Le marché de l’huile de palme se redessine

 Le marché de l’huile de palme se redessine
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La décision de l’Union européenne de supprimer à terme l’huile de palme dans les biocarburants dans un contexte de demande affaiblie et de prix bas oblige les deux géants asiatiques de l’huile de palme à réagir. Mesures de rétorsions, dépôt d’une plainte auprès de l’OMC mais aussi développement de la consommation intérieure et diversification des marchés sont des alternatives envisagées et pour certaines déjà mises en œuvre.

Sans être une bombe, la décision de l’Union européenne d’éliminer progressivement l’huile de palme dans les biocarburants à partir de 2023 et de les supprimer en 2030, est un challenge pour les deux premiers producteurs mondiaux d’huile de palme, l’Indonésie et la Malaisie. L’Europe est après l’Inde, le deuxième acheteur d’huile de palme avec une consommation de 7,5 millions de tonnes par an, soit environ 10 à 15% de la demande mondiale.

Une Union européenne qui ne lâche rien. La semaine dernière, la Commission européenne a déclaré qu’elle avait proposé des droits allant de 8 à 18% sur les importations de biodiesel en provenance d’Indonésie estimant que les producteurs indonésiens bénéficiaient de subventions sous forme de financement, d’allégements fiscaux et d’approvisionnements d’huile de palme à des prix artificiellement bas.

L’UE a commencé à s’intéresser au biodiesel d’Indonésie mais aussi d’Argentine, celui-ci à base de soja, en 2012 et a imposé des droits antidumping aux entreprises des deux principaux producteurs en 2013. Toutefois, les exportateurs ont eu gain de cause devant l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et la Cour de justice des Communautés européennes. L’UE a donc supprimé les droits de douane, ce qui a provoqué une augmentation des importations. À la suite de la suppression des droits antidumping, la Commission européenne a ouvert une enquête sur d’éventuelles subventions injustes. Dans l’attente, de la conclusion de l’enquête de l’UE les mesures sont provisoires et s’appliqueront à partir du 6 septembre. Des droits définitifs, généralement appliqués pendant cinq ans à la fin d’une enquête, devraient être fixés au plus tard le 4 janvier 2020. Une décision qui porterait un nouveau coup dur à l’Indonésie. Mais devrait profiter temporairement à la Malaisie qui s’attend à une production et des exportations de biodiesel record en 2019.

Une Europe qui consomme de moins en moins d’huile de palme pour les produits alimentaires et aliments pour animaux – en baisse de 11% en 2018 – l’huile de palme étant de plus en plus importée pour fabriquer du biodiesel. En 2018, 65% de l’huile de palme importée dans l’UE était destinée à la production d’énergie.

Cap sur la consommation intérieure

Face à une demande en berne et aux restrictions européennes, l’Indonésie s’efforce d’accroître la consommation intérieure d’huile de palme. L’année prochaine, elle devrait rendre obligatoire un biodiesel avec une teneur en biocarburant de 30% (B30) dans les voitures contre 20% actuellement. Les tests ont démarré en juin, et les experts estiment que cela pourrait porter la consommation à 9 milliards de litres (7,8 millions de tonnes) contre une estimation de 6,2 milliards en 2019, soit une augmentation de 45%. Le biodiesel accaparerait alors plus de 18% de la production nationale d’huile de palme. Le ministère de l’Energie envisage aussi d’étendre les tests aux trains, navires et machines lourdes dans le secteur minier. Même démarche de stimulation des marchés locaux en Malaisie, qui ambitionne de doubler la teneur en huile de palme contenue dans le biodiesel utilisé dans le secteur des transports pour atteindre 20% d’ici 2020, ce qui devrait augmenter la demande nationale d’huile de palme brute de 1,3 million de tonnes par an selon le gouvernement.

En parallèle, les pays cherchent à développer de nouveaux marchés pour supplanter la demande européenne. La Malaisie vise en particulier l’Afrique (Lire L’Afrique un marché cible pour l’huile de palme de Malaisie) mais aussi les pays arabes comme  l’Arabie Saoudite, et la Chine. A l’occasion de la visite officielle du Premier ministre malaisien Tun Dr Mahathir Mohamad en Chine en avril dernier un protocole d’accord a été signé entre le Malaysian Palm Oil Council (MPOC) et la China Chamber of Commerce of Import and Export of Foodstuffs, Native Produce and Animal By-products (CCCFNA) pour l’achat par la Chine de 1,9 million de tonne (Mt) supplémentaires d’huile de palme pour une valeur de 4,56 milliards de ringgits – avec un prix de base de $600 la tonne – entre 2019 et 2023. La Chine était le troisième marché d’exportation de l’huile de palme de la Malaisie en 2018 avec 1,86 Mt, après l’UE (1,91 Mt) et l’Inde (2,51 Mt).

Les pays d’Asie n’excluent pas non plus de déposer une plainte à l’organe des règlements des différents de l’OMC mais la procédure est longue – jusqu’à 5 années – et très coûteuse.

Les contrats à terme se développent

Si la Bursa Malaysia Derivatives Exchange est toujours de loin la référence pour les contrats à terme sur l’huile de palme, l’Asia Pacific Exchange (Apex) basé à Singapour a commencé il y a un peu plus de trois mois à négocier des contrats à terme sur l’huile de palme suscitant l’intérêt des investisseurs avec des volumes en progression. De son côté, le Dalian commodities Exchange (DCE) en Chine souhaite ouvrir des contrats à terme sur l’huile de palme ouvert aux investisseurs étrangers (cf. nos informations). La bourse malaisienne compte toutefois garder sa position dominante en lançant de nouveaux produits dont un contrat  sur une huile de palme certifiée durable d’ici à 2020.

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