Pourquoi les politiques rizicoles en Afrique de l’Ouest échouent-elles ?

 Pourquoi les politiques rizicoles en Afrique de l’Ouest échouent-elles ?
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Comment se fait-il que l’Afrique, notamment l’Afrique de l’Ouest, n’enregistre pas de meilleurs résultats rizicoles ? C’est à cette question que tente de répondre le spécialiste du riz au Centre français de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad), Patricio Mendez del Villar dans un article publié hier par willagri.com, Le long chemin vers l’autosuffisance rizicole en Afrique de l’Ouest.

Les chiffres sont connus mais demeurent éloquents. Le riz est la deuxième céréale la plus consommée en Afrique, après le maïs” et en Afrique de l’Ouest “on consomme plus des deux tiers de la céréale en Afrique subsaharienne“. La consommation ouest-africaine a été multipliée par quatre ces 30 derniers années, passant de 5 millions de tonnes (Mt) au début des années 1990, à plus de 22 Mt à la fin des années 2010. Certes la production a augmenté mais pas assez : l’Afrique de l’ouest importe “45% de sa consommation totale de riz, contre 40% au début des années 2010, et 20% seulement dans les années 1960 et 1970. Les importations ont ainsi représenté 12 Mt en 2018 contre 4 Mt en 1990, soit un triplement en 20 ans. Elle est, depuis une vingtaine d’années, le premier pôle d’importation, devant l’Asie du sud-est, avec 25% des importations mondiales“. Une question devenue éminemment politique suite à la flambée des prix en 2008.

Des politiques aux résultats décevants

Face à cela, les gouvernements ont mis en place de nombreuses politiques de soutien aux filières locales mais avec des résultats décevants, précise le chercheur. “Les politiques les plus emblématiques ont été menées au Mali et au Sénégal dès 2008 avec l’Initiative riz au Mali et la Grande offensive agricole pour la nourriture et l’Abondance (Goana) au Sénégal. Ces politiques visaient, notamment, à améliorer l’accès des intrants (engrais et semences) aux producteurs par des subventions et des crédits de campagne. Des investissements lourds en infrastructures d’irrigation ont été aussi lancés afin d’intensifier la riziculture. Au Nigeria et en Côte d’Ivoire, les autorités se sont mobilisées aussi, misant en particulier sur la modernisation et l’industrialisation du secteur de la transformation afin d’améliorer la qualité du riz local et concurrencer durablement le riz importé.”

Alors, pourquoi toujours autant d’importations ? “L’une des explications“, suggère Patricio Mendez del Villar, “a été le manque de cohérence et de constance des politiques mises en place face aux enjeux, et aux contraintes, du développement des filières locales.” Les gouvernements ont soutenu les filières mais, voulant éviter une crise sociale majeure, ont réduit la fiscalité sur les importations.

Par ailleurs, l’appel à des grands investisseurs privés pour dynamiser la production rizicole et la chaine de valeur dans son ensemble, laissait peu d’espace aux petits producteurs et transformateurs artisanaux pour accéder aux ressources foncières et financières, ce qui pose la question sur des possibles conséquences sociales dans la transition de la riziculture ouest-africaine vers un modèle plus capitalistique et intensif.”.

Le développement d’agropoles au Bénin, en Côte d’Ivoire ou encore au Sénégal a connu des résultats “pour le moins mitigés“. En cause, l’échec de la démarche « top-down » où les producteurs se voient imposer “des techniques agricoles et des modèles commerciaux peu adaptés“, mais aussi “le manque de proximité et l’absence des relations de confiance entre les acteurs.”

L’interconnexion du succès

Dans les systèmes dits informels et de proximité à l’échelle des villages, voire des quartiers, les relations entre acteurs sont fondées sur une interdépendance réelle. Vendeurs et acheteurs ont des intérêts mutuels et leur réussite dépend du respect des accords passés, qu’ils soient formels ou informels. Or, dans le cas des investisseurs privés, souvent d’origine urbain, leur éloignement géographique, mais aussi culturel, par rapport aux acteurs ruraux fait que les contrats formels ne sont pas toujours respectés de part et d’autre (non livraison des quantités de riz prévues, paiement en retard…).”

Et le chercheur du Cirad de conclure que “l’une des clés de réussite se trouve dans la capacité à maitriser les changements d’échelle lors des intermédiations entre les acteurs“, notamment par “la mise en place de contrats plus flexibles” mais aussi en favorisant “une proximité plus grande avec des entrepreneurs locaux pour créer des « groupes de confiance » et une meilleure implication des jeunes et des femmes dans l’agriculture contractuelle“, mais aussi “aborder la question de la protection des filières locaux par rapport aux importations“.

Il faut aussi donner du temps au temps.

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