Le Burkina Faso se prépare à exporter de l’électricité dès 2023

 Le Burkina Faso se prépare à exporter de l’électricité dès 2023
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Le Burkina Faso se prépare à un avenir radieux. Malgré un faible taux d’électrification à l’heure actuelle, les projets énergétiques se multiplient et nul doute que le pays devra compter sur les énergies renouvelables pour accomplir un destin désormais tout tracé : devenir une future plaque tournante de l’énergie solaire en Afrique de l’Ouest.

Néanmoins, face à la quantité considérable d’énergie solaire bientôt produite dans le pays, quelques questions méritent d’être posées : que faire de cette électricité ? Sera-elle utilisée à l’électrification du pays ou bien à l’exportation ? Quelle est la priorité du Burkina Faso ?

À l’heure actuelle, le pays -d’une superficie de 274 200 km²- est insuffisamment électrifié. En août dernier, le rapport d’évaluation du Projet « Desert to Power » – Projet d’électrification et de développement des connexions à l’électricité (Pedecel) soulignait un taux d’accès national à l’électricité de 22,5 % à la fin de l’année 2020 ; à titre de comparaison, il était de 40 % en moyenne dans la sous-région. Il s’agit donc d’un des taux les plus faibles de l’Afrique de l’Ouest. En 2020, le taux d’accès à l’électricité en milieu urbain était de 67,4 %, contre 5,3 % en milieu rural, l’objectif étant d’atteindre en 2027 un taux d’électrification de 90 % en milieu urbain et de 30 % en milieu rural. Dans l’espoir d’obtenir l’électrification universelle « à l’horizon 2030 ».

L’électrification du Burkina Faso passe aussi par la construction de centrales solaires

L’électrification du pays devrait être principalement réalisée par l’implantation et la rénovation de centrales thermiques à gaz et par l’édification de centrales solaires, dont nous détenons cette semaine l’esquisse des prochaines implantations.

À ce jour, le pays compte deux centrales solaires, toutes deux livrées en 2017. L’une à Ziga (1,1 MWc) construite en coopération avec l’ambassade de Taïwan, l’autre à Zagtouli (33,7 MWc) construite par la société française d’ingénierie électrique Cegelec, filiale de Vinci Energie et le fournisseur allemand de panneaux photovoltaïques SolarWorld. La centrale est financée par l’Agence française de développement (AFD) et l’Union européenne (UE) à hauteur de € 47,5 millions et devrait satisfaire la consommation énergétique de 660 000 personnes. Elle pourrait également bénéficier d’une extension de 50 MW financée par la Banque européenne d’investissement (BEI).

Et ce n’est qu’un début dans le développement solaire burkinabè …

À Bobo Dioulasso, une centrale solaire au service d’une localisation stratégique

En effet, la société française Africa Ren, spécialisée dans la production et le stockage d’énergies renouvelables en Afrique, vient d’annoncer la construction de la centrale solaire « Kodeni Solar » dans la commune de Matourkou, à proximité de Bobo-Dioulasso. Une fois sur pied, la centrale totalisera une puissance de 38 MWc et deviendra la plus grande centrale solaire en activité du pays (en attendant l’édification de la centrale solaire de Ouagadougou Nord-Ouest de 43,26 MWc et l’extension de la centrale de Zagtouli). La centrale sera édifiée par la société française Ineo, principale société d’Equans, filiale du groupe Engie (pour quelques temps encore… la société Equans est actuellement mise en vente par Engie).

La centrale fournira de l’électricité à 115 000 foyers et devrait être mise en service en août 2022. D’un coût total de € 41 millions, le projet reçoit le financement de divers partenaires parmi lesquels le fonds d’investissement privé Métier Sustainable Capital et la Société néerlandaise de financement du développement (FMO) que Africa Ren retrouve après la mise en œuvre de la centrale solaire Senergy 2 au Sénégal.

Bobo-Dioulasso dispose d’une situation stratégique dans la mesure où la ville est le premier point d’interconnexion électrique avec la Côte d’Ivoire, offrant une disponibilité énergétique importante et des coûts de connexions faibles. Par ailleurs, cette localisation se place à proximité de la « Dorsale Nord », la nouvelle ligne électrique qui raccorde le Burkina Faso à ses voisins maliens et ghanéens. Ainsi, la centrale Kodeni Solar favorise la décentralisation du Burkina Faso et permet à la ville de Bobo-Dioulasso de devenir une nouvelle porte stratégique du pays vers la Côte d’Ivoire, le Ghana et le Mali.

Notons qu’en 2019, six producteurs indépendants d’électricités ont signé des conventions avec le gouvernement burkinabè pour la construction de centrales solaires à Bobo-Dioulasso, Pâ, Kalzi, Dédougou, Kodeni et dans la localité de Zano.

