L’ICAC à Abidjan, le coton en Afrique : cigale ou fourmi ?

 L’ICAC à Abidjan, le coton en Afrique : cigale ou fourmi ?
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Durant toute la semaine à Abidjan dans le cadre de la 77éme réunion plénière de l’ICAC, plus de quatre cents délégués représentants 60 pays venus des 5 continents ont pu échanger sur la situation et l’avenir du monde cotonnier.

Sur fond de crise commerciale entre les superpuissances, les acteurs ont pu faire état d’un produit, l’or blanc, de plus en plus financiarisé qui se traite aujourd’hui comme n’importe quelle valeur financière dans les bourses mondiales. Pendant que certains s’inquiètent de la position que vont prendre les fonds d’investissement sur le marché du coton dans les semaines qui viennent, que devient le coton d’Afrique ?

Pour filer la métaphore, les sociétés cotonnières africaines dansent au même rythme endiablé que lors de la soirée de gala à laquelle l’interprofession ivoirienne a invité les conférenciers mercredi soir. Loin de la perplexité qui prédomine sur le marché, le sourire est de rigueur en Afrique. Pour la troisième saison consécutive, on peut comprendre l’euphorie.

La fermeté du dollar face au franc CFA a permis aux sociétés cotonnières de profiter de moyennes de prix très favorables dans un contexte d’une hausse constante de la production africaine de coton, notamment au Mali et au Bénin.La qualité est toujours plus reconnue notamment grâce à un effort accru pour éviter la contamination par des corps étrangers lors de la récolte manuelle des fleurs de coton et son acheminement aux usines d’égrenage. En outre, la filière s’est professionnalisée, les nombreuses rencontres dans le cadre de l’Association cotonnière africaine permettant des échanges d’expérience et de pratiques vertueuses communes. Et puis, la bonne anticipation des marchés permet des ventes aux meilleurs moments.

Toutefois cette conjonction des astres n’a pas fait oublier aux cotonculteurs que pendant des années le coton se traitait à moins de la moitié du prix actuel. Beaucoup d’interrogations bruissaient dans les couloirs de l’ICAC. Le Roi Dollar peut-il continuer à ces niveaux sans pénaliser l’économie américaine ? Les coûts de production du coton africain ne cessent de flamber. Quand bien même l’augmentation de la production pourrait abaisser le point mort de rentabilité, le vrai problème reste le rendement à l’hectare désespérément faible. L’émiettement des producteurs en micro parcelles de deux hectares en moyenne ralentit la mécanisation nécessaire à l’augmentation des rendements. L’absence d’irrigation frappe régulièrement les pays du Sahel rendant les cultures sujettes aux aléas climatiques.

Comment les producteurs africains peuvent-ils se battre à armes égales face aux géants que sont les Etats Unis, le Brésil ou l’Inde, sans même parler de la Chine ? La fin des accords de l’OMC, décidée unilatéralement par le président Trump, va-t-elle signer le retour des subventions agricoles distribuées à tour de bras par les plus grands au détriment des petits producteurs ? L’Afrique ne s’y est pas trompée remobilisant ses troupes autour de l’initiative C4. Mais la dérégulation actuelle n’augure rien de bon.

L’ICAC a présenté durant ses travaux de nouvelles techniques agricoles à la pointe de la technologie. De longues sessions ont été consacrées aux cotons OGM (dits BT) et aux vertus du coton biologique. Mais, une présentation peut-elle suffire sans mobilisation de fond ?

Kai Hugues, président de l’ICAC, lors de son discours d’introduction a mentionné la nécessité pour les pays de valoriser leurs productions de coton en les transformant sur place pérennisant dans le même temps toute la filière dans chaque pays producteur. Pour vertueux que soit le discours, surtout compte tenu de l’impact carbone inhérent au mouvement des marchandises, il y a encore loin de la coupe aux lèvres.

La conclusion des travaux de l’ICAC pour l’Afrique pourrait être : la politique à mener en matière cotonnière relève- t-elle de celle de la fourmi ou de la cigale ?

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