25 juin 2010 - 00:00 |

La Chronique Matières du Jeudi

La lourdeur du marché des céréales s’intensifie

(25/06/10)

Blé. A l’approche de la moisson en Europe (probablement début juillet, soient environ deux semaines en retard sur la moyenne des années précédentes), les marchés de l’UE sont dans une position d’attente avec, hier, des prix stables voire en léger recul. La vente de 400 000 t de blé français à l’Algérie (non confirmée encore) et de 50 000 t de blé tendre à la Tunisie (25 000 t à $ 166 la tonne Fob auprès de Cargill pour embarquement en septembre et 25 000 t à $ 169,50 auprès de Glencore pour embarquement en octobre) n’ont guère eu d’impact sur cette léthargie mais a permis de soutenir le marché, à l’instar des appels d’offres ces dernières semaines d’importateurs d’Afrique du Nord et du Proche Orient. A noter que la Tunisie, qui jusqu’à présent procédait à des achats coût et fret (C&F), demande désormais des offres libellées en Fob, vraisemblablement pour mieux contrôler l’origine des marchandises
L’arrivée d’un soleil très favorable au mûrissement du grain en Europe pèse également sur les marchés. Certaines prévisions de récolte pourraient être revues à la hausse, comme l’a indiqué mercredi le principal négociant allemand en céréales Toepfer International. A noter que ce léger retard dans le démarrage des moissons européennes pourrait occasionner un léger sursaut des demandes à court terme, souligne-t-il.
Côté Asie, l’Inde pourrait assouplir ses restrictions quantitatives à l’exportation mises en place en 2007 et qui ont été maintenues depuis lors, si les pluies de la mousson sont bonnes en juillet : le pays pourrait alors exporter quelque 2 millions de tonnes (Mt), se positionnant en concurrence directe non pas tant avec les blés américains mais plutôt de la Mer Noire. Si les portes à l’export de l’Inde s’ouvrent, le marché risque de s’en ressentir fortement car, après quatre campagnes record, 35,2 Mt remplissaient au 1er juin les stocks du pays, soit neuf fois plus que l’objectif gouvernemental qui était de 4 Mt.
Le Pakistan est dans une situation d’abondance aussi avec deux années de production record derrière lui et il devrait se positionner à l’expédition dès le mois prochain, avec à la clé environ 700 000 t, selon Vijay Iyengar, directeur à Singapour d’Agrocorp International.
Globalement, tous ces facteurs ne sont guère haussiers pour les marchés qui sortent de deux années excédentaires. Hier, le Conseil international des céréales (IGC, de son sigle anglais) a révisé à la hausse de 4 Mt ses prévisions de récolte mondiale de blé 2010/11, à 664 Mt, notamment à cause de perspectives de récolte meilleures que prévues aux Etats-Unis, en Chine, en Australie, en Iran et malgré une baisse attendue au Canada. Une situation mondiale d’abondance qui a récemment fait plonger Chicago, le marché directeur en matière de céréales, à son plus bas en trois ans. A noter que le Conseil a également révisé à la hausse de 4 Mt la consommation mondiale de blé en 2010/11, essentiellement à cause d’une plus forte demande pour l’embouche, notamment en Asie.
Les céréales d’Asie du Sud commencent à être acheminées alors que celles de l’hémisphère Nord s’apprêtent à se positionner sur les marchés d’Asie, du Proche Orient et d’Afrique. A l’export, l’Inde devrait sans doute subventionner afin d’être compétitif face aux blés russe et ukrainien : le blé indien devra être offert à $ 200-210 la tonne car le blé russe à l’import en Asie est à $ 220-230.

