La transformation de cacao n’est pas gage de réussite de la filière : le cas de l’Indonésie

 La transformation de cacao n’est pas gage de réussite de la filière : le cas de l’Indonésie
Partager vers

Les cacaoculteurs indonésiens regardent, perplexes et inquiets, l’évolution de leur filière : il y a dix ans, le pays produisait environ 500 000 tonnes (t) de cacao -jusqu’à 550 000 t en 2009/10- alors que sur la campagne actuelle, on devrait tomber à 220 000 t, selon l’Organisation internationale du cacao (ICCO). On était encore à 250 000 t la campagne dernière. A une époque troisième producteur mondial, l’Indonésie est aujourd’hui  au sixième rang mondial. Avec des conséquences en cascade sur une industrie de transformation qui est parvenue à se hisser au troisième rang mondial, derrière la Côte d’Ivoire et les Pays-Bas. Mais, visiblement, elle n’a pas su être moteur  pour la filière en amont alors que l’aval est très dynamique.

Côté demande, tous les signaux sont, en effet,  au vert, tant sur le marché intérieur indonésien que sur le marché mondial. Le chocolat et autres produits du cacao bénéficient des retombées très positives d’une campagne mondiale mettant en avant les vertus de la fève sur la santé, sur le moral, bref sur le bien-être. Les supermarchés en Indonésie regorgent de chocolat mais relativement peu de confection locale.

En revanche, en amont, les cacaoculteurs ont préféré se tourner vers des cultures ou des activités plus rentables et moins aléatoires aux maladies et changements climatiques. “Notre production baisse car les fermiers se tournent vers des cultures plus rentables, comme l’huile de palme, ou même changent de profession pour devenir mineurs ou autres“, a-t-il été souligné par l’Indonesian Coffee and Cocoa  Research Institute lors d’une réunion mercredi de la filière au siège de la Chambre de commerce et d’industrie  d’Indonésie à Jakarta, rapporte Reuters.

9 usines cacao sur 20 ont cessé de produire

Conséquence, 9 des 20 usines de transformation de cacao ont cessé de produire depuis l’année dernière et les 11 unités restants tournent à moins de 59% de leurs capacités pour transformer 463 060 t de fèves cette année, a précisé le patron de la sous-direction des boissons et tabacs au ministère de l’Industrie, Mogadishu Djati Ertanto.

Nous devons importer des fèves de cacao car de nombreuses usines ont dû cesser leurs opérations par manque d’approvisionnement”, a expliqué le responsable gouvernemental qui a rejeté en grande partie la faute aux  producteurs : ils n’auraient pas adopté les bonnes pratiques culturales préconisées et n’auraient pas joué le jeu d’arracher leurs vieux cacaoyers pour en planter de nouveau. Certains arbres ont plus de 20 ans, a-t-il rappelé.

Pour faire face à la situation et pouvoir répondre à la demande, l’industrie fait un lobbying intense auprès du gouvernement afin qu’il réduise de 5% à 1% la taxe à l’importation de fèves et d’éliminer la TVA à l’import qui est de 10%. D’ores et déjà, et malgré ces droits, les importations de fèves ont doublé entre 2013 et 2018, pour atteindre l’année dernière 239 377 t, soit plus que sa propre production nationale.

Des mesures pour rebooster la filière

D’autre part, le ministère de l’Agriculture entend rebooster la production en distribuant 400 plants de qualité aux cacaoculteurs sur la période 2020-2024. En outre, la filière devrait bénéficier de l’enveloppe de $ 7 millions que le gouvernement alloue aux huit plus importante filières agricoles dont le cacao aux côté du palmier à huile, de l’hévéa, du cocotier, du caféier , du poivrier , muscadier et giroflier.

Les autorités renouvellent aussi leur conseil au producteur de procéder à la fermentation de leurs fèves afin d’accroître leur valeur ; actuellement, moins de 10% des fèves le sont.

Ceci dit, issus de fèves produites localement ou importées, les statistiques gouvernementales soulignent le potentiel de l’exportation de produits dérivés du cacao, des produits transformés à valeur ajoutées, qui ont totalisé 365 583 t l’année dernière et généré $ 1,2 million.

Un marché mondial mais aussi national du cacao et du chocolat dont l’Indonésie voudrait profiter du dynamisme. Selon une étude de Fortune Business Insight, ce marché mondial progresserait annuellement de 5,7% entre 2017 et 2025, pour atteindre une valeur de $ 67,22 milliards d’ici 5 ans.

Barry Callebaut joue la filière intégrée

En Indonésie, le potentiel de croissance est également élevé puisque la consommation de chocolat est de 300 gr par habitant en moyenne, avec une croissance des ventes de confiserie de 3,4% en 2018, souligne le géant mondial, le suisse Barry Callebaut qui, mi-août, y a ouvert sa seconde usine de chocolat, à Rancaekek, près de Bandung. La première, à Gresik, près de Surabaya, a démarré il y a moins de trois ans ; le n°1 mondial des produits du chocolat a également deux usines cacao à Bandung et Makassar.

Ce dernier investissement en date, de quelque € 2,5 millions, fait suite à la signature, en novembre 2018, d’un accord d’approvisionnement en chocolat et produits chocolatés  à long terme avec la plus grande agro-industrie du pays, Garudafood. Pour Barry Callebaut, en Indonésie, la filière est totalement intégrée.

Autres Articles

Leave a Reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *