Formation agricole : la Côte d’Ivoire et la France misent sur le service civique en réciprocité

 Formation agricole : la Côte d’Ivoire et la France misent sur le service civique en réciprocité
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Lors du Salon de l’Agriculture et des Ressources animales (Sara), qui s’est déroulé du 29 septembre au 7 octobre à Abidjan, une importante mission de la Direction de l’enseignement et de la recherche du ministère français de l’Agriculture et de la souveraineté alimentaire était présente. Que fait la France en la matière ? Comment coopère-t-elle avec la Côte d’Ivoire ? Avec quels objectifs ?

Entretien au Sara de CommodAfrica avec Rachid Benlafquih, chargé de mission Afrique sub-saharienne au ministère français.

Pouvez-vous nous préciser que fait le ministère français de l’Agriculture en matière de formation en Côte d’Ivoire et la raison de votre présence au SARA ?

Nous sommes une délégation du ministère de l’Agriculture et de la souveraineté alimentaire français. Plus particulièrement, nous travaillons pour la Direction générale de l’enseignement et de la recherche qui porte sur l’enseignement agricole français. Au SARA, nous sommes venus en délégation avec neuf personnes. Je représente cette Direction générale et plus particulièrement la Mission de coopération internationale de l’enseignement agricole. Je suis accompagné de différents personnels d’établissements d’enseignement technique agricoles français (directeurs, enseignants, employée d’exploitation agricole) ainsi que des animateurs du réseau géographique Afrique de l’Ouest, plus particulièrement la Côte d’Ivoire.

Quelle est votre mission et, concrètement en Côte d’Ivoire, qu’avez -vous fait ces deux ou trois dernières années ?

Nous avons 35 ans d’histoire de coopération dans le domaine de la formation agricole rurale avec le ministère de l’Agriculture de Côte d’Ivoire, notamment avec l’Institut national de formation professionnelle agricole (INPFA) qui est notre homologue.

Concrètement, que faisons-nous ? Nous organisons des mobilités réciproques de jeunes, d’apprenants, de formateurs et, plus généralement, de personnes de la communauté éducative. Il existe des mobilités individuelles ou collectives. Par exemple, en décembre dernier, nous étions un groupe d’une cinquantaine d’adultes et de jeunes qui étions venus ici. Nous avons passé deux semaines en immersion à Bingerville dans un des établissements de l’INFPA.

Au travers de ces mobilités réciproques, on met en place, on structure et on accompagne des partenariats de pair à pair entre établissements agricoles du côté français et leurs partenaires en Côte d’Ivoire. On travaille sur des projets comme l’agroécologie, le machinisme agricole, les pratiques agricoles sur différentes filières, entre autres.

Nous accueillons aussi, dans nos établissements agricoles en France, notamment en BTS agricole, des étudiants venant de Côte Ivoire et nous mobilisons aussi l’instrument du service civique agricole en réciprocité. Nous travaillons avec le ministère de l’Europe, des Affaires étrangères, via France Volontaires.

Nous accueillons ainsi des jeunes dans nos établissements sur des durées allant jusqu’à 8 à 12 mois, soit une année scolaire. Lorsqu’ils reviennent en Côte d’Ivoire, on a pu constater que certains avaient complétement modifié la vision de leur métier dans l’agriculture. Certains qui partent avec à l’esprit de devenir fonctionnaire reviennent en voulant être entrepreneur. On voit l’impact très concret en termes de modification d’attitude, de renforcement de compétences techniques et, de ce fait, ils développent une capacité à se produire dans le monde de l’agriculture en tant qu’entrepreneur. Certains se disent se voir être un acteur du changement et du développement économique de leur pays.

En termes de contenu, comment déterminez-vous vos priorités au fil du temps, des pays, etc. Quelles sont les priorités du moment du ministère en France ?

Les valeurs de notre ministère de l’Agriculture et de l’enseignement agricole, depuis très longtemps, ont été des valeurs de réciprocité, d’inclusion, de partage, de co-construction. Ce n’est pas nouveau pour nous. Néanmoins, on peut se référer aussi au discours d’Emmanuel Macron de novembre 2017 à l’Université de Ouagadougou qui a voulu repositionner, redessiner les contours des relations de la France et des pays africains, de réaffirmer la place importante de la jeunesse, de la formation et de l’agriculture. Pour nous, c’est extrêmement important. L’autre valeur importante, réaffirmée à cette occasion, est l’importance du partenariat, de la réciprocité, de la co-construction.

A niveau de notre ministère, depuis 2018, nous avons clairement quatre axes stratégiques que sont renforcer les mobilités réciproques, accompagner des réformes institutionnelles des systèmes de formation agricole et rurale dans nos pays partenaires -partiellement en Côte d’Ivoire, construire des parcours croisés de formation qui peuvent aller jusqu’à la bi-diplomation ou la double diplomation, et l’appui à l’entreprenariat.

Ceci dit, c’est avec nos partenaires de l’INFPA que nous allons construire ensemble des objectifs réalistes, réalisables, mesurables et que nous les mettons en œuvre ensemble, par exemple, via des expérimentations dans ces centres de formation comme, par exemple, la mise en place d’itinéraires techniques pour produire des pommes de terre ici en Côte d’Ivoire.

Ces approches sont toujours prises comme un levier pour répondre aux enjeux de l’attractivité aux métiers de l’agriculture, aux questions de sécurité alimentaire, de changement climatique et toujours dans une perspective de développement des chaines de valeur.

Je suis un jeune ivoirien, que dois-je faire pour bénéficier de ces programmes ?

En Côte d’Ivoire, il existe onze écoles qui relèvent de la tutelle du ministère de l’Agriculture via l’INFPA. Ce sont des formations publiques ouvertes à tous.

Sinon, les établissements agricoles français proposent à leurs partenaires de l’INFPA des fiches de mission de service civique que l’INFPA diffuse auprès de ses étudiants pour qu’ils puissent venir passer 6 à 12 mois en France pour se perfectionner, partager leurs cultures et apprendre des étudiants français.

Une première sélection des candidatures est faite par leurs enseignants et les équipes de direction sur leurs motivations, leur projet au retour, etc. Ensuite, France Volontaire, qui est l’organisme qui s’occupe des services civiques, va finaliser la sélection des jeunes et les accompagner ensuite dans les démarches administratives telle que l’obtention du visa. Les étudiants ont alors un vrai statut de volontaire en termes de sécurité sociale ; ils perçoivent une indemnité qui avoisine les 500 euros par mois. Ce sont les familles qui financent le voyage et le visa. Ensuite, ils sont accueillis dans les établissements, hébergés, etc.

Lorsque le jeune revint, il fait une restitution auprès de France Volontaire. A cette occasion, peut être présent l’OFII (Office français de l’intégration et de l’immigration) et certains jeunes peuvent bénéficier d’une subvention qui peut aller jusqu’à 6 000 euros pour les accompagner dans leur projet professionnel.

 

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