Cacao. Le marché à terme du cacao à Londres est en hausse, stimulé essentiellement par un squeeze, sans doute du groupe Arrmajaro, sur juillet-septembre. D’où la poursuite de la situation de déport sur le marché, c’est-à-dire lorsque les positions éloignées valent moins chères que les positions rapprochées. Cette situation met les industriels dans une situation difficile étant donné leur position étroite. On estime que l’impact du squeeze sur le marché est de l’ordre de £ 300 à 400 la tonne.
En Côte d’Ivoire, les bonnes pluies depuis février devraient être favorables à la récolte 2010/11 qui va s’ouvrir en septembre : on estime, mais c’est encore un peu trop tôt pour l’affirmer, que la récolte principale ivoirienne sera en hausse de 60 000 t environ sur la précédente, souligne un opérateur. Le phénomène climatique El Nino avait impacté le verger de juillet à octobre l’année dernière, avec une sécheresse importante. Cette année, c’est La Nina qui sévit avec une bonne humidité. Une récolte ivoirienne 2010/11 qui pourrait être encore meilleure si ce n’était un verger toujours vieillissant, de mauvaises routes et infrastructure en général ce qui ne permet pas d’acheminer et d’entreposer dans de bonnes conditions le cacao, sans oublier la situation politique qui perdure, gelant ou retardant considérablement les réformes indispensables pour que la filière prenne un nouvel essor.

Café. En un mois, du 27 mai au 24 juin, le café Robusta grade 1 de Côte d’Ivoire est passé de $ 1465 à $ 1710 la tonne, soit une hausse de $ 245 en un mois ! Le Djimma 5, Arabica d’Ethiopie, a pris 24,5 cents la livre sur la même période ! Hier, 24 juin, New York (marché de l’Arabica) a terminé en hausse de 8%, au plus haut en douze ans sur des achats de fonds d’investissement et de spéculateurs. Le Robusta à Londres avait lui aussi fait un bond de 7% sur la journée, retrouvant ces niveaux élevés d’il y a 15 mois.
« Le délire continue donc sur les marchés à terme », souligne un trader. « Entre la clôture mercredi et jeudi 24 à midi, les cours sur le marché à terme de New York ont pris 15 cents et Londres (Robusta) $ 105. Il n’y pas de nouvelle particulière du côté des fondamentaux: les fonds sont à la manœuvre laissant pétrifiés négociants et torréfacteurs. Quelques offres d’origines commencent à être très agressives, entrainant des plongeons des différentiels, en Brésil, Ethiopie, Inde et même sur le Colombie. Il faudrait que ce mouvement s’amplifie pour calmer les marchés à terme._»
De ce fait, l’activité est presque totalement paralysée et il est difficile de prévoir : « _Ceux qui ne portent pas de lourdes positions peuvent profiter de la ”_wait and see attitude
” en espérant qu’elle ne dure pas trop longtemps. Quand aux autres : ” buena suerte” ! _»
Côté production, au Kenya, le temps froid, qui dure habituellement de juin à août, est particulièrement sévère cette année, affectant la floraison des caféiers qui sont tous cultivés en altitude. Les autorités pourraient devoir réviser à la baisse les estimations de production, de 56 000 t à 50 000 t.

Caoutchouc. Selon le négoce, la décision de la Chine de donner un peu de flexibilité au yuan ne devrait guère impacter les volumes d’achats de caoutchouc naturel du premier importateur mondial. En effet, il est de tradition que la Chine importe peu sur les troisièmes trimestres, la période estivale en Europe réduisant la demande mondiale en produits manufacturés. Ce ralentissement des importations chinoises de caoutchouc naturel devrait se vérifier d’autant plus que les prix du caoutchouc dans les entrepôts chinois sont inférieurs ($ 2,90 le kilo) aux prix d’importation de caoutchouc venant des pays producteurs d’Asie du Sud Est ($ 3 FOB). Certes, les stocks chinois sont faibles, ne cessant de baisser depuis le début de l’année avec une chute encore de 25 sur le mois de mai et de 8 du 1er au 18 juin. Mais la Chine ne semble guère pressée de les reconstituer.
En outre, si actuellement l’approvisionnement en caoutchouc sur le marché mondial est étroit, les prévisions de production sont bonnes un peu partout dans le monde et donc les prix devraient baisser. Les fortes pluies qui se sont abattues en Thaïlande et Malaisie, respectivement premier et troisième producteurs mondiaux, devraient cesser ces jours ci, permettant aux producteurs de saigner à nouveau les arbres. En revanche, l’Indonésie, numéro deux, adopte une position prudente à la vente car elle pourrait ne pas avoir beaucoup de disponibilités ces prochaines semaines avec l’arrivée précoce de l’hivernage qui réduit la production de latex.
En conséquence, à l’instar de la plupart des marchés de matières premières, le caoutchouc a bondi lundi de 3%, réagissant à cette nouvelle du yuan, mais il est retombé dès le lendemain.

