Parole d’expert – Jérémie Kouassi

Jérémie Kouassi

Coordonnateur du Programme national de relance caféière, Côte d'Ivoire

 

Pourquoi le Robusta ne parvient-il pas à décoller?

 

Le Robusta est en recul par rapport à l'Arabica notamment parce que ce dernier a un meilleur arôme et que le taux de caféine du Robusta est plus élevé. Ce n'est pas, a priori, négatif mais c'est une question de promotion et de marché. Des pays comme l'Italie et l'Europe de l'Est aiment les cafés forts mais nombre d'autres pays aiment les cafés doux.

C'est aussi une question de qualité et de bonnes pratiques agricoles. Il existe deux types de traitement du café : la voie sèche qui consiste, après récolte, à sécher directement avant de décortiquer, et la voie humide qui consiste à laver et à dépulper. Dès que vous récoltez la cerise rouge, vous dépulpez la cerise par voie mécanique afin d'enlever l'enveloppe mucilagineuse du fruit avant de le sécher.

Ce type de traitement donne un café de meilleure qualité que lorsque vous le séchez directement. Car lors de la cueillette, les grains verts et rouges sont mélangés  et, par conséquent, on sèche l'ensemble dans des conditions qui ne sont pas bonnes. Le café peut même développer des champignons appelés ochratoxine.

Aujourd'hui, le Robusta est en train de franchir un autre stade. L'Ouganda et d'autres pays commencent à laver leur Robusta pour améliorer sa qualité et abaisser son taux d'acidité, ce qui va le rapprocher de la qualité de l'Arabica. Avant on ne lavait que l'Arabica, pas le Robusta. Aujourd'hui, pour avoir du café fin –car on parle bien de café fin, on doit passer par le traitement du café par voie humide. C'est la clef de la qualité.

Pour faire ceci, les producteurs doivent se regrouper. C'est ce que font les coopératives de femmes au Cameroun par exemple, comme on l'a vu au dernier Festicoffee 2015. Les femmes productrices rassemblées en coopératives peuvent acheter des unités de dépulpage plus conséquentes et réaliser ainsi des économies d'échelle. Car plus l'unité est petite, plus le coût unitaire est élevé. Ceci dit, il existe des dépulpeuses manuelles pour les petits producteurs.

Au niveau du Programme de relance caféière en Côte d'Ivoire, nous étudionscomment aider les producteurs à s'équiper. Mais cela ne suffira pas à redresser la filière Robusta. Les producteurs doivent améliorer leurs conditions de récolte, ne cueillir que ce qui est rouge.  Les producteurs prennent une branche et tirent, récoltant feuilles, grains verts, rouges, petits bouts de bois. Or, il faut être sélectif  et ne cueillir que les cerises rouges, mures.

Pour améliorer les bonnes pratiques agricoles, il faut éduquer les planteurs mais il faut aussi que le planteur retire de la valeur de son travail. Les rendements sont faibles à l'hectare. Aussi, lorsque le prix du café baisse, les producteurs se tournent vers d'autres cultures comme l'hévéa, le palmier à huile et même le cacao. C'est ce qui s'est passé en Côte d'Ivoire : nous étions le premier producteur africain de café jusqu'en  2000 et le 3ème mondial…