Tucci Ivowi, Ghana Commodity Exchange : “Beaucoup reste à faire en matière de sensibilisation”

 Tucci Ivowi, Ghana Commodity Exchange : “Beaucoup reste à faire en matière de sensibilisation”
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Pour Tucci Ivowi, directrice exécutive adjointe du Ghana Commodity Exchange (GCX), on doit cheminer pas à pas pour s’assurer de la réussite. La GCX a démarré avec deux produits, le maïs et le soja, et devrait aller jusqu’aux métaux et minerais. Quant aux transactions, elles sont effectuées aujourd’hui sur la base spot mais devraient, dans quelque temps, englober des opérations forward et futures*. Les membres de la bourse s’y rendent actuellement physiquement pour mener à bien leurs transactions, mais pourront les effectuer, dans peu de temps, électroniquement de partout. Ainsi, le maître mot est la prise de conscience de jusqu’où un tel outil peut conduire l’agriculteur et l’agriculture au Ghana.

 

 

La Ghana Commodity Exchange (GCX) a un peu plus de 6 mois. Comment tout ceci a-t-il commencé ?

 

La Ghana Commodity Exchange a démarré ses activités en novembre 2018, mais l’idée en elle-même est plus ancienne. Plusieurs gouvernements en ont discuté depuis le début de 2000, lorsqu’une première étude de faisabilité a été commandée. Cette étude initiale a été réalisée par la Securities and Exchange Commission, en collaboration avec le ministère des Finances et quelques autres partenaires de développement. De ce gouvernement à l’autre, l’idée d’une bourse de marchandises a fait son chemin.

 

Le projet de bourse a été lancé en 2015 lorsqu’a été mise en place une équipe pour travailler à l’élaboration du projet avec la société internationale, Eleni LLC. C’est ce qu’ils ont fait durant 12 mois environ, prenant en compte le contexte local, que ce soit l’environnement réglementaire, les acteurs sur le marché ou encore la viabilité des différentes chaînes de valeur de matière matières premières.

Entre 2015 et 2017, l’équipe sur ce projet a travaillé à la conception de la bourse en tenant compte du contexte local (environnement réglementaire, acteurs du marché et viabilité des différentes chaînes de valeur des produits). L’équipe actuelle, dirigée par le directeur exécutif Kadri Alfah, a été constituée début 2018 et a reçu pour mandat du nouveau gouvernement de mettre en place la bourse d’ici la fin de l’année.

La décision a été prise de tester le marché en avril, avant que ne démarrent officiellement les opérations. La GCX a démarré ses transactions en avril 2018par le biais d’un mécanisme d’enchères sous réserve. Ces échanges pilotes ont été d’une grande utilité en tant qu’expérience du concept auprès des acteurs du marché, les acheteurs comme les vendeurs. Cela était particulièrement important car il a démontré la simplicité du système et comment il fonctionnerait une fois lancée, faisant passer l’idée d’un concept théorique à un concept offrant des avantages tangibles.

Avec détermination et un travail acharné, la Ghana Commodity Exchange a été inaugurée le 6 novembre 2018 sous l’autorité du ministère des Finances, avec le soutien du Président de la République et de divers autres ministères, notamment le ministère de l’Alimentation et de l’agriculture ainsi que du Commerce et de l’industrie. La première transaction a été effectuée par un agriculteur qui a vendu 200 sacs de son maïs et a reçu son paiement dans les 24 heures avec un texto de sa banque.Comment choisissez-vous vos produits ?Nous avons décidé de commencer par les produits agricoles car l’agriculture est une priorité absolue dans le pays. Nous avons choisi des produits liés à la sécurité alimentaire afin de relever les défis de ces chaînes de valeur tels que les pertes après récolte, les problèmes de stockage et les prix aux agriculteurs. Nous avons commencé avec le maïs en novembre et avons ajouté le soja en avril. Nous prévoyons de traiter le sorgho, le sésame et le riz dans les mois à venir.À moyen terme, nous prévoyons d’intégrer les cultures de rente, notamment les noix de cajou et de karité ainsi que le café. A plus long terme, nous envisageons les métaux et les minéraux.Pour le moment, nous émettons des contrats spot, par lesquels vous achetez le produit pour livraison immédiate. Il est prévu d’intégrer progressivement des contrats forward et des futures* une fois que le marché spot et l’infrastructure qui va avec seront bien établis.

