La demande en cacao va-t-elle reprendre en 2015/16 ?

 La demande en cacao va-t-elle reprendre en 2015/16 ?
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Après avoir agité le torchon rouge de la pénurie de fèves de cacao d'ici 2020, face à une demande mondiale qui ne pouvait aller que croissante, certains allant jusqu'à imaginer un monde sans chocolat, les analystes se demandent maintenant si la demande va reprendre, du moins durant la prochaine campagne 2015/16 qui démarre la semaine prochaine dans les principaux pays producteurs comme la Côte d'Ivoire et le Ghana.

Un cacao cher

Le problème? Le cacao est cher. Mi-juillet, la tonne de fèves était à son prix le plus élevé en 4 ans sur le marché à terme de Londres: en moyenne sur le mois, il était à près de $ 3326 la tonne. Certes, le cours a décéléré en août, en moyenne à $ 3153, mais demeure historiquement haut. Hier, la tonne a clôturé à New York à $ 3 305.

Cette cherté s'explique, notamment, par la très forte baisse de production du n°2 mondial du cacao, le Ghana, à 696 000 tonnes attendues pour 2014/15 et des perspectives incertaines sur 2015/16. Côté Côte d'Ivoire, le n°1 mondial a enregistré des conditions météorologiques inhabituelles, explique Euan Mann, président de Complete Commodity Solutions, qui voit une récolte 2015/16 en baisse de 100 000 t par rapport aux moyennes des dernières campagnes, avec une récolte principale de 1,1 million de tonnes en 2015/16. Ailleurs, El Niño pourrait sévir en Equateur, réduisant la production de cet acteur montant sur la scène cacaoyère mondiale. Euan Mann, qui intervenait à la réunion de l'Organisation internationale du cacao (ICCO) en début de semaine, envisage ainsi un déficit mondial cacaoyer de 125 000 tonnes en 2015/16, ce qui ferait grimper encore les prix.

Or, un cacao cher a pour cons̩quence la baisse des broyages, les marges des transformateurs se contractant, et, in fine, la baisse de la demande des consommateurs. "L'histoire nous enseigne qu'aux niveaux de prix actuels, la demande s'aplat̨t", explique Francesca Kleemans, directrice commerciale cacao chez Cargill. Et ce d'autant plus que la plupart des grands chocolatiers mondiaux РHershey, Mars, etcРont relev̩ le prix de leurs tablettes de chocolat et de leurs confiseries ou ont jou̩ sur la taille des tablettes.

Selon les chiffres de l'ICCO, les broyages baisseraient de 4% en 2014/15, à 4,131 millions de tonnes (Mt), rompant avec la hausse annuelle moyenne de 2,5% de la demande ces dernières années, a précisé Laurent Pipitone, directeur du département économie et statistiques de l'ICCO. C'est la première fois en 6 ans que les broyages baissent. Et les perspectives sur 2015/16 sont incertaines : ces dernières années, la demande en cacao était surtout  tirée par les économies émergentes dont la Chine. Or, la croissance chinoise décélère.

"On a des raisons d'être préoccupés à l'égard de l'analyse de base qui voudrait qu'on retourne en 2015/16 sur le chemin d'une croissance de la demande à long terme ", estime Euan Mann.

Des marchés à terme mal adaptés?

Ceci dit, le prix du cacao est déterminé sur des marchés à terme, en l'occurrence Londres et New York, qui n'ont pas encore pris la véritable mesure du déplacement géographique des broyages mondiaux vers l'Afrique mais aussi l'Asie, selon Jonathan Parkman de chez Marex Spectron. Jusqu'à la campagne 2013/14, les Pays-Bas étaient le première broyeur de fèves au monde. Depuis cette campagne 2014/15 qui s'achève, la Côte d'Ivoire l'a dépassé. Ces dernières années, la Côte d'Ivoire avait une capacité de broyages qui était supérieure à celle installée aux Pays-Bas mais ses broyages effectifs demeuraient inférieurs au néerlandais. Pour cette campagne 2014/15, selon les chiffres prévisionnels de l'ICCO, la Côte d'Ivoire aurait broyé 545 000 t contre 518 000 t pour les Pays-Bas. En 2013/14, on était encore à 519 000 t pour l'Africain et 530 000 t pour l'Européen.

"Pour l'instant, je suggèrerais que ni le marché ICE ni le marché CME, avec leurs lieux très restrictifs de livraison, n'offre des mécanismes adéquates de couverture pour les transformateurs dans ces régions", poursuit Jonathan Parkman qui considère que la situation ne va pas en s'améliorant, du moins à court terme.

Le cercle vertueux des marchés ?

Le marché pourrait-il se reprendre ? Rappelons que fin juillet, des analystes et industries, interrogés par Reuters, estimaient que le prix du cacao allait chuter de plus de 8% d'ici la fin de l'année et début 2016 car l'excédent de fèves serait au plus haut depuis 5 ans. D'ailleurs, d'ores et déjà, fin août, l'ICCO a révisé à la baisse son estimation de déficit sur 2014/15 à 15 000 t contre 38 000 t avancé précédemment. Euan Mann se tromperait-il en annonçant un déficit de 125 000 t en 2015/16 ? Seul l'avenir le dira…

En attendant, si le cours mondial du cacao baisse en de telles proportions, ont pourrait estimer que la demande se redynamisera plus rapidement. Sauf si les transformateurs et industriels ne suivent pas et ne rabaissent pas leurs prix du chocolat au détail, prétextant, de bonne ou mauvaise foi, qu'à la source, le cacao est plus cher.

Le président ivoirien Alassane Ouattara, en pleine campagne électorale, a encore redit cette semaine que le prix garanti au planteur sera relevé pour la campagne 2015/16. Peut-être atteindra-t-il la barre fatidique et oh combien symbolique de FCFA 1 000 le kilo contre les FCFA 850 actuels. Mais, selon Michel Barel, chercheur en technologie du cacao, sur une tablette de 100 gr à 60% de cacao acheté en supermarché, 6% seulement du prix revient au planteur…

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