Coton. Les perspectives sur le coton sont plutôt haussières. Avant même l’arrivée de sa nouvelle récolte, il manquerait déjà 310 000 t de coton à la Chine pour faire face à sa demande domestique, selon le négociant Naseem Usman. Selon le Département américain de l’Agriculture (USDA), la consommation chinoise augmenterait de 1,5 millions de balles en 2010/11.

Maïs. Le Conseil international des céréales (IGC) a révisé à la hausse de 2 Mt ses prévisions de récolte mondiale de maïs 2010/11, à 824 Mt, notamment à cause de bonnes performances attendues en Russie et en Ukraine. En parallèle, il a relevé de 4 Mt ses prévisions de consommation mondiale, essentiellement car les Etats-Unis devraient en consommer davantage pour leur production de bioéthanol.

Riz. La demande africaine a fait grimper les prix du riz thaïlandais cette semaine. Mais cette remontée devrait être de courte durée car l’offre mondiale est importante et la Thaïlande a déclaré qu’elle allègerait ses stocks nationaux où se trouvent 6 Mt. Les ventes pourraient démarrer dès le mois de juillet.
Rappelons que le prix du riz thaï a perdu 25% de sa valeur depuis le début de l’année. Il a légèrement rebondi ces derniers jours, la demande en parboiled soutenant le prix du riz blanc. La Thaïlande, premier exportateur de riz au monde, a vendu 3,5 Mt de riz depuis le début de l’année, en baisse de 7% par rapport au premier semestre 2009.
Cette semaine, les prix du riz vietnamien ont baissé encore avec la montée en puissance de la nouvelle récolte dans le delta du Mékong. Les brisures 5% ont baissé à $ 345-365 la tonne contre $350-355 la semaine dernière tandis que les brisures 25% sont à $305-310 contre $325 le 16 juin. Les exportations du Vietnam sur les neuf premiers mois de l’année seraient de 4,9 Mt, en baisse de 1,6% par rapport à la même période l’année dernière.

Sucre. Le marché mondial du sucre demeure étroit et la prime du sucre blanc en disponible face au roux a touché un niveau record, au dessus des $ 170 la tonne. Selon le spécialiste Czarnikow, les prix du sucre blanc du Brésil et de Thaïlande ont augmenté de façon significative car les disponibilités en provenance de la région Centre-Sud du Brésil sont faibles.
Czarnikow explique cette forte hausse de la surcote du blanc par l’absence de liens entre la chute des prix du sucre roux sur les marchés mondiaux à terme et la situation réelle dans les marchés nationaux où les prix sont demeurés très élevés. « Alors que le prix du sucre roux a anticipé le retour à une situation légèrement excédentaire en 2010/11, le marché du blanc est fermement ancré dans les problèmes actuels d’approvisionnement spot », selon Czarnikow.

Thé. Aux vents aux enchères de Mombassa cette semaine, le prix moyen de thés vendus est demeuré stable par rapport à la semaine dernière, à $ 3,44 le kilo. Les meilleurs BP1s se sont vendus à $ 3,90-2,98 le kilo contre $ 4-2,88 aux dernières ventes. Le secrétaire permanent au ministère de l’Agriculture, Romano Kiome, a annoncé lundi dernier que la production ne devrait augmenter cette année que de 5 à 10% par rapport à 2009 et non de 15% comme cela avait été initialement anticipé en raison du temps froid : l’ « hiver » s’étend habituellement de juin à août et empêche le développement des feuilles. Il est certain que si le froid perdure au-delà du mois d’août, la production devra encore être revue à la baisse. En 2009, le premier exportateur de thé noir au monde avait produit 315 000 t de thé, en baisse par rapport aux 345 000 t de 2008.

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