Quel est le lien avec les bourses mondiales, comme Chicago pour le maïs ?

Le prix est différent pour chaque produit. Certains produits ne sont liés qu’aux cours mondiaux, tels que le café et le cacao. Toutefois, un produit de base comme le maïs, un produit essentiellement de subsistance, dépend des prix locaux qui ont également leurs propres tendances saisonnières.

La Bourse publie les prix locaux et mondiaux. Étant donné que nous vendons des produits gradés, nous publions des prix gradés, fournissant chaque jour, à la clôture, des informations sur les prix par SMS à nos membres et au grand public via notre site web.

Quand vous dites “local”, est-ce seulement le Ghana ou l’Afrique de l’Ouest ?

Cela concerne le marché du Ghana. S’agissant des marchés, la prochaine étape sera le commerce régional, dans le cadre de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao).

Très concrètement, je suis un producteur de maïs et je souhaite vendre à travers la bourse. Comment dois-je procéder ?

Tout d’abord, vous vous inscrivez à la bourse en tant que membre ce qui est réglementée par la Securities & Exchange Commission. Une fois membre, vous pouvez venir physiquement déposer votre maïs dans l’un des entrepôts de la GCX. Nous disposons actuellement de six entrepôts de maïs dans les régions centrale et septentrionale du pays et prévoyons d’en exploiter au moins dix autres d’ici à la fin de l’année.

Lorsque vous déposez votre grain dans notre entrepôt, nous pesons, testons et classons le produit pour en déterminer la qualité.

Si l’évaluation de votre grain vous convient, vous recevez un récépissé d’entrepôt électronique.Lorsque vous êtes prêt à vendre, soit vous-même soit une personne de votre choix qui  sera votre représentant à la corbeille, vous pouvez venir physiquement à la salle des marchés de la GCX pendant les heures de trading. Bientôt, notre système sera activé pour que vous puissiez faire votre transaction à distance, où que vous soyez.Le système est structuré de manière à garantir une découverte juste et transparente des prix, de sorte que l’intégralité de la transaction soit anonyme. La façon dont cela fonctionne est que vous entrez dans le système électronique et vous placez un prix demandeur sur votre produit. Un acheteur entrera alors et émettra son prix d’offre. Quand ils correspondent, la transaction se fait. Vous rentrez chez vous et dans les 24 heures, vous recevez l’argent sur votre compte bancaire. En tant qu’acheteur, vous disposez de 10 jours pour récupérer le produit dans l’entrepôt.En d’autres termes, la Bourse offre aux acheteurs et aux vendeurs une plate-forme pour se rencontrer et, en tant que contrepartie, nous garantissons la qualité et la quantité de la marchandise, ainsi que le paiement rapide.

Quels sont les autres avantages qu’offre une transaction via la GCX ?

Nous avons parlé de transparence dans la détermination des prix, des prix justes et d’un règlement rapide. Il y a également la gestion des contrats, ce qui élimine les défauts côté acheteurs qui n’honoreraient pas leurs paiements et côté vendeurs qui transmettraient des produits de mauvaise qualité.L’un des principaux avantages des transactions sur la GCX est la diminution significative des pertes post-récolte grâce aux bonnes conditions de stockage que nous utilisons. A moins de 1%, ce taux de perte est très intéressant face aux 40% de pertes lorsque les conditions idoines ne sont pas réunies. Cela signifie que même sans prendre en compte le prix, les vendeurs sont tout simplement payés pour la totalité de la quantité produite. D’autre part, nos entrepôts et nos marchandises sont assurés, ainsi que nos garanties de bonne exécution. Cela signifie qu’en cas de problème, la quantité et la qualité du produit sont garanties par la bourse, qui honorera chaque récépissé d’entrepôt.La bourse a également pour objectif de contribuer à l’augmentation de l’inclusion financière des petits exploitants et à leur fournir des prix équitables pour leurs produits afin d’améliorer leurs conditions de vie et celles de leurs communautés.

