14 Mt de riz en Afrique en 2008 et 24 Mt en 2018. 56 Mt en 2030 ?

 14 Mt de riz en Afrique en 2008 et 24 Mt en 2018. 56 Mt en 2030 ?
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Passé relativement inaperçue, la 7ème réunion annuelle de la Coalition pour le développement de la riziculture en Afrique (CARD) s’est tenue début octobre à Tokyo, à l’Institut de recherche du Jica, l’agence japonaise de coopération internationale. Trente deux membres “actuels et potentiels”, pays et institutions internationales, étaient présents, avec au menu le cadre d’actions pour la seconde phase de la CARD qui démarrera l’année prochaine. 2019 est aussi l’année où se tiendra la 7ème Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique, la Ticad 7.

Rappelons que la CARD a été lancée lors de la 4ème Ticad de 2008 par le Japon et l’Alliance pour la révolution verte en Afrique (Agra). L’objectif de doubler la production africaine de riz en dix avait alors été fixé.

Objectif atteint ! La CARD évoque une production qui serait passée de 14 millions de tonnes (Mt) en 2008 à 28 Mt attendues cette année. Des chiffres, grosso modo, confirmés par d’autres sources comme l’USDA qui évoque 27 Mt de riz paddy (17,4 Mt de riz blanchi), tout comme la FAO. L’Afrique de l’Ouest est la région du continent où la production s’est le plus développée. Et au sein de celle-ci, le Sénégal est un pays phare avec la multiplication par cinq de sa production, à 1 015 000 t en 2017 contre 193 000 t en 2007, a précisé le ministre de l’Agriculture et de l’équipement rural, Papa Abdoulaye Seck, à Tokyo.

Agir sur les volumes, le goût, la qualité et les prix

La CARD entend renouveler sa performance lors de sa deuxième phase décennale pour parvenir à 56 Mt d’ici 2030. Mais le défi est majeur car, comme le souligne Patricio Mendez del Villar, chercheur au Cirad et éditeur d’Observatoire Osiriz/InfoArroz, “Le verre est à moitié plein et à moitié vide : la production a bien progressé, mais les importations aussi -entre 16 et 17Mt riz blanchi- et la dépendance rizicole est toujours aussi forte avec, en gros, 50% de la consommation importée.”

Pour faire progresser la production rizicole africaine, la CARD souligne qu’il ne faut pas s’arrêter aux seules actions sur la ferme, comme introduire de variétés adaptées aux diverses agroécologies africaines, investir dans l’irrigation, vulgariser les techniques de la riziculture, etc. Il s’agit aussi de continuer à formuler et mettre en œuvre des politiques rizicoles nationales permettant de mettre en place et de renforcer les chaines de valeur et les segments distributions dans les 23 pays africains membres du CAD, qui devraient être rejoints par l’Angola et le Soudan.

D’autre part, le marché africain du riz étant en forte progression (selon la FAO, la consommation passerait de 25,8 kg par habitant actuellement à 27,9 kg d’ici 2025), c’est aux filières locales d’en capter les bénéfices et d’accroître leurs parts de marché face aux importations qui devraient encore augmenter de 1,3 Mt l’année prochaine, selon l’USDA. Pour cela, il faut miser sur l’adéquation de la qualité du riz africain aux goûts des consommateurs du continent, ces derniers préférant souvent les variétés importés au riz local. Les opérations de transformation locale doivent veiller à ce que le produit fini ait moins de brisures et d’impuretés. Parallèlement, les coûts de production doivent être plus compétitifs face au grain importé.

Une concurrence internationale qui est rude et devrait s’intensifier. Le Vietnam, par exemple, a annoncé début octobre, vouloir réduire de 60% à 50% la part de l’Asie dans ses marchés du riz à l’export et, parallèlement, faire grimper la place de l’Afrique à 25%.

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1 Comment

  • Dans cet article, il est
    Dans cet article, il est écrit en conclusion “Les opérations de transformation locale doivent veiller à ce que le produit fini ait moins de brisures et d’impuretés. Parallèlement, les coûts de production doivent être plus compétitifs face au grain importé.”…

    Oui, certes, mais sur le terrain les mini rizeries et décortiqueuses, des unités qui transforment la majeur partie de paddy produit localement, ne font pas toujours de la qualité parce que ce n’est pas très rentable dans la mesure où elles peuvent difficilement vendre à un prix plus élevé (le tri cela a un coût, et les sous-produits ne sont pas assez valorisés non plus). Aussi, la plupart du temps, elles se contentent de vendre ce qui “sort de la machine”.

    Au fond, je dirais que la problématique riz local se pose moins en termes de qualité, ni même par rapport aux coûts de production (sans toutefois trop les minimiser…), mais plutôt par rapport au financement au sein de la chaine de valeur. Nombre d’acteurs rencontrés au cours de mes enquêtes (producteurs, transformateurs, commerçants) nous disent que s’ils avaient accès au crédit, ils pourraient acheter plus d’intrants et payer de la main d’œuvre pour cultiver plus de surfaces (là où le foncier n’est pas limitant). De même, les usiniers pourraient, s’ils avaient plus de trésorerie, acheter plus de paddy à transformer, et les commerçants, s’ils avaient plus de fond de roulement, acheter plus de riz à commercialiser. Bref, le financement est le premier maillon faible de la filière, et cela est commun à toutes les filières vivrières que j’ai pu étudier, en particulier en Afrique de l’Ouest. Le deuxième facteur limitant, ce sont les débouchés. Pourtant, ils existent ! Mais, ils sont mal connus ou peu accessibles aux acteurs locaux (et pas nécessairement pour des raisons liées à la qualité des produits ni aux coûts de production). A ce niveau, il faudrait travailler sur les processus d’intermédiation (contrats, échanges d’information, rencontres institutionnelles…) entre les acteurs pour améliorer la coordination dans les chaines de valeur, les rendre plus efficientes, et in fine, plus compétitives face aux circuits des riz importés (qui eux sont bien structurés et bénéficient des crédits, ou sont suffisamment capitalisés).

    La question du financement qui devrait donc être la priorité dans le développement des chaines de valeur… Et à cet égard, c’est tout le système de crédit à l’agriculture locale qu’il faudrait revoir ou mettre à plat. L’argent est le “nerf de la guerre”, comme on dit…
    bien à vous
    Patricio Mendez del Villar
    chercheur au Cirad-France

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