Des chaînes de valeur du cacao et du café en Afrique en évolution mais encore peu créatrices de valeur

 Des chaînes de valeur du cacao et du café en Afrique en évolution mais encore peu créatrices de valeur
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Le cinquième rapport annuel du Moniteur du commerce agricole en Afrique (AATM),  publié hier par Akademiya2063 et l’International Food Policy Research Institute (Ifpri) souligne une fois de plus la nécessité d’accroitre le commerce interafricain et d’adopter une approche plus audacieuse de la mise en œuvre de la Zone de libre échange continentale africaine (ZELCA) surtout dans un contexte de perturbations de la chaîne d’approvisionnement, de la hausse des prix exacerbée par la guerre russo-ukrainienne et d’une crise alimentaire imminente. Regard sur le chapitre 4 du rapport « Les trois grands stimulants : une analyse des chaînes de valeur du cacao, du café et du thé en Afrique ».

Café, cacao et thé, trois grandes cultures de l’Afrique qui participent à la chaine de valeur mondiale  et qui s’inscrivent dans l’héritage colonial et les politiques post-indépendance. Importantes voir déterminantes pour certains pays, la part de l’Afrique dans les exportations mondiales totales de ces trois produits de base a diminué au fil du temps. Ainsi, la part de l’Afrique dans les exportations de cacao est restée supérieure à 25 % entre 2009 et 2013, mais est tombée à 19,6 % en 2020. Quant aux exportations africaines de café, elles accusent une baisse constante passant de 8,3% en 2003 à 5,8% en 2020.

Des exportations dominées par des produits de base non transformés. Ainsi, de 2016 à 2020,  la valeur moyenne des exportations non transformées de cacao, de café et de thé était de $9,457 milliards,  soit 64,7% des exportations totales de l’Afrique de ces trois produits. C’est un peu moins que sur la période de 2006-2010 où le pourcentage était de 70%. Toutefois, les produits semi-transformés sont passés de 25,8% à 30,9%. En revanche, la part des biens transformés reste modeste, avec une augmentation de 3,5 à 4,3 % entre les deux périodes. Les chaînes de valeur régionales pour ces produits sont aussi sous-développées. Selon AATM 2022, les parts des exportations intra-africaines dans les exportations africaines totales étaient stables à environ 0,02% pour le cacao, 0,15 % pour le café et 0,2 % pour le thé entre 2006 et 2020.

Les dix premiers exportateurs pour les trois produits sont la Côte d’Ivoire, à la première place, suivi du Ghana, du Kenya et Éthiopie. La part des exportations de la Côte d’Ivoire parmi les 10 premiers exportateurs est passée de 38,4 % en moyenne à 43,3 % entre les deux périodes. Ensemble, la Côte d’Ivoire et le Ghana représentent plus de 62 % des exportations totales des 10 premiers pays. L’Egypte est le seul pays d’Afrique du Nord à se classer parmi les 10 premiers exportateurs, à partir de 2016-2020 en raison des réexportations de thé kenyan après emballage et commercialisation.

Des exportations encore peu transformées pour le cacao et le café

Le commerce du cacao est concentré dans les exportations non transformées ($7,351 milliard de 2016 à 2020)  mais celles de  produits semi-transformés et transformés ont  augmenté plus rapidement (de 72,3% à $ 2,793 milliards et 103 % à 452 millions respectivement entre 2006-2010 et 2016-2020, contre 23,5% pour les fèves) tout en restant mineures.

Une situation qui reflète les difficultés des pays africains à accéder à la transformation et ce pour deux raisons selon  AATM. « Première, un stockage ventilé adéquat avec des températures fraîches est nécessaire pour faire face aux conditions météorologiques chaudes et humides. Deuxièmement, en plus du manque de logistique efficace, les coûts de commercialisation élevés et les difficultés rencontrées par de nombreux pays africains pour respecter la qualité exigences à des coûts compétitifs compromettent le potentiel des producteurs africains à accroître leurs exportations de produits transformés à base de cacao ». Toutefois, l’Afrique du Sud et l’Egypte sortent du lot avec des réussites notables dans la modernisation des produits et les exportations de chocolat tandis que le Ghana et la Côte d’Ivoire, ont également réussi à se moderniser le long de la chaîne de valeur du cacao en investissant dans le broyage et l’exportation de pâte et beurre de cacao vers les pays développés.

