Coronavirus ou non, on n’arrête pas le marché du café !

 Coronavirus ou non, on n’arrête pas le marché du café !
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L’impact du coronavirus sur le marché du café est majeur et ses conséquences peuvent être durables. Deux facteurs l’influent : côté offre, le monde et notamment le Brésil connaissent des difficultés dans les secteurs transport et portuaires ce qui restreint les flux (lire Les torréfacteurs de café stockent craignant une rupture de la chaîne d’approvisionnement) ; côté demande, les importateurs de café dans plusieurs grands pays consommateurs font des réserves et les consommateurs, confinés, se réconfortent et se dorlotent en buvant une bonne tasse de café et souvent pas n’importe lequel ! Ceci se greffe sur une tendance lourde, positive, de la consommation de café.

 

Sur les prix, tous ces facteurs ont un impact net : les cours du café sur les marchés à terme ont grimpé en mars alors que le pétrole a chuté de 50% et le Dow Jones de 15%.

 

 

Au Brésil, les chauffeurs routiers en héros

 

Côté offre, vendredi, le ministère de l’Agriculture au Brésil a émis une ordonnance pour considérer les stations services, les garages, les arrêts pour les conducteurs de camions et les restaurants d’autoroute comme étant des services essentiels en ces périodes  de crise, au même titre que les ports, les entrepôts, les chemins de fer et les autoroutes elles-mêmes. Objectif : répondre aux besoins impératifs et à la grogne montante des chauffeurs routiers qui, eux, ne sont pas confinés et transportent les produits alimentaires, les produits essentiels, les aliments pour bétail, etc. Une situation qui se retrouve quasiment partout dans le monde aujourd’hui confiné, mais nous évoquons ici le Brésil car cela touche plus particulièrement la filière café dont le pays, rappelons-le, est premier producteur et exportateur. Or, les chauffeurs de camion se font de plus en plus réticents à répondre présents pour de grands trajets par peur du virus.

 

Chez ce géant géographique, parcourir 2 000 km pour acheminer des denrées au port est monnaie courante. Et cet acheminement se fait à 61% par camion contre 21% par voie ferrée et 14% par voies d’eau, selon les chiffres du mois de janvier de la Confédération brésilienne des transports rapportés par Reuters.

 

En parallèle, au Brésil comme ailleurs, les exploitants agricoles -comme d’ailleurs les entreprises de transport-  s’inquiètent de trouver suffisamment de personnel pour récolter et pour réparer leurs équipements. Or, la récolte du café -qui s’annonce quasi record- va bientôt commencer dans ce pays de l’hémisphère sud comme celle des céréales, notamment le maïs.

 

Il en est de même en Colombie, n°1 mondial des Arabica lavés. “La récolte [de café,ndlr] devrait commencer fin avril-début mai et nous devons nous préparer à ce que les mesures de confinement (décrétées la semaine dernière) soient prolongées au-delà du 13 avril, ce qui est fort probable“, a expliqué Roberto Velez, président de la Fédération des producteurs de café colombiens. Même si les planteurs et leurs employeurs sont dispensés de cette obligation de confinement, transférer et héberger quelque 150 000 travailleurs dans des conditions sanitaires suffisantes sera difficile, estime-t-il, en précisant qu’il sera également compliqué de traiter les fèves de café et de les expédier.

Maintenir les flux maritimes mondiaux

 

Côté fret, selon Sotran Logistica, un des fournisseurs majeurs brésiliens de services de transport, son coût a augmenté de 30% en mars et il devrait encore progresser de 40% en avril. En outre, le rythme des commandes s’accélère, notamment pour le café.

 

Nous avons eu des demandes d’acheteurs dans tous les grands pays – Etats-Unis, Japon, Allemagne“, a déclaré à Reuters le responsable de l’un des principaux exportateurs de café brésilien, sous couvert d’anonymat. “En gros, tous les principaux torréfacteurs du monde. Ils veulent recevoir les fèves rapidement, juste au cas où.” Pour sa part, un négociant basé à Londres précise qu’il a déjà “certaines (commandes) qu’il ne peut pas honorer” car “les torréfacteurs et les négociants font des stocks parce qu’ils anticipent des ruptures d’approvisionnement“.

 

En Colombie, Carlos de Valdenebro,  directeur pays de l’exportateur Caravela Coffee, explique que les commandes arrivent plus vite car la plupart des exportateurs qui détiennent encore des stocks ont temporairement réduit leurs capacités opérationnelles. Les principaux importateurs américains se ruent d’ailleurs vers d’autres origines, dont l’Amérique centrale.

 

Où sont les conteneurs ?

