Livre blanc sur la banane : L'”impérieuse nécessité” de transformation, selon Afruibana

 Livre blanc sur la banane : L'”impérieuse nécessité” de transformation, selon Afruibana
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« Quand on lève le regard et que l’on considère l’état du marché européen de la banane, et tandis que s’apprête à entrer en vigueur le nouvel accord «post-Cotonou»,  on  comprend  la  nécessité impérieuse qu’il y a à conduire une réflexion stratégique  exigeante  sur  les  voies  et  moyens  de  mener à bien la transformation de notre secteur dans les années à venir », écrit Joseph Owona Kono, président d’Afruibana en introduction du Livre blanc publié en février et intitulé « La banane au cœur du développement rural africain, Un défi commun pour l’Afrique et l’Europe ».

Un Livre blanc qui dresse, tout d’abord, un constat de la perte de vitesse des filières africaines, notamment des trois pays membres d’Afruibana qui, rappelons-le, est une association panafricaine née en 2017 du regroupement d’associations de producteurs de bananes, d’ananas et de mangues en Côte d’Ivoire, Cameroun et Ghana.  

La suprématie latino-américaine plus forte que jamais

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Les trois producteurs africains ont exporté 593 190 tonnes (t) vers l’UE en 2020 contre 5 050 691 t des pays producteurs latino-américains « origines dollar ». Cette même année, les bananes latino-américaines représentaient 75,5% de la consommation européenne. Si les producteurs ACP fournissaient 19,5 % de la consommation européenne, leur part n’était plus que de 15,6% en 2020. L’emprise de l’Amérique latine est mondiale avec plus de 70 % des 500 000 ha de terres réservées à l’exportation de bananes dans le monde.

La domination de l’Amérique latine a des conséquences qui vont au-delà de l’emprise sur le marché de la distribution. La concentration de plus de 75% des exportations de bananes au monde en Amérique Latine favorise la   présence   de   tous   les   fournisseurs   d’intrants d’où l’importante productivité à l’hectare, permet un « effet   de masse sur les coûts d’approche des fruits aux ports d’embarquement » ainsi que l’existence d’un  réseau dense de  transport  maritime.

Aujourd’hui, écrivent les auteurs du rapport, avec l’érosion des préférences douanières des producteurs ACP au sein de l’UE, les producteurs africains ont touché les limites des deux dispositifs européens en place. Il s’agit, d’une part, des Mesures d’accompagnement de la banane (MAB), « sous-dimensionnées (€ 190 millions) et éclipsées par les économies cumulées de € 2,8 milliards réalisées grâce aux réductions tarifaires dont ont bénéficié les exportateurs latino-américains depuis 2009 ». D’autre part, le mécanisme de stabilisation qui n’a jamais été utilisé. Il était censé « prévenir un sur-approvisionnement du marché européen par les producteurs latino-américains en leur fixant des seuils d’exportation individuels annuels et dont la caducité était prévue fin 2019 ».

La répartition de la chaîne de valeur de la banane est « disparate »

Outre la baisse de volumes pour les ACP, l’offre de banane sur le marché européen est supérieure à la demande avec pour conséquence des prix au carton qui ont diminué de près de 25% entre 2001 et 2020.

Ce qui laisse peu de chose au producteur africain ou à l’amont de la filière, selon les chiffres du Livre blanc : 4% à 8% du prix de détail en Europe vont à la main d’œuvre des pays producteurs, 15% aux entreprises productrices, 30% à 40% aux distributeurs. Notons qu’environ 90% des fruits et légumes frais sont vendus par la grande distribution en Europe. « L’exportateur, le transporteur, l’importateur et le mûrisseur touchent au total 40 % de la valeur du marché de la banane. »

Les défis de l’Afrique

Plusieurs obstacles au potentiel de croissance du secteur bananier dans les trois pays de l’Afruibana sont identifiés dans le Livre blanc, dont des obstacles organisationnels, administratifs, institutionnels et de logistique.

A ceci se greffent les maladies. La plus faible productivité de certains producteurs et les conditions climatiques non optimales favorisent le développement de maladies comme la cercosporiose, le champignon Fusariose Race 4 Tropicale  (TR4).

« Pour l’ensemble des pays africains, le coût des intrants est problématique dans la mesure où la taille du marché africain est trop restreinte pour permettre des économies d’échelle comme en Amérique latine. Les coûts élevés de production et de transport intra- et extra-africain, un marché extérieur fortement contraint par la concurrence de la banane dollar, sont autant d’obstacles pour l’instant à une progression de la part de marché de la banane africaine. »

Les pistes proposées par Afruibana

En conséquence, pour les auteurs du Livre blanc, « le secteur de la banane africaine doit se transformer pour s’adapter à un nouveau contexte économique ».

« Nous pensons qu’il y a un certain nombre d’axes dont le premier est notre adhésion au Pacte Vert mis en avant par l’UE et auquel nous adhérons totalement », a indiqué écrit Joseph Owona Kono lors de la visio conférence organisé par Afruibana mercredi dernier sur le thème « L’agriculture au cœur de la relation Afrique-Europe » dans le cadre du nouvel accord UE-ACP post-Cotonou (lire nos informations : L’agriculture, secteur clef du nouvel accord UE-ACP post Cotonou ).

Très concrètement, cela peut passer par le raccordement et l’électrification des fermes, l’usage accru du solaire, la méthanisation des écarts de triage de bananes, la réduction de l’empreinte carbone du transport maritime et l’amélioration de l’efficacité portuaire, le renouvellement du parc des véhicules, la recherche pour une chaîne de froid moins énergivore, entre autres.

Deuxièmement, la valeur ajoutée locale doit être plus importante. Pour ce faire, Afruibana suggère de développer la cartonnerie locale, soulignant que 60 à 75 % de ses membres importent par voie maritime la totalité de leurs besoins en cartons ; actuellement, deux cartonneries existent en Côte d’Ivoire et une troisième est en cours de construction. La valeur ajoutée passe aussi par la création de laboratoires d’analyse biologique car, pour l’instant, « les analyses de qualité des produits et des intrants sont réalisées par des laboratoires tiers.  Elles représentent un coût élevé, d’environ € 280 par screening toutes les deux semaines pour la banane. » Autre exemple d’accroissement de valeur ajoutée locale, la production d’engrais -importés majoritairement à ce jour- pourrait être internalisée sur les plantations ou dans les pays producteurs.

Troisièmement, de nombreux marchés peuvent être développés. Et Afruibana de rappeler que 5% de la production annuelle de bananes, soit 32 000 t, sont hors standard. Au lieu de les perdre, elles pourraient être transformées localement en farine, lait, condiments, jus. Il existe aussi des opportunités sur les segments du bio et du commerce équitable, sur les marchés d’Europe de l’Est, d’Afrique du Nord et du Moyen Orient. Sans oublier les marchés régionaux et locaux.

De façon plus classique, Afruibana ne manque pas d’énumérer la nécessité d’améliorer les conditions de travail sur les plantations avec, notamment, une mécanisation accrue et le recours aux nouvelles technologies (automatisation de l’irrigation, etc), la formation, la promotion de l’entrepreneuriat, le développement d’un cadre d’agriculture contractuelle avec les producteurs locaux, sans oublier la promotion de la biodiversité et la lutte contre la déforestation, ainsi que la sécurisation du foncier.

 

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