des responsables de coopératives ont indiqué à Reuters que depuis deux semaines, les achats de fèves avaient ralenti et qu’il semblerait que les déchargements au port d’Abidjan aussi. Ceci dit, du 1er octobre au 20 février, les arrivages aux ports d’Abidjan et de San Pedro auraient totalisé 1,528 Mt, selon les exportateurs, en hausse de 3,7% par rapport à la même période la campagne dernière.

Selon un sondage réalisé par Reuters auprès de huit analystes et courtiers, le déficit sur la campagne 2021/22 serait plus élevé que prévu initialement et donc les prix devraient augmenter. L’estimation médiane du déficit est maintenant de 150 000 t contre 125 000 t lors du précédent sondage. Par conséquent, ces mêmes personnes interrogées voient le prix du cacao à New York atteindre $ 2 800 la tonne à la fin de la campagne, soit 5,4% de plus que les cours actuels, et à £ 1 875 à Londres, soit 8,7% de plus que maintenant. Ces analystes se fondent sur un Harmattan en Afrique de l’Ouest qui devrait impacter la récolte intermédiaire ainsi qu’une production d’ores et déjà moindre au Ghana et une demande mondiale attendue en hausse.

A noter que les broyages au Brésil ont fait un bond de 19% sur le mois de janvier par rapport à début 2021, transformant 24 164 tonnes (t) de fèves, indique le groupe industriel AIPC qui explique ceci par le redressement de la demande nationale pour du chocolat et autres confiseries après la chute durant la pandémie. Mais ceci n’explique pas tout. En effet, indique toujours l‘AIPC, de petites unités de broyages, non consultées auparavant, ont été ajoutées aux sondés. Ceci dit, la réalité d’un dynamisme de la filière demeure avec des arrivages de cacao qui ont augmenté de 113% en janvier par rapport à janvier 2021, à 11 791 t grâce à une meilleure récolte cette année dans le pays.

Côté entreprise, le géant américain Mondelez International a déclaré mercredi fermer son unité de production en Ukraine car la situation devenait « trop dangereuse », a indiqué son directeur général Dirk Van de Put. Les évènements le soir même lui ont donné raison…

CAFÉ

Un café qui ne va pas fort cette semaine… La livre (lb) d’Arabica cotée à New York est passée de $ 2,46 la livre (lb) vendredi dernier à $ 2,379 à la clôture hier soir, tandis que la tonne de Robusta à Londres glissait de $ 2 255 à $ 2 179 la tonne, tous les deux sur l’échéance mai. Un Arabica vulnérable en raison des importantes positions longues détenues par les fonds d’investissement. Cependant, les pertes devraient se limiter, indique un trader basé aux Etats-Unis et interrogé par Reuters. « Il faut garder à l’esprit qu’un conflit ne fait rien pour résoudre des pénuries d’inventaires ou pour faire repartir la récolte brésilienne. Mais les mouvements des spéculateurs peuvent, à eux seuls, créer de très sérieuses volatilités dans les prix », indique Ryan Delany de la Coffee Trading Academy.

En réalité, soulignent des négociants, le marché du café est coincé dans une fourchette étroite après avoir atteint le 10 février un pic de 10 ans. Mardi, les stocks certifiés d’Arabica sont tombés à 999 019 sacs ; c’est la première fois depuis au moins 22 ans qu’il descende en-dessous du million de tonnes. Et ce ne serait pas fini, selon les analystes de Rabobank qui, toutefois, indiquent que les pluies au Brésil pourraient booster les récoltes lors de la prochaine campagne.

La récolte 2022/23 au Brésil devrait atteindre 58,9 millions de sacs de 60 kg (Ms), selon le courtier Stonex, soit nettement plus que les 53,7 Ms que la récolte dernière. Toutefois, c’est un volume relativement faible pour une année « haute » dans le cycle végétal biennal du caféier. Lors de la dernière année « haute », le Brésil avait récolté 68 Ms ! Stonex estime que la production d’Arabica en 2022/23 sera de 38,3 Ms contre 33,7 Ms en 2021/22 et celle de Robusta 20,6 Ms soit seulement 600 000 sacs de plus que la précédente.

En Asie, les prix du café vert au Vietnam ont très légèrement fléchi sur un faible niveau de transactions en raison de la flambée des prix du pétrole qui s’ajoute aux coûts du fret qui demeurent très très élevés. Les producteurs dans les Central Highlands ont vendu leur kilo de grains entre 40 600 et 41 800 dongs ($1,78-$ 1,83), soit quasiment aux mêmes niveaux que la semaine dernière (40 500 à 42 000 dongs). Les traders ont proposé à l’export la tonne de Grade 2, 5% brisures et grains noirs, avec une décote de $ 330 à $ 340 sur le contrat juillet contre $ 360 la semaine dernière.