Quant au café, et bien que la chaîne de valeur soit moins complexe que celle du cacao, peu de transformation du café se fait en Afrique En comparant toujours les périodes 2006-2010 et 2016-2020, les exportations de café ont augmenté de 23,5 % pour atteindre  $2,078 milliards en 2016-20, tandis que celles de semi-transformé (y compris les grains de café torréfiés) a chuté de $131,4 millions à $50,2 millions de dollars, mais celles de café transformé (y compris les extraits, essences, et concentrés de café) a légèrement augmenté, passant de $161 millions à $180 millions. Une transformation du café au niveau mondial dominée par un petit nombre d’entreprises.

Des exportations dirrigées majoritairement vers les pays de l’OCDE

Les exportations de cacao brut et semi-transformé d’Afrique sont majoritairement destinées aux marchés européens et américains. En revanche, pour le chocolat, la structure commerciale est plus diversifiée. Si la France est le 1er importateur (26,8%), plusieurs pays arabes importent du chocolat africain comme l’Arabie saoudite (11,6 %), les Émirats arabes unis (7,2 %) et du Koweït, la Jordanie et l’Irak avec des parts plus petites. Et le 1er exportateur de produits transformés à base de cacao vers la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord est l’Égypte.

Pour le café, si les pays de l’OCDE sont le premier marché du café non transformé africain, en particulier l’Allemagne, les Etats-Unis et l’Italie, les marchés du café semi-transformé sont plus diversifiés avec l’Arabie saoudite  (16,2 %), suivie de la Namibie et le Botswana (9,1 et 8,9 % respectivement). Sur les deux périodes, on observe une baisse de la part des pays de l’OCDE. Quant au café transformé, la présence des pays de l’OCDE s’est effondrée au profit des pays arabes et africains. Une évolution qui souligne des difficultés pour les pays africains de respecter les normes des pays de l’OCDE, selon AATM.

Un potentiel sous-exploité

Globalement, AATM estime que de nombreux pays africains n’exploitent pas pleinement leur potentiel dans le commerce du cacao et du café tant au niveau des volumes que des produits à plus forte valeur ajoutée. Une situation qui s’explique par plusieurs facteurs.

Le premier se situe au niveau de la structure des chaînes de valeur au niveau mondial et régional. « Au niveau mondial, la transformation du cacao et du café, par exemple, se caractérise par la chaîne fragmentation due à la concentration des activités en aval entre quelques grandes multinationales entreprises sur les marchés de consommation. Dans certains cas, comme pour le café, les aspects techniques et la rentabilité considérations signifient que la transformation est mieux faite près du consommateur » souligne AATM.

En outre, la prédominance des anciennes puissances coloniales en tant que partenaires commerciaux majeurs et leur recours à des tarifs croissants en lien avec le degré de transformation contribuent à la stagnation des relations commerciales. Par exemple pour le  cacao, le tarif pour le cacao semi-transformé en provenance d’Afrique est de 2,1% pour l’Europe et de 0% pour le chocolat, de 0% pour les Etats-Unis mais de 7,1% pour le chocolat, respectivement  de 20,2% et 24,3%  pour le Brésil et 11% et 8,6% pour la Chine.

Mais les pays africains imposent aussi des taris élevés et croissants. Par exemple, les droits de douane sur  le cacao semi- transformé est de 7,3% et de 13,3 % sur les produits de cacao transformés. Dans le cas du café torréfié, les fèves sont soumises au taux tarifaire le plus élevé de la chaîne de valeur (9,4 %). Paradoxalement, de nombreux pays africains continuent de se procurer une part substantielle de cacao, café ou thé en dehors du continent à des fins de transformation et de fabrication de produits finis.

Il faut aussi compter avec le Système des préférences généralisées (SPG), qui parfois relève de la protection du marché. Une plus grande transparence des règles commerciales de l’UE et des États-Unis est nécessaire mais aussi les produits africains doivent être de meilleure qualité, souligne AATM.

Enfin, mais cela n’est pas propre aux filières cacao ou café, les exportations sont grevées par l’insuffisance des infrastructures et les coûts élevés du transport.

 

 

 

 

 

 

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