À Zano, une centrale solaire permet un développement à plusieurs échelles

C’est justement dans la commune de Zano que Qair, producteur indépendant français d’énergies renouvelables, accompagné du fonds d’investissement Stoa Infra & Energy, viennent d’annoncer la création d’une nouvelle centrale solaire de 24 MWc. Elle devrait être mise en service au second semestre 2022 et délivrera de l’électricité à près de 75 000 foyers, en collaboration avec la société burkinabaise Syscom Network.

Cette nouvelle centrale solaire est annoncée dans le cadre de l’initiative « Make it happen in Africa » (Mihia Holding), une plateforme d’investissements dans les énergies renouvelables (solaire, éoliens, hydroélectrique, biomasse, stockage, etc) en Afrique et dont le premier projet de l’initiative se situe à Zano, dans le département du Tenkodogo (province de Boulgou). La centrale sera située à l’intersection des lignes électriques de la centrale hydroélectrique de Bagré (16 MW) et celle de Kompienga (14 MW). Ensemble, les trois centrales forment un pôle énergétique de 54 MW qui alimente directement Ouagadougou en électricité.

Parallèlement, Qair international dégage des fonds pour valoriser la communauté locale de Zano. Le 19 novembre 2020, le directeur-pays de Qair, Bruno Baritello, annonçait la mobilisation annuelle de FCFA 26 millions (€ 40 000) pour la commune pour soutenir le développement local selon cinq axes : l’accès à l’énergie, l’augmentation de la production agricole, la commercialisation des produits maraichers, l’amélioration de l’offre éducative et sanitaire, l’assistance sociale et l’appui à la gouvernance locale.

Une nouvelle centrale solaire dans la province de Bazega

Une troisième centrale solaire est annoncée ! Le ministre de l’Énergie, des mines et des carrières, Bachir Ismaël Ouédraogo et l’ambassadeur de la république populaire de Chine au Burkina Faso, Li Jian, ont signé la semaine dernière un protocole d’entente pour la construction d’une centrale solaire de 4 MWc dans la province de Bazega. Cette centrale est un don de l’Etat chinois estimé à FCFA 3,4 milliards (€ 5,2 millions) et devrait permettre à 20 000 familles d’avoir accès à l’électricité.

Des exportations énergétiques en ligne de mire ?

Ces nouveaux et nombreux projets devraient favoriser l’électrification du pays et permettre dans le même temps des exportations vers d’autres États de la CEDEAO dans le cadre du fameux Système d’échanges énergétiques (EEEOA). Les nouvelles liaisons électriques avec le Ghana, le Mali et le Niger mettront fin à l’isolement du Pays des Hommes intègres qui était jusqu’alors uniquement raccordé à la Côte d’Ivoire.

Le pays compte actuellement 2 centrales solaires photovoltaïques en fonctionnement d’une puissance cumulée de 35 MWc.  Parallèlement, près de 15 projets de centrales solaires sont à l’étude et disposent d’une puissance totale de 373 MWc, soit 407 MWc avec les centrales actuelles (voir : http://u.osmfr.org/m/667037).

Toutefois, le total cumulé des centrales solaires ne prend pas en compte l’installation d’une potentielle centrale solaire destinée à l’exportation d’électricité dans la région. « Nous allons construire une centrale solaire sous-régionale, qui permettra au Burkina d’exporter de l’électricité », soulignait le ministre de l’Energie, des mines et des carrières, Bachir Ismaël Ouédraogo, à Jeune Afrique en mars dernier. Cette centrale solaire ne serait érigée qu’une fois la ligne de la dorsale nord construite. Rappelons que cette ligne électrique désenclave le Burkina Faso : elle débute au Nigeria et termine au Mali en passant par le Niger et le Burkina Faso.

L’EEEOA fait part de ce projet dès 2017. Il s’agit d’un parc solaire de 150 MWc d’une valeur de $ 168,7 millions d’après la Banque mondiale. En juillet dernier, l’EEEOA allait jusqu’à annoncer le calendrier de ce projet : les enchères pour la mise en œuvre du parc solaire devraient être lancées au troisième trimestre 2021 et sa mise en service officielle est prévue en 2023.

La mise en œuvre d’un parc solaire exclusivement destiné à l’exportation d’électricité rend compte que les problématiques d’électrification nationale et d’exportations énergétiques ne sont pas nécessairement liées. Toutefois, si le parc solaire d’une puissance de 150 MWc limite ses fonctions à l’exportation d’énergie en 2023, quelle sera la réaction des Burkinabè qui attendent l’électrification ? Affaire à suivre.

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