Comment l’invasion russe en Ukraine a-t-elle impactée les marchés de matières premières ?

 Comment l’invasion russe en Ukraine a-t-elle impactée les marchés de matières premières ?
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Le bruit des bottes en Ukraine raisonne à travers le monde et a considérablement impacté les marchés en fin de semaine dernière. Les marchés financiers, bien sûr, mais aussi les marchés de matières premières industrielles et agricoles, l’Ukraine étant, entre autres, un des greniers céréaliers du monde et la Russie étant un acteur majeur notamment sur l’énergie.

Regardons l’évolution des marchés des produits qui intéressent au premier chef l’Afrique de l’Ouest, tant à l’import qu’à l’export, de mercredi, veille de l’invasion russe, à leur clôture vendredi soir.

Mercredi donc, alors que Moscou niait vouloir envahir et que les Etats-Unis indiquaient qu’une escalade dans le conflit ne devrait sans doute pas résulter en des sanctions sur l’approvisionnement énergétique de la Russie qui, rappelons-le, est un des principaux pays producteurs de brut au monde, le baril de Brent a clôturé à New York à $ 96,84 après avoir touché en cours de séance $ 99,50, son prix le plus élevé depuis septembre 2014. Jeudi, le baril franchissait la barre des $ 100 et grimpait à $ 105 mais vendredi, à la clôture, il était revenu à $ 97,93. En définitive, sur la semaine, le Brent n’a gagné qu’environ 4,7%. Cette hausse somme toute modérée au regard de la situation s’explique par plusieurs facteurs. Tout d’abord, jusqu’à maintenant, les sanctions internationales ne portent pas sur le pétrole et le gaz russes : rappelons que sur les 4,6 millions de barils jours (Mbj) que la Russie exporte, 2,3 (Mbj) sont destinés à l’Occident. D’autre part, même si on est encore loin d’un accord, l’Iran refait surface sur l’écran radar de l’approvisionnement mondial en pétrole. Par ailleurs, des négociations sont en cours pour puiser dans les réserves stratégiques notamment aux Etats-Unis. Mais, hier encore, le transit de gaz russe vers l’Europe via l’Ukraine se poursuivait normalement après l’annonce d’une frappe contre une infrastructure gazière près de Kharkiv, dans le nord-est de l’Ukraine, selon l’exploitant ukrainien du gazoduc et le géant gazier russe Gazprom,.

Quant à l’or, véritable valeur refuge en période de crise, après avoir atteint $ 1 973,96 l’once jeudi, son plus haut depuis septembre 2020 seulement, il a terminé vendredi soir à New York en baisse à $ 1887,24.

Ce sont les céréales et les oléagineux qui, sans surprise, ont véritablement flambé. De nombreux pays dépendent du blé russe, mais aussi du maïs ou du tournesol ukrainien.

S’agissant des oléagineux, les pays de la Mer Noire représentent 76% des exportations mondiales d’huile de tournesol, grande rivale de l’huile de palme (lire notre dernier chronique hebdomadaire de marchés). Les marchés céréaliers sont donc demeurés très tendus jusqu’aux prises de bénéfices spéculatives, juste avant la clôture vendredi, les marchés restant des marchés…En définitive, sur la semaine, les cours de l’huile de palme sur le marché à terme de Kuala Lumpur auront gagné 8%, sa plus forte hausse depuis le 8 octobre, terminant vendredi soir à 5 984 ringgit ($ 1 425,27) la tonne après un plongeon de 7% juste avant la clôture pour le week-end. Il avait grimpé à 6 043 ringgit la veille de l’invasion, mercredi. Outre le côté purement spéculatif de ces prises de bénéfices, il faut indiquer que les exportations malaisiennes d’huile de palme ont augmenté de 25% à 28% entre le 1er et le 25 février par rapport à janvier. Ceci  dit, la tendance est bien à la fermeté des cours : d’ailleurs, dans sa traditionnelle annonce mensuelle, l’Indonésie a relevé hier son prix de référence sur mars pour son huile de palme brute à $ 1 432,24 la tonne contre $ 1 314,78 en février. Une situation qui attise la guerre perpétuelle entre les différents oléagineux notamment pour des pays comme l’Inde, premier importateur mondial d’huiles comestibles. Et l’impact de la guerre est immédiate : l’Inde a sa cargaison de 380 000 t ($ 570 millions) d’huile de tournesol bloquée dans les ports de la Mer noire et se tourne vers l’huile de soja et de palme (lire notre dernière chronique). D’ores et déjà, les négociants indiens se sont tournés vers les États-Unis, s’engageant à importer un montant record de 100 000 tonnes d’huile de soja. Le Brésil pourrait aussi voir ses exportations d’huile de soja dépasser les 1,7 million de tonnes (Mt), soit un niveau record. Déjà en janvier les exportations brésiliennes d’huile de soja avaient caracolé à 170 300 t contre 8 500 t en janvier 2021, l’Inde à elle seule en achetant 140 000 t, son plus important achat en 20 ans, de source gouvernementale indienne.

Quant aux céréales, cela faisait neuf ans (septembre 2012) qu’on n’avait pas enregistré un tel pic de prix du blé que celui à la clôture mercredi sur le marché à terme de Chicago, à $ 8,84 le boisseau de blé rouge tendre d’hiver ; il a terminé vendredi à $ 8,59, ayant pris 6,9% sur la semaine. Il en a été de même des graines de soja qui étaient à $ 16,71 le boisseau mercredi pour terminer la semaine en dessous de la barre des $ 16, à $15,84, finalement en baisse de 1,2% sur la semaine. Le maïs, quant à lui, n’aura gagné qu’un modeste 0,5% sur cette même semaine, terminant vendredi soir à $ 6,55 contre $ 6,81 mercredi soir, un plus haut depuis juin.Les produits tropicaux ont-ils été impactés ? Ceux corrélés aux produits énergétiques, de toute évidence.

Sur le marché à terme d’Osaka au Japon, le caoutchouc naturel a enregistré vendredi sa quatrième semaine consécutive de hausse avec un gain de 1,4%, ce produit étant en concurrence directe avec le caoutchouc synthétique, produit dérivé du pétrole. Le coton naturel -dont le rival, les fibres synthétiques, est aussi un dérivé du pétrole-  a grimpé mercredi à 120,72 cents/lb mais a terminé la semaine en retrait, à 117,97 cents sur l’échéance mai avec notamment des ventes nettes hebdomadaires des Etats-Unis en hausse de 56% par rapport à la semaine précédente, sans que ceci n’ait de lien avec l’invasion russe. Le sucre -autre produit très lié au marché pétrolier via l’éthanol dérivé de la canne- a grimpé mercredi à 18,53 c/lb à New York mais a terminé en baisse vendredi à 17,99 cents.

Les produits purement tropicaux se voient impactés aussi mais indirectement car, côtés en bourse, ce sont des produits financiers comme d’autres, subissant les aléas des monnaies, des investisseurs et spéculateurs qui jonglent d’un marché à l’autre. Ceci dit, ces marchés demeurent largement drivés par leurs propres fondamentaux. Ainsi, la livre de café Arabica est passée de $ 2,4755 mercredi soir à $ 2,3865 vendredi soir, après avoir chuté de 4% jeudi, les investisseurs préférant réduire leurs positions à risque et ont donc réduit jeudi leur position nette longue. Le café Robusta a aussi dégringolé de $ 2 234 à $ 2 178 la tonne à Londres, comme le cacao qui a glissé de £ 1 752 à £ 1729.

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