Alors, les agriculteurs sont-ils les principaux acteurs du marché ?

Le bien-être des petits exploitants est l’objectif central de la bourse. Nous avons une catégorie de membres, nommée membres associés, qui permet aux agriculteurs qui le souhaitent de mener eux-mêmes la transaction. Il est important de les intégrer pleinement dans le système de négociation structuré mis en place grâce à la bourse.

En ce qui concerne les adhérents, nous avons environ 120 membres à ce jour, dont environ 30 sont des courtiers qui négocient pour eux-mêmes ou pour le compte de tiers. Actuellement, les courtiers (y compris les agrégateurs traditionnels) représentent plus de 100 000 agriculteurs. Nos membres comprennent également des commerçants de petite et moyenne taille, ainsi que plusieurs grands transformateurs et organisations institutionnelles.

Nous avons aussi un grand nombre de visiteurs. En avril, on en a recensé environ 300, la plupart voulant savoir comment adhérer.

Les produits que les producteurs livrent sont-ils généralement de bonne qualité ? Avez-vous des difficultés à trouver la qualité correspondant à vos normes ?

C’est une bonne question car nos normes sont très élevées. Nous travaillons avec l’Autorité des normes du Ghana pour classer les produits et nous nous assurons que notre qualité minimale correspond à la norme de qualité GSA. Nous notons selon les normes locales et internationales. En règle générale, on peut trouver des céréales et des cultures de bonne qualité au Ghana. Lorsque les produits livrés ne sont pas de la qualité requise, nous proposons des services additionnels tels que le nettoyage et le séchage des produits.

Qui sont les acheteurs ?

Nous avons des acheteurs qui interviennent à tous les échelons de la chaîne de valeur; des agriculteurs aux petits et moyens commerçants, aux transformateurs et aux industriels.

Quel est votre principal défi aujourd’hui ?

La sensibilisation. C’est nouveau donc beaucoup reste à faire en matière de sensibilisation. Dans le cadre de notre plan de communication global, nous lancerons bientôt une campagne sur les radios rurales qui nous permettra de toucher notre population clé.

En termes de volumes, combien avez-vous négocié en avril ?

En avril, 2 720 “minibags” de 50 kg de maïs ont été échangés sur les six entrepôts.

Qu’en est-il du transport de marchandises ?

Nous ne gérons pas actuellement le transport; les marchandises sont retirées des centres de livraison GCX par l’acheteur.

Vous avez mentionné qu’il s’agissait d’un marché au comptant et qu’il pourrait évoluer vers un marché futur. Est-ce réalisable, Accra n’étant pas une place financière per se ?

Les marchés futures nécessitent essentiellement des niveaux élevés de liquidité. Une fois qu’un marché au comptant  est en place, que la participation au marché est élevée et qu’il existe une confiance locale et régionale, le marché peut offrir des produits de base nécessitant de telles solutions de gestion des risques sur des contrats à terme. Une étape intermédiaire sont les contrats forward qui seront mis en place à la bourse ces 12 prochains mois. De nombreux acheteurs potentiels achètent déjà certains produits sur le marché forward ou futures. Notre approche progressive est volontaire afin de permettre au marché de fonctionner et de croître de l’intérieur, tout en permettant aux gens de s’habituer au système.

 

* Un contrat forward est un accord entre deux parties pour acheter ou vendre un actif à une date ultérieure, pour un prix fixé à l’avance. Un contrat Future est, quant à lui, établi via un marché organisé : il est standardisé.

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