En Indonésie, les très faibles volumes de Robusta de Sumatra sont partis avec une décote de $ 170 sur les contrats mars et avril, jusqu’à -$ 200 sur mai, contre -$ 130 la semaine dernière. « Certains exportateurs ont vendu leurs stocks restant car la nouvelle récolte est attendue dans quelques mois », a indiqué l’un d’entre eux.

CAOUTCHOUC

Le marché du caoutchouc a été rythmé par le conflit russo-ukrainien comme pour les autres marchés boursiers et des matières premières. Après avoir gagné 1,5% la semaine dernière, les cours ont continué à progresser sur l’Osaka Exchange pour clôturer hier à 259 yens ($2,26) le kilo contre 257,2 yens vendredi dernier. En revanche sur le marché de Shanghai, les cours sont en repli. Partis de 14 310 yuans la tonne, ils ont atteint hier 14 070 yuans ($2226,58).

Un marché soutenu par le pétrole, dont les prix ont bondi dépassant les $100 le baril après l’invasion d’Ukraine par la Russie. Or, le caoutchouc synthétique est composé de pétrole ce qui inciterait les utilisateurs à passer au caoutchouc naturel.

La vigueur des prix chez le premier producteur et exportateur mondial de caoutchouc, la Thaïlande, soutient aussi le marché.  Les prix des feuilles de caoutchouc thaïlandais ont atteint hier un plus haut depuis le mois de mai 2021 à 74,45 bahts ($2,29) le kilo. Les prix du latex ont progressé de plus de 25% depuis le début de l’année. Alors que la demande est relativement soutenue, notamment des fabricants de gants en caoutchouc, la Thaïlande est entrée dans la période de l’hivernage où la production de caoutchouc baisse.

Côté entreprise, le bénéfice net du thaïlandais Sri Trang Agro-Industry a grimpé de 13,4% à 15, 9 milliards de baht ($500 millions) en 2021. Quant au chiffre d’affaires, il a progressé de 56,7% à 118 milliards de bath. Les ventes de caoutchouc se sont élevées à 1,3 million de tonnes.  L’utilisation de la capacité dans le traitement TSR au cours de l’année a été de 80%. « L’année 2021 a été une année dorée pour l’entreprise », selon M. Veerasith Sinchareonkul, directeur général de STA.

COTON

Sur une semaine écourtée, le marché étant fermé lundi pour la fête du président américain, les cours du coton ont été volatils et finissent légèrement en baisse à 119,16 cents la livre pour le contrat de mai hier sur l’ICE contre 121,6 cents vendredi dernier.

Un marché qui subit aussi indirectement l’environnement géopolitique et économique très agité et très incertain avec des investisseurs sur le qui-vive. Toutefois, après la liquidation du mois de mars, les ventes sur appel non fixées demeurent encore importantes tandis que la position longue des spéculateurs, même si elle a été réduite, est toujours conséquente. 

L’invasion de l’Ukraine par la Russie affecte les marchés boursiers, des matières premières mais pourrait aussi avec la hausse des prix, notamment des céréales, des oléagineux et de l’énergie, diminuer la confiance des consommateurs et rogner leur pouvoir d’achat avec pour conséquence une baisse des achats de vêtements et de produits textiles et donc de la demande de coton.

Néanmoins, le spécialiste du marché du coton, Cotlook livre aujourd’hui ses premières estimations de la campagne 2022/23 avec une consommation record à 26,7 millions de tonnes (Mt), en hausse de 3% par rapport à 2021/22 et une production à 26,9 Mt, en hausse de 4,7% par rapport à 2021/22, stimulée par des prix mondiaux élevés du coton. Les stocks mondiaux de clôture devraient donc légèrement augmenter (+165 000 tonnes). 

HUILE DE PALME

L’huile de palme flambe. Hier, avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les cours sur la Bursa Malaysia Derivatives Exchange ont gagné presque 8% pour clôturer à un nouveau record à 6 458 ringgits ($ 1 537,80) contre 5 540 ringgits vendredi dernier. Si aujourd’hui, les cours se sont un peu rétractés, effaçant la « prime de risque de guerre », ils ont progressé de 11,7% cette semaine.

