Parole d’expert – Pierre Ricau

Pierre Ricau est analyste matières premières agricoles au service d'informations et de conseils sur les marchés des filières agricoles N'Kalô de Rongead

Le Bénin s'inspire-t-il de la Côte d'Ivoire pour sa réforme annoncé de la filière cajou ?

Le Bénin s'apprêterait à réformer la commercialisation intérieure de la noix de cajou (cf. nos informations). Décryptage de Pierre Ricau, analyste chez Rongead- n'kalo, pour CommodAfrica.

"Cette réforme est plutôt une surprise", confie à CommodAfrica Pierre Ricau, analyste chez Rongead notamment pour n'kalo. "En réalité, le Bénin semble vouloir un peu répliquer le schéma de la Côte d'Ivoire, en encadrant avec des agréments les différents acteurs. C'est intéressant mais il ne faut pas que cela réduise le nombre d'acteurs car cela limiterait la concurrence et donc réduirait les prix pour les producteurs."

Le spécialiste salue la prime aux transformateurs, tout en s'interrogeant sur les moyens de financer une telle prime. "Comptent-ils mettre en place une taxe à l'exportation de produits bruts, comme l'a fait la Côte d'Ivoire? De quel montant serait-elle ? La prime sera-t-elle véritablement incitative ou marginale? ".

Ceci dit, le Bénin avait besoin d'une réforme pour soutenir la transformation. Car, élément particulier, le pays -qui a une belle qualité de noix- démarre, avec le Nigeria, la saison de production en Afrique de l'Ouest : la récolte démarre en janvier et la campagne de commercialisation en février, soit une quinzaine de jours avant la Côte d'Ivoire. Car, en Afrique de l'Ouest, il y a un léger décalage climatique d'Est en Ouest en Afrique de l'Ouest. Conséquence, le démarrage de la commercialisation au Bénin est très attendue et il existe une forte pression pour exporter les noix brutes. "Donc, si on veut développer la transformation locale, il faut bien protéger les acteurs", souligne Pierre Ricau.

En revanche, il ne faut pas penser que le seul fait de mettre des agréments aux commerçants et aux exportateurs résoudra les autres difficultés. "En Côte d'Ivoire", rappelle le spécialiste, "l'introduction de ces agréments permet au gouvernement de mettre un peu de pression lorsque la demande ralentie et que les prix sont enclins à baisser. Ainsi, le Conseil coton anacarde a déjà menacé de supprimer les agréments aux commerçants qui achèteraient en-dessous du prix minimum. Ils ont arrêté d'acheter et après un moment, la demande est revenue. Alors que les années avant l'instauration des agréments, ils auraient juste baisser les prix. Cela aurait créé plus de volatilité. Dons l'introduction d'agrément permet de réguler un peu le marché."

Surtout, cela agit sur la qualité. Car derrière l'introduction d'agréments, la Côte d'Ivoire a édicté des normes de qualité et de stockage. "Cela a permis de dire qu'on ne pouvait pas s'improviser commerçant d'anacarde si on n'a pas un magasin ou une zone de stockage pour l'anacarde, si on n'a pas de sacs en jute, etc. Cela évite que des gens viennent faire des 'one-shots' et déséquilibrent le marché."

La production au Bénin est, bon an, mal an, de 100 000 tonnes (t). En 2016, elle a baissé à 100 000 t alors qu'en 2015 elle était à  105 000 t. "Cette année, la récolte se présente bien. On devrait être au-delà des 100 000 t. Mais il y a beaucoup de noix du Nigeria qui sortent par le Bénin, car le port de Lagos est saturé".