L’Afrique doit faire passer l’agriculture devant les infrastructures dans ses priorités

 L’Afrique doit faire passer l’agriculture devant les infrastructures dans ses priorités
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Sous l’intitulé « L’expérience de croissance tirée par les infrastructures en Afrique s’essouffle. Il est temps de se concentrer sur l’agriculture », le chercheur kényan David Ndii a publié le 20 décembre un article sur le site du Carnegie Endowment for International Peace. Il incite le continent à se détourner du credo des bailleurs de ces deux dernières décennies en faveur du développement des infrastructures pour épouser celui de l’agriculture.

Cette tendance a été lancée en 2010 par une étude de la Banque mondiale qui a estimé les coûts économiques du déficit d’infrastructures de l’Afrique à 2,2 points de pourcentage de croissance du revenu par habitant par an. David Ndii rappelle que l’étude a estimé que l’investissement nécessaire pour combler l’écart s’élèverait à environ $ 93 milliards par an de 2010 à 2020, soit près de $ 1 000 milliards en cumulé. « L’appel a coïncidé avec une augmentation de l’offre de financement externe en raison de la surabondance de liquidités mondiales occasionnée par les dépenses de relance du gouvernement à la suite de la crise financière mondiale de 2007-2008, l’émergence de la Chine comme source majeure (et souvent préférée) du financement du développement et les contre-offres des pays occidentaux que les prêts chinois ont suscitées. »

Quel résultat constate-t-on ? Si au cours des deux dernières décennies, les revenus moyens en Afrique ont bel et bien grimpé en moyenne de 40%, la tendance s’essouffle actuellement laissant place à une situation préoccupante d’endettement et ce, bien avant que la pandémie de la Covid ne soit déclenchée. Car pour David Ndii, la véritable contrainte de l’Afrique en matière économique est sa faible productivité agricole, notamment en raison de la persistance de la petite agriculture. « Le décollage économique de l’Afrique dépend d’une transformation agricole favorable aux pauvres », écrit-il.

« Les rendements céréaliers mondiaux ont presque triplé depuis 1960, mais l’Afrique n’a réussi à augmenter ses rendements que de 90%. L’Afrique est la seule région où la croissance démographique a dépassé la productivité céréalière. L’Afrique se classe au dernier rang mondial dans pratiquement tous les indicateurs de productivité agricole, bien plus que l’économie non agricole », égrène le chercheur.

Cela fait deux décennies qu’on parle de transformation agricole en Afrique. Les études et engagements solennels se succèdent mais les résultats ne sont  pas au rendez-vous, constate David Ndii. Même ceux de la Banque africaine de développement (BAD). « La banque s’est fixée pour objectif d’augmenter les terres avec une meilleure gestion de l’eau d’une base de référence de 2015 de 45 500 hectares par an à 47 800 hectares par an en 2019, une augmentation très modeste de 2 300 hectares.20 Au lieu de cela, le chiffre a chuté d’environ 50 % à 23 300 hectares.  Le rapport s’est également fixé pour objectif d’augmenter le nombre d’agriculteurs équipés de technologies améliorées d’un tout aussi modeste 30 000, passant de 600 000 à 630 000. Il visait en outre à augmenter le financement des intrants agricoles de 600 000 à 1,7 million de tonnes métriques, mais n’a pas pu trouver les données pour 2019 à communiquer. Parmi les domaines thématiques « High 5 » de la banque (agriculture, électricité, intégration, industrialisation et qualité de vie), la part de l’agriculture dans les prêts de la banque était la plus faible à 11,1% en 2019, un peu moins de la moitié de la part de l’électricité (21,8%), la même qu’avant que la stratégie de transformation ne soit dévoilée.”

En outre, le prix des produits alimentaires est beaucoup plus élevé en Afrique : en Inde, une famille de quatre personnes consacre 14 % de son revenu mensuel à l’achat de nourriture contre 40% au Ghana.

Le chercheur voit trois raisons à ce que l’agriculture plutôt que les infrastructures soit le vrai moteur de croissance. Tout d’abord, la faible productivité agricole de l’Afrique signifie que les retours sur investissement seront les plus élevés dans l’agriculture. Deuxièmement, étant donné la prédominance en Afrique de la petite agriculture de subsistance, la pauvre et l’insécurité alimentaire sont totalement interliées : investir dans l’agriculture ferait sauter ce verrou aux multiples facettes. Troisièmement, quasiment toute la croissance agricole actuelle en Afrique découle d’une mise en culture de nouvelles terres plutôt que l’accroissement de la productivité. Alors, certes, insiste le chercheur, investir dans l’agriculture n’implique pas de se désintéresser des infrastructures. Mais il ne fait pas se tromper dans la priorité.

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