Les fondamentaux de l’huile de palme sont solides avec une production en Malaisie qui ne décolle pas, l’Indonésie, premier producteur mondial, qui restreint ses exportations tandis que la demande grimpe. Selon AmSpec Agri Malaysia, les exportations d’huile de palme de la Malaisie ont progressé de 27,9% sur la période du 1er au 25 février, par rapport au mois de janvier. La sécheresse en Amérique du Sud et la guerre Russie-Ukraine a fini de mettre le feu au complexe des oléagineux tandis que la flambée des prix du pétrole rend l’huile de palme plus attrayante comme matière première pour le biodiesel.

La mer Noire représente 60 % de la production mondiale d’huile de tournesol et 76 % des exportations. Le conflit fait donc peser une grande incertitude sur l’approvisionnement mondial en huile de tournesol – les principaux ports de la mer Noire étant susceptibles d’être au cœur du conflit militaire -conduisant les acheteurs à se tourner vers des huiles végétales alternatives, dont l’huile de palme.

Avec la flambée des cours de l’huile palme, qui a progressé de 27,5% cette année, les acheteurs d’Asie et d’Afrique étaient incité à se tourner vers l’huile de tournesol dont l’approvisionnement est aujourd’hui compromis. Quant à l’huile de soja, qui a gagné 20% cette année, la sécheresse qui sévit en Amérique du Sud pourrait entrainer des pertes de récoltes et donc limiter aussi l’approvisionnement. En Argentine, la sécheresse a conduit la bourse de Buenos Aires à réduire ses estimations de récolte de soja 2021/22 de 2 millions de tonnes (Mt) à 42Mt.

L’Inde, premier importateur mondial d’huile végétale, s’est d’ores et déjà tournée vers les États-Unis, les négociants indiens s’engageant à importer un montant record de 100 000 tonnes d’huile de soja. Les cours de l’ensemble des oléagineux atteignent des sommets : pour l’Inde, l’huile de palme brute est proposée à environ $1 575 CAF pour les expéditions de mars, contre $1 620 pour l’huile de soja brute et $1 515 pour l’huile de tournesol brute selon des négociants interrogés par Reuters.

La flambée des prix de l’huile de palme et de l’huile de soja pourrait atteindre de nouveaux records à court terme et peser sur les consommateurs asiatiques et africains sensibles aux prix déjà sous le choc de la flambée des prix de l’énergie et des aliments.

RIZ

Les prix à l’exportation en Thaïlande glissent sur la faiblesse du baht tandis qu’en Inde la demande de l’étranger soutient les prix.  

En Thaïlande, les prix du Thaï 5% sont tombés à un plus bas de plus d’un mois et demi à $400 la tonne contre $410-$420 la semaine dernière. Le baht s’est affaibli à 32,68 contre le dollar américain jeudi, soit près de 1,6 % par rapport à il y a une semaine à la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Quant aux prix intérieurs, ils sont demeurés stables.  

En Inde, les prix du riz étuvé 5% ont progressé à $370-$376 la tonne contre $368-$374 la semaine dernière. La hausse des achats à l’étranger, tant d’Asie que d’Afrique, a stimulé les prix en dépit d’une dépréciation de la roupie.

Les agriculteurs indiens devraient récolter un record de 127,93 millions de tonnes (Mt) de riz contre 124,37 Mt produites l’année précédente.

Au Vietnam, les prix du Viet 5% ont légèrement fléchi à $395-$400 la tonne contre $400 la semaine dernière. “Les importateurs achètent modérément, attendant que les prix baissent lorsque la récolte hiver-printemps culmine”, a déclaré un négociant basé à Ho Chi Minh-Ville. “Les exportations vont augmenter à partir du mois prochain, les principaux marchés étant les Philippines et l’Afrique”, a ajouté le négociant.

Les données d’expédition préliminaires ont montré que 219 000 tonnes de riz devaient être chargées au port de Ho Chi Minh-Ville en février, la majeure partie du riz étant dirigée vers les Philippines.

SUCRE

Le sucre roux a terminé la période sous revue en hausse, la livre (lb) étant partie de 18,20 cents en fin de semaine dernière pour terminer à 18,32 cents sur l’échéance mars hier à New York ; en cours de séance, il a même atteint son plus haut prix depuis janvier à 18,87 cents. Pour sa part, le sucre blanc a connu une belle progression, passant de $ 484,90 la tonne à $ 499,50 sur l’échéance mai.

Rien de bien étonnant étant donné que l’invasion de l’Ukraine par la Russie a fait flamber le cours du baril de pétrole à plus de $ 105 hier, son prix le plus élevé depuis 2014, cette hausse se répercutant sur tous les produits combustibles telle que la canne à sucre.

A ceci s’ajoutent les récentes inondations en Chine qui pourraient perturber la récolte de canne à sucre et le ralentissement de celle en Thaïlande.

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