Parole d’expert – Gerard Kambou

Gerard Kambou 

Économiste senior à la Banque mondiale

 

De la compétitivité des économies CFA face au regain du dollar

 

A la suite de la publication du Rapport sur les Perspectives économiques mondiales de la Banque mondiale (cf. CommodAfrica Des perspectives économiques mitigées pour l'Afrique de l'Ouest),  l'économiste de la Banque, Gerard Kambou nous a livré son analyse sur la dépréciation du franc CFA face au dollar et la compétitivité de la zone notamment sur des secteurs à dominante exportatrice comme la noix de cajou mais aussi l'impact sur l'importation notamment de biens d'équipements agricoles.   

 

Depuis que le franc CFA est rattaché à l'euro, la dépréciation de l'euro face au dollar et à d'autres devises devrait conduire à un regain de compétitivités des exportations de la zone CFA vers les Etats-Unis et d'autres régions. La dépréciation du franc CFA devrait booster les recettes d'exportation en valeurs locales.

Cependant, une série plus large d'indicateurs de compétitivité, dont les coûts de main d'œuvre, les schémas d'exportation et les parts de marché indiquent que le prix et la compétitivité des coûts sont peut-être moins importants que les conditions générales de l'environnement des affaires. Ceci implique que des réformes structurelles sont d'une importance critique pour une croissance soutenue et pour la compétitivité de la zone CFA, notamment de son secteur agricole.

Les pays sont intéressés à améliorer leur compétitivité de façon générale, et non à l'égard d'un pays en particulier. En évaluant la compétitivité du franc CFA, par exemple, pour l'exportation de noix de cajou, il ne suffit pas de regarder la dépréciation du franc CFA par rapport au dollar. Le franc CFA peut se déprécier par rapport au dollar mais demeuré à valeur fixe ou même s'appréciant par rapport à d'autres monnaies. Pour ces raisons, on doit regarder le taux de change effectif réel (REER), qui est une somme pondérée des taux de change bilatéraux avec les différents partenaires commerciaux. Une dépréciation durable du REER témoignera d'une compétitivité accrue en terme de prix des exportations de la zone CFA.

Une dépréciation du franc CFA, si durable, devrait conduire à un transfert de ressources (main d'œuvre, capital) vers le secteur des biens marchands, ce qui comprend l'agriculture, car il devient alors plus rentable, et permet d'accroître la production et els exportations. Parce qu'une dépréciation renchérit le coût des importations en monnaie locale, cela peut peser sur l'importation de machines, et annuler ainsi les effets positifs sur la production. En fonction de l'élasticité de al demande à l'importation pour des machines asiatiques, des opérateurs peuvent se tourner vers des articles de substitution meilleurs marchés.

D'autre part, s'agissant de l'impact de la chute du prix du baril, de nombreux pays d'Afrique sub-saharienne exportateurs de pétrole s'ajustent en réduisant fortement ou en retardant des dépenses d'investissement afin d'alléger les pressions sur le budget. Ces coupes dans les dépenses d'investissement touchent tous les secteurs, dont les dépenses en entretien et en réhabilitation des routes rurales, ce qui peut affecter négativement l'agriculture.