Le riz, rien à signaler sauf…….la flambée des cours !
Une opportunité pour l’Afrique, à terme
(25/06/08)
A la question « Pourquoi les cours internationaux du riz ont tant augmenté ? _», le courtier français en riz, président du London Rice Broker Association, Jean-Pierre Brun réponds : « _Je ne sais vraiment pas ! ». Cette tendance haussière se dessine depuis deux ans maintenant, mais elle s’est véritablement emballée en janvier dernier. Or, « sur le riz, il n’y a jamais eu de catastrophe, il n’y a pas eu de pénurie, pas de problème particulier », a-t-il expliqué lors du petit déjeuner mensuel matières premières organisé dernièrement par Reuters.
Pendant 20 ans, le marché a été stable, aux alentours des $ 200 à 300 pour du ThaïB, la référence sur le marché. Mais actuellement, celui-ci est proche des $ 1000 la tonne, à $ 920-930. Le Basmati, la variété la plus chère, atteint actuellement $ 2500.
« Qui peut encore payer ce Basmati aujourd’hui ? », s’interroge-t-il. « Pas l’Inde assurément ; les Etats-Unis et l’Union européenne, oui ; ailleurs, non. ». Au prix de la denrée s’ajoutent les coûts du fret qui ont flambé : le fret sec pour les céréales entre la Thaïlande et le Sénégal était à $ 30 la tonne en moyenne en 2006 ; il oscille actuellement entre $ 120 et 130.
Mais la matière première en tant que telle, pourquoi est-elle devenue si chère ? Pas vraiment en raison d’une spéculation financière car le produit physique est bien là. Et son coût de production n’a pas triplé. « Les pays producteurs ont du riz chez eux. Mais ils ne le vendent pas. Il y a de la spéculation de la part des sociétés locales. » D’où l’hésitation quant à la tendance à venir : « Aujourd’hui, il y a autant d’éléments qui font pencher vers un pronostic de baisse des prix que de hausse. » Car, face à cette hausse très forte, les besoins se sont contractés. Les opérateurs publics ont pris le relais : 30% des 31 Mt échanges sur le marché mondial se font dans le cadre de contrats entre gouvernements et ce volume devrait être encore plus élevé l’année prochaine. Le marché échappe peu à peu aux opérateurs privés. « Ce qui n’est pas plus mal », souligne le courtier qui pourtant devrait pâtir de cette évolution : « Le marché devient trop compliqué ! »
La hausse du prix du riz peut aussi avoir d’autres conséquences : le développement d’autres cultures qui, face à un prix à $ 1000 ou $ 2000, deviennent très compétitives. Sans oublier que les habitudes alimentaires peuvent se transformer si le prix du riz devait demeurer élevé. Au bénéfice de cultures plus « locales » ou « traditionnelles », reléguées aux oubliettes ces dernières années.
Un impact positif sur l’Afrique
« Lorsque le cours mondial dépasse les $ 400 à 500 la tonne, la production en Afrique devient rentable », précise-t-il. La variété Nerica développée pour et sur le continent, permet d’atteindre des rendements de l’ordre de 3 à 4 tonnes l’hectare contre 1,5 à 2 t en Asie en moyenne et un peu inférieur aux rendements européens (5 à 6 t/ha).
« Les pays africains qui ont essayé de développer leur culture rizicole ont été perturbés jusqu’à maintenant par des cours internationaux très faibles, de l’ordre de $ 200 FOB Bangkok pour du Thaï il y a quelques années. Un prix bien inférieur aux coûts de production en Afrique. »
Aujourd’hui, une des difficultés qui demeure est l’accessibilité à l’eau. Aussi, seules certaines régions en Afrique pourront-elles véritablement développées leurs rizicultures. A noter qu’au niveau mondial, 80% de la riziculture est pluviale, le reste étant irriguée.
Les fondamentaux
Pour comprendre les enjeux, il faut planter le décor mondial. La production planétaire s’élève cette année à 421 Mt (blanchi), soit 660 Mt de paddy. Un record absolu après une progression régulière : 398,8 Mt en 2001/02, 377,8 Mt en 2003/04, 418,1 en 2005/06 et 421,2 actuellement, en 2007/08.
La Chine demeure de loin le premier producteur avec 129,5 Mt, suivie de l’Inde (94 Mt), de l’Indonésie (35,5), du Bangladesh (33,4), du Vietnam (23,3), de la Thaïlande (18,5), de la Birmanie (11,3), des Philippines (10,4), du Brésil (8,2) et du Japon (7,9).
Les producteurs ne sont pas nécessairement de grands exportateurs. Les 10 premiers fournisseurs du marché mondial sont : la Thaïlande (9Mt), le Vietnam (5), l’Inde (3,5), le Pakistan (2,9), la Chine (1,3), l’Egypte (950 000), l’Uruguay (800 000), l’Argentine (500 000), le Cambodge (450 000).
« Myanmar avait exporté l’année dernière entre 500 et 600 000 t mais avec le drame récent, on ne sait pas combien a été détruit, on ignore combien sera replanté du fait de l’eau salée, on ne connaît pas le nombre de morts parmi les riziculteurs », explique encore le spécialiste.
Quant aux importateurs, on trouve les Philippines avec 1,9 Mt, l’Indonésie (1,6), le Nigeria (1,6), l’Union européenne (1,1), l’Irak (1,1), l’Arabie saoudite (1,015), le Bangladesh (1 Mt), l’Afrique du Sud (900 000), l’Iran (900 000 t aussi), le Sénégal (720 000 t).
A noter que les stocks de report au niveau mondial baissent depuis 5 ans, ce qui est sans aucun doute un facteur stimulant fortement la hausse des prix.
Sur les 31 Mt échangées à travers le monde en 2007, une grande partie des échanges est inter-Asie. Toutefois, 9 Mt sont allées vers l’Afrique, soit un peu moins du tiers des échanges mondiaux. De cela, un volume important est sous forme de brisures, moins chères, de l’ordre de $ 750 la tonne actuellement.