 

Les commandes de produits physiques sont là mais les conteneurs pas toujours. Il en manquerait des dizaines de milliers en Europe et aux Etats-Unis qui avaient été gélés ern Chine lors de son confinement. Alors, certes, les grands ports chinois ont maintenant repris leurs rotations quasi habituelles, soulignait Les Echos mercredi dernier. Mais ils vont prendre 4 semaines environ pour parvenir à destination, en Europe notamment. Et là, les choses ne vont pas se passer comme sur du velours car une fois accostés, ces navires devront être déchargés pour repartir et leurs cargaisons stockées. Mais où mettre l’équipement de maison, les textiles, etc. qui aujourd’hui ne sotn quasiment plsu commercialisés ? Les ports vont être encombrés, voire saturés, et les retards vont s’accumuler.

 

Et il n’y a pas que laChine. Samedi, The New Indian Express faisait état de 11 000 conteneurs équivalent vingt pieds (TEU) qui étaient paralysés au port de Chidambaranar, le quatrième terminal à conteneurs en Inde. Les ordres de confinements qui, pourtant, ne touchaient pas les secteurs des services, notamment les transports, n’étaient pas encore transmis aux forces de l’ordre.

 

D’où l’appel conjoint lancé la semaine dernière aux pays du G20 par l’International Chamber of Shipping (ICS), qui représente environ 80% de la flotte marchande mondiale, et l’International Association of Ports and Harbors (IAPH) pour que les flux maritimes mondiaux se maintiennent.

La douceur du chez soi

 

Mais revenons à notre café. Côté demande, certes les cafés, coffee shops, bars, restaurants, etc. ont fermé quasiment partout et les chiffres ne sont pas encore disponibles pour évaluer l’importance du basculement sur la consommation à domicile. Pour David Lovatt, PDG de du très trendy GenTech spécialisé dans les produits alimentaire et boissons gourmets du segment CBD à New York (ex. des cafés et thés infusés au cannabidiol), la dynamique du “restez-à-la-maison” pourrait remodeler le profil de nombreuses filières au cours des prochains mois. D’ores et déjà, comme d’autres, il a noté l’envol de ses commandes en ligne pour son café de haute gamme “Secret Java”, rapporte l’agence Bloomberg. “Une fois que vous avez montrer aux gens qu’ils peuvent connaître, dans le confort de leur maison, l’expérience du café gourmet auxquels ils goutaient avant dans les coffee shops, on ne pourra pas remettre le génie dans sa bouteille !” Ce driver à court terme que représente le confinement lié au coronavirus pourrait avoir des conséquences à long terme car “vous pénétrez dans des recoins d’un marché qui, jusqu’à maintenant, n’était tout simplement pas intéressé par la livraison à domicile. Le potentiel d’expansion est fort.”

 

Et cela passerait par les services abonnements pour des biens consommés à la maison. Selon Forbes, ce segment aux Etats-Unis a augmenté de 890% entre 2014 et 2018, avec une hausse notable sur ces deux dernières années qui pourrait bien s’accélérer au fur et à mesure que les services de coordination et de livraison arrivent à maturité. A ce jour, seulement 7% des foyers américains ont recours à ce type de service ce qui témoigne de l’immense potentiel de développement à venir.

De toute façon, qui peut se passer de son café ?

 

Maintenant, si on conjugue cette nouvelle tendance sur les marchés matures à travers le monde au fait que la consommation de café augmente, ceci est de bon augure pour la filière ! S’agissant des Etats-Unis, la National Coffee Association (NCA) a fait paraitre jeudi une nouvelle étude soulignant que le nombre de personnes consommant chaque jour du café a progressé de 5% depuis 2015. Ainsi, le café demeure la boisson la plus consommée dans la plus grande économie mondiale.

 

Chaque jour, 62% des personnes aux Etats-Unis boivent du café. Elément majeur, la consommation sous des formes non traditionnelles, que ce soit du café frappé, mélangés ou froid est de plus en plus populaire parmi les jeunes :  20% des personnes de mois de 40 ans boivent au moins une tasse de café froid par semaine. La NCA rappelle que ce café n’existait quasiment pas il y a 5 ans .

 

Par “café froid”, on entend du “iced coffee” et du “cold brew” . A la différence du café glacé préparé à base d’eau chaude, le “cold brew” consiste en des graines de café torréfiées plongées dans l’eau froide, explique frenchmorning.com. L’infusion peut prendre entre 12 heures et toute une journée. Une fois le breuvage concocté, on peut y ajouter des glaçons, du lait, de la crème, du sucre. On trouve du café froid en canettes, ou servi en fût, ou encore en version nitro coffee (infusée de nitrogène, comme certaines bières, pour créer plus de mousse).

 

Autre élément intéressant, le nombre de personnes aux Etats-Unis qui consomment du café sans sucre a progressé de 66% entre 2015 et 2020. Sans oublier que les ventes de café gourmet, outre-Atlantique- ont grimpé de 25% en cinq ans.

 

Bref, coronavirus ou non, on n’arrête pas